среди всех этих сложностей одно меня ободряет и придает мне немного столь необходимого мне спокойствия, — это уверенность, что какое бы решение она ни приняла, останется она или уедет, ваша поддержка и ваша любовь будут с ней при любых обстоятельствах.
Что до меня, то благодаря скромному способу передвижения, который я избрал для своей курьерской поездки, мне удалось израсходовать всего сто дукатов. У меня остается еще двести. Этих денег должно хватить для того, чтобы приехать в Турин и дотянуть до конца года.
Вот мы опять обречены на переписку. Правда ли, что едва три недели тому назад я был с вами? Или это был только сон? — Если бы я мог поскорее заснуть опять! — Простите, любезнейший папинька, простите, любезнейшая маминька, поцелуйте за меня Дашиньку и ее ребенка и передайте самый сердечный привет ее мужу. Ф. Т.
Тютчевым И. Н. и Е. Л., 1/13 ноября 1837*
Turin. Ce 1/13 nov<em>bre 1837
Chers papa et maman. Vous devez, je suppose, avoir reçu à l’heure qu’il est la première lettre que je vous ai écrite d’ici* et j’espère que cette lettre vous aura complètement tranquillisé sur mon compte. Encore une fois pardon des inquiétudes que j’ai pu vous avoir causées. Me voilà depuis bientôt un mois à Turin, et ce temps a suffi pour me permettre de me former une opinion probablement définitive sur son compte. — Comme poste, comme service, comme gagne-pain, en un mot, Turin est certainement un des meilleurs postes qu’il y ait. D’abord, pour ce qui est des affaires il n’y en a pas. Obrescoff est vis-à-vis de moi d’une amabilité qui ne laisse rien à désirer — et pour ce rapport je ne saurais lui faire une réparation assez éclatante des préventions que j’avais commis contre lui sur la foi de la médisance publique. Le traitement de la place sans être considérable est pourtant de 8000 roubles. Et quant aux prix d’ici, ils sont tels qu’avec le double de cette somme un ménage à la rigueur peut se tirer d’affaire. De plus, j’ai pour l’automne prochain la perspective de rester ch<argé> d’aff<aire>s pendant une année entière. Voilà le bon côté de la chose. Mais ensuite, comme séjour, comptez que Turin est un des plus tristes et des plus maussades que le bon Dieu ait créés. Nulle société. Le corps diplomatique, peu nombreux, peu uni, est, en dépit de toutes les avances, complètement isolé des indigènes. Aussi y est-il peu d’employés diplomatiques qui ne se considèrent ici comme en exil. Obrescoff, p<ar> ex<emple>, qui après cinq ans de résidence et malgré ses excellents dîners et ses trois bals par semaine dans la saison — et sa jolie femme — n’est pas parvenu à attirer assez de monde pour s’assurer une partie de whist. Et il en est de même de tous ses collègues. En un mot, comme société et comme sociabilité Turin est de tout point le contre-pied de Munich. Mais encore une fois, c’est peut-être la manière la plus commode de gagner 8000 r<oubles> par an.
Ce matin, au moment où j’écrivais ceci, un homme est entré dans ma chambre qui m’a remis de votre part un paquet de livres russes et votre lettre du 24 septembre. Grand merci pour l’un et pour l’autre. Quant aux inquiétudes exprimées dans votre lettre sur mon arrivée tardive à Turin, je crois déjà vous avoir suffisamment rassurés à ce sujet.
Maintenant laissez-moi vous parler de ce qui me préoccupe à l’exclusion de toute autre chose au monde, et cela, je puis bien le dire avec vérité à chaque instant de la journée. C’est de ma femme que je veux vous parler. J’ai appris par une lettre que j’ai reçue d’elle il y a une dizaine de jours sa résolution définitive de passer l’hiver à Pétersbourg. Certes, c’était là pour elle, aussi bien que pour moi, une dure, bien dure nécessité, plus dure et plus cruelle, que moi, je ne puis le dire, ni que qui que ce soit au monde peut l’imaginer. Mais il n’y avait pas à balancer. Il y aurait la folie évidente, faible de santé, comme elle est, et avec trois enfants sur les bras, d’entreprendre un pareil voyage dans cette saison. Elle a donc bien fait de rester. Je l’approuve et remercie tous ceux qui le lui ont conseillé. Maintenant, pour ce qui me concerne, il n’y a qu’une seule chose qui puisse adoucir un peu pour moi l’amertume de la séparation. C’est la certitude de la savoir à Pétersbourg le moins mal possible. C’est pourquoi, chers papa et maman, je vous la recommande encore une fois et cela avec les plus vives instances. Il serait inutile de chercher à vous expliquer de quelle nature sont mes sentiments pour elle. Elle les connaît et cela suffit. Laissez-moi vous dire seulement ceci: c’est que le moindre petit bien qui lui sera fait, aura cent fois plus de valeur à mes yeux que les plus grandes faveurs perpétuelles qui pourraient m’être accordées. Voilà ce que j’ai décidé relativement à son entretien pour le temps qu’elle a à passer à P<étersbourg>, et je vous saurai un gré infini si vous consentez à y souscrire…
Si elle attend pour venir me rejoindre le retour de la navigation, il faut compter qu’elle ne pourra guères partir avant les derniers jours du mois de mai. C’est donc, à compter du 1er décembre, six mois entiers. Papa a eu la bonté de lui avancer la somme de 1600 r<oubles>. Il est bien entendu que c’est une avance faite sur ma pension de l’année prochaine. Il me reste donc à toucher encore pour le compte de cette pension 4400 r<oubles>. Or je viens d’écrire à ma femme que cette somme de 4400 je la mettais à sa disposition pour les 6 mois de son séjour à Pétersb<ourg>. Cela laissera un peu plus de 700 r<oubles> par mois, et certes, en égard à la cherté de l’endroit, c’est à peine suffisant pour vivre. Je voudrais de plus que la moitié de la dite somme lui soit remise au mois de décembre prochain et l’autre moitié au mois de mars. Maintenant que papa me dit s’il croit pouvoir accepter cet arrangement. Car au cas où il ne pouvait pas, j’ai envoyé à Nelly une procuration pour le Ministère à l’effet de le faire payer sur les lieux mon traitement, aussi que tout autre argent qui pourrait m’échoir. Mais elle ne ferait usage de cette procuration que s’il y avait lieu. Car je vous avoue que pour bien de raisons je préférerais de beaucoup l’arrangement proposé. Cela éviterait des démarches inutiles et beaucoup de faux frais. Quant à moi, ne soyez pas en peine, je vous supplie. Mes finances particulières sont dans l’état le plus brillant. J’ai dans ce moment 3000 r<oubles> bien comptés. J’aurai au mois de janvier mon trimestre qui est de 2500 r<oubles>. En ne dépensant que 800 r<oubles> p<ar> m<ois> pour mon existence, je puis pour cette somme de 5500 économiser facilement au moins 2000 r<oubles> au profit de la seconde moitié de l’année prochaine, et dans cette seconde moitié je puis avec une presque certitude compter sur quatre mois de traitement de ch<argé> d’aff<aires>. Ainsi encore une fois ne soyez pas en peine de moi. L’essentiel pour moi, et de beaucoup l’essentiel, c’est d’assurer à Nelly, pour le temps qu’elle a à passer à Pétersb<ourg> une existence un peu tolérable et vous ne pourriez pas m’accorder un plus grand bienfait qu’en me mettant à même de réaliser ce vœu. Veuillez, je vous supplie, vous entendre avec elle pour qu’elle sache à quoi s’en tenir et si elle sera ou non dans le cas de faire usage de la procuration que je lui ai envoyée*.
Dans la lettre que je lui ai écrite hier, j’ai oublié de lui recommander une chose qui est de quelque intérêt pour moi, et je vous serai fort obligé, si vous vous chargiez de lui en parler.
Je désire qu’aussitôt qu’elle apprendra l’arrivée à Pétersb<ourg> de la Comtesse
Cette lettre, chère maman, maintenant que la navigation est fermée et les chemins détestables, n’arrivera que peu de jours avant votre fête et celle de ma fille*. Embrassez-la pour moi et bénissez-la. L’idée de vous savoir tous réunis — tous les êtres que j’aime le mieux au monde, réunis et parlant quelquefois