restait pour vous le seul defi disponible mais on s’y presse en foule, il est parfaitement civilise. Ce n’est pas vraiment votre truc. »

Cirocco avait renonce a vouloir l’interrompre. C’etait tellement gros : autant la laisser poursuivre.

« Non, ce qui vous convient exactement c’est ce que vous avez fait. Escalader la montagne inaccessible. Communier avec des etres etranges. Brandir le poing face a l’inconnu, cracher a la figure de Dieu. Vous avez fait tout cela. Vous avez souffert tout du long ; et si vous poursuivez dans cette voie, vous souffrirez encore plus. Vous gelerez, vous mourrez de faim, vous saignerez et vous tomberez d’epuisement. Alors que desirez-vous ? Passer le reste de votre existence derriere un bureau ? Rentrez chez vous : il vous attend. »

Tres loin, au sein des abysses du moyeu de Gaia, le vent gemissait doucement. Quelque part, des quantites d’air s’engouffraient dans un cylindre haut de trois cents kilometres et ce cylindre etait peuple par des anges. Cirocco regarda autour d’elle et frissonna. A sa droite, Gaby souriait. Que sait-elle de plus que moi, se demanda Cirocco ?

« Que m’offrez-vous ?

— Une chance de vivre longtemps, avec le risque pourtant d’une mort rapide. Je vous offre des amis surs et des ennemis redoutables, le jour eternel et la nuit sans fin, des chants d’allegresse et des vins entetants, les epreuves, les victoires, le desespoir et la gloire. Je vous offre la possibilite d’une vie que vous ne trouverez nulle part sur Terre, le genre de vie que vous saviez impossible a trouver dans l’espace tout en l’esperant malgre tout.

« J’ai besoin d’un emissaire sur l’anneau. Il y a bien longtemps que je n’en ai plus car je suis tres exigeante. Je puis vous offrir certains pouvoirs. Vous definirez vous-meme votre tache, choisirez vos horaires et vos compagnons, decouvrirez le monde. Je pourrai vous procurer de l’aide, tout en intervenant le moins possible.

« Que diriez-vous de devenir une Sorciere ? »

Chapitre 26.

Vu de haut, le camp de base de l’expedition ressemblait a une monstrueuse fleur brune. Une balafre s’etait ouverte dans le sol juste a l’est de Titanville et commencait a degorger les Terriens.

Le flot semblait interminable. Tandis que Cirocco l’observait depuis la nacelle d’Omnibus, un globe de gelatine bleue en forme de pilule jaillit du sol et tomba sur le cote. Le revetement ne tarda pas a se liquefier en revelant sous sa gangue une chenillette argentee. Le vehicule se degagea de la mer bourbeuse pour se diriger vers l’alignement de six machines identiques deja garees a proximite d’un complexe de domes gonflables avant de decharger ses cinq passagers.

« Ces mecs sont venus en y mettant le paquet, observa Gaby.

— Regarde donc par la. Et ce n’est que l’equipe d’atterrissage : Wally va tenir son vaisseau a distance pour ne pas se faire cueillir.

— Tu es sure de vouloir descendre ?

— Il le faut. Tu dois bien le savoir. »

Calvin considera le spectacle et renifla.

« Si ca ne vous derange pas, dit-il, je reste en haut. Ca pourrait tourner mal si je descendais.

— Je peux te proteger, Calvin.

— Ca reste a voir. »

Cirocco haussa les epaules. « Peut-etre veux-tu rester egalement, Gaby.

— Je vais ou tu vas, repondit-elle simplement. Tu dois bien le savoir. Tu crois que Bill est encore en bas ? Ils l’ont sans doute deja evacue.

— Je crois qu’il attendra. Et d’ailleurs, il faut que je descende pour voir ca de plus pres. »

Et elle lui indiqua l’amas de metal brillant qui surgissait a l’ouest du camp, au milieu de sa propre fleur de terre retournee. Il n’avait aucune forme definie, rien ne pouvait reveler qu’il ait pu etre autre chose qu’une simple epave. C’etaient les ossements du Seigneur des Anneaux. « Allez on saute », dit Cirocco.

« … et elle affirme avoir effectivement ?uvre dans notre interet tout au long de cet incident pretendument agressif. Je ne puis vous presenter aucune preuve concrete de la plupart de ces assertions. Il ne peut y avoir aucune preuve, hormis l’exemple concret de son comportement durant un laps de temps convenable. Mais je ne vois pas en quoi elle pourrait representer une menace pour l’humanite, presentement ou dans l’avenir. »

Cirocco se radossa et saisit son verre d’eau en regrettant que ce ne fut pas du vin. Elle avait parle pendant deux heures, interrompue seulement par Gaby pour souligner ou corriger certains points de detail de son rapport.

Ils se trouvaient sous le dome circulaire qui tenait lieu de poste de commandement a la mission au sol. La piece etait assez grande pour contenir les sept officiers, Cirocco, Gaby et Bill. Des leur atterrissage, on y avait sans tarder conduit les deux femmes et apres les presentations on leur avait demande leur rapport.

Cirocco se sentait deplacee. Bill et l’equipage de l’Unite etaient vetus d’uniformes rouge et or immacules, sans un pli. Ils respiraient la proprete.

Et leur aspect etait franchement trop militaire au gout de Cirocco. L’expedition du Seigneur des Anneaux avait evite cela au point meme d’eliminer les titres militaires, hormis celui de capitaine. A l’epoque du lancement, la NASA faisait son possible pour effacer toute trace de ses origines militaires. On avait cherche a placer la mission sous la houlette des Nations unies meme si la notion qu’elle fut autre chose qu’une expedition purement americaine ressortissait de la pure fiction. Cela representait toutefois un grand pas.

L’Unite, par son nom meme, temoignait que les nations de la Terre collaboraient plus etroitement. Son equipage multinational prouvait que la tentative du Seigneur des Anneaux avait reuni les nations autour d’un but commun.

Mais les uniformes revelaient a Cirocco quel etait ce but.

« Vous preconisez donc la poursuite d’une politique pacifique », dit le capitaine Svensen. Il parlait par le biais d’un recepteur de television place sur le bureau pliant au centre de la piece. En dehors des chaises, c’etait l’unique element de mobilier.

« Le plus que vous puissiez y perdre, c’est votre equipe d’exploration. Regardez les choses en face, Wally : Gaia sait pertinemment que ce serait un acte de guerre et que le vaisseau suivant ne serait meme pas habite : ce serait une grosse bombe H. »

Le visage sur l’ecran fronca les sourcils puis opina.

« Excusez-moi un instant, dit-il. Je voudrais en discuter avec mon etat-major. » Il fit mine de se detourner puis se ravisa.

« Et vous, Rocky ? Vous ne nous avez pas dit si vous la croyez. Dit-elle la verite ? »

Cirocco n’eut aucune hesitation.

« Oui, elle dit vrai. Vous pouvez compter sur elle. »

Le commandant au sol, le lieutenant Strelkov, attendit pour s’assurer que le capitaine n’avait plus rien a dire puis se leva. C’etait un jeune homme elegant afflige d’un menton fuyant et – bien que Cirocco eut du mal a le croire – il etait soldat dans l’armee sovietique. C’etait presque encore un enfant.

« Puis-je vous offrir quelque chose ? » lui demanda-t-il dans un excellent anglais. « Peut-etre avez-vous faim apres votre voyage de retour.

— Nous avons mange juste avant de sauter, repondit Cirocco en russe. Mais si vous aviez du cafe… »

« Tu n’as pas vraiment termine ton histoire, disait Bill. Il reste encore ton retour apres ta conversation avec Dieu.

— On a saute, dit Cirocco en sirotant son cafe.

— Vous… »

Elle se tenait avec Bill dans un « coin » de la piece circulaire, leurs deux chaises rapprochees, tandis que les officiers de l’Unite murmuraient entre eux a voix basse autour du recepteur de television. Bill avait l’air en forme. Il marchait avec une bequille et sa jambe le faisait apparemment souffrir lorsqu’il

Вы читаете Titan
Добавить отзыв
ВСЕ ОТЗЫВЫ О КНИГЕ В ИЗБРАННОЕ

0

Вы можете отметить интересные вам фрагменты текста, которые будут доступны по уникальной ссылке в адресной строке браузера.

Отметить Добавить цитату
×