— Toi, en pere de famille, ca va faire bizarre.

— Tu m'estimes incapable d'assumer ce role ?

— J'ai pas dit ca. Simplement, va falloir s'y habituer.

On joue cassos. Dans le jardin, il veut prendre la mouflette dans ses bras, mais ce grand tout noir, si eloigne des Scandinaves, l'effraie et elle court se refugier dans les jupailles de son ogresse blonde.

— Ou allons-nous ? s'enquiert mon frere de c?ur.

— Chez les vieux du gamin kidnappe : c'est a deux pas.

On s'y rend pedestrement. Tout en cheminant, je lui apprends le meurtre de Pamela.

Il en est sidere.

— Dis donc : cette affaire prend de l'ampleur !

— Et je sens qu'on en est au debut ! Tu penses revoir ta Mme de Sevigne incandescente ?

— Un lot de ce calibre, ca s'exploite.

— Autrefois, tu ne trompais jamais Ramade, murmure-je, cette perspective te faisait horreur…

Il a la reponse qui s'impose, breve et cinglante :

— C'etait autrefois !

Bon, voila la creche des Charretier : une maison de meuliere avec des coquilles cimentees dans l'entourage des fenetres et un paillasson monogramme, comme celui du prince Napoleon.

La mother eploree delourde. Visage bouilli par le chagrin et l'insomnie.

— On a retrouve son corps ? glapit-elle.

— He la, doucement ! m'emporte-je, agace par la theatralite de cette gourde, tandis que son male surgit des cagoinsses, les bretelles trainantes telle une queue bifide.

Decouvrant Jeremie, il clapote dans son egarement :

— Monsieur est negre ?

Voulant sans doute demander s'il est policier.

— Pas du tout ! le detrompe mon Valeureux. Ramoneur seulement.

Le bruit misericordieux de la chasse d'eau se mue en un murmure de source avant de s'interrompre tout a fait.

— Nous souhaiterions visiter la chambre de Paul-Robert, fais-je.

Les deux glandus nous guident par l'escalier. La piaule du gamin est la premiere a droite.

Ses dimensions et son amenagement tendent a faire croire que les darons du disparu ont un standing superieur a celui des Malapry. A preuve : il dispose, pour faire ses devoirs, d'un bureau en acajou et, pour ses branlettes, d'un cabinet de toilette attenant.

Le Noirpiot s'assied sur la chaise de l'etudiant et inventorie les tiroirs.

— Que fait-il ? demande dans un souffle la mere du ravisse.

— Il cherche, reponds-je.

— Quoi ? dit le pere.

— Il l'ignore, explique-je, mais le saura quand il aura trouve.

Ce resume d'une action policiere accroit leur eplorance.

Dans notre job, la presence de la famille constitue un poids mort. Je n'ai pas le courage de virer ceux-ci de la maniere anticonformiste dont j'ai evacue la dabuche de Bernard, naguere.

Tandis que le Blondinet des savanes entreprend le burlingue, moi je m'attaque au placard mural. Des fringues dans la partie penderie, pas en masse : « on grandit tellement vite a c't'age-la ». Principalement des jeans, des tee-shirts, des trucs de sport. Chaussures de ski. Je passe mes pognes a l'interieur de ces tartines pour robot. De l'une d'elles je ramene un paquet de lettres reunies par un ruban. Toutes sont ecrites en anglais et emanent d'une certaine Juny Largo, de Manchester, sa correspondante britannique, je suppose. Elle doit etre plus agee que Paunert, car elle travaille dans une etude d'avocats a Londres.

Les parents etant occupes a surveiller les agissements du « Grand Negre », j'enfouillasse les missives avant de pousuivre mes investigations, comme on dit puis en litterature de premiere classe.

Notre perquise achevee, les pauvres geniteurs demandent si nous avons trouve des elements susceptibles de faire progresser l'enquete.

Je leur reponds « qu'il faut voir ».

Cette precision ne parait pas les raies cons fort the.

12

Reunion au sommet !

Le directeur nouveau la preside, sans pour autant me faire de l'ombre, a moi qui le predecessa. Assis cote a cote a la vaste table des conferences, nous constituons desormais une hydre a deux tronches ; j'apprecie son comportement. Il est rarissime qu'un roi partage sa couronne spontanement et avec autant de gentillesse.

Tout l'etat-major est laguche pour, a bien precise Mouchekhouil, « avancer la main dans la main en evitant de mettre les deux pieds dans le meme sabot ».

Pour commencer, je me livre a un resume suce-seins de l'affaire. N'after quoi, Bingo en tire un premier faisceau conclusif.

A savoir que Pamela Grey a ete attaquee gare du Nord pour provoquer la venue de son pere a Pantruche. Il tique lui aussi sur la promptitude « d'execution » des gens qui s'en sont pris au « roi du ble ». La facon dont ils ont utilise sa fille pour l'appater, puis dont ils les ont liquides, revele une bande serieusement organisee. Ces gens pratiquent la politique de la « terre brulee » : a preuve, le rapt du jeune temoin et la tentative d'assassinat contre M. Felix.

La, je place un drop-goal d'un coup de saton magistral, interrompant le discours de mon co.

— Y a comme un defaut ! laisse-je tomber.

— Vraiment ? s'inquiete Bingo.

— Nous avons communique aux medias le nom du pere Felix, mais pas celui du mome Charretier. Comment, alors, les tueurs ont-ils eu connaissance de son existence ?

Mes auditeurs, dirluche en tete, restent cois.

— S'ils ont pris au serieux le pseudo-temoignage du vieillard, poursuis-je, c'est parce qu'ils ignoraient le role de Paul-Robert. C.Q.F.D.

Le silence de l'assistance se prolonge.

— Effectivement, finit par convenir mon suce-cesseur.

Mes arriere-pensees butinent mon esprit avec un acharnement d'abeilles desireuses d'en mettre un rayon. Me viennent des bribes d'idees, des projets de deduction ; rien de bien solide encore. Faut que cela s'assemble.

— Je crois, soupire-je, que nous devrions remettre cet os a plus tard et poursuivre ce tour de table.

Approuve !

Je passe le micro a l'ineffable Rouquin, drolement hurff dans un costard de velours noir qui met en valeur le Van Gogh lui tenant lieu de perruque.

— Qu'ont donne les releves d'empreintes effectues dans la chambre de miss Grey ?

La, il biche, le Prix Cognacq de la grosse veine bleue ! C'est son instant. Il l'attendait en promenant sa dextre attaquee par les acides sur le zoizeau fretilleur embusque a l'oree de sa braguette.

Il declare, avec la voix qu'avait Adolf Hitler quand il vendait des croix gammees en chocolat sur les marches, au moment des fetes de Noel :

— Je suis en mesure de fournir l'identite des hommes qui ont tue Pamela Grey.

D'exaltation, Bingo faillit actionner le systeme ejectable de son dentier.

— En verite ! s'exclame-t-il.

Le Rouque ouvre la chemise en bristol rouge placee devant lui.

— Grace aux empreintes, je puis, sans le moindre doute, affirmer qu'il s'agit de deux repris de justice notoires. L'un se nomme Angelo Angelardi. C'est un element de la Mafia sicilienne exile en France ou il s'est livre a des actions de grand banditisme. Condamne a quinze ans de reclusion pour le meurtre d'un convoyeur de fonds,

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