Quoi, monsieur l'cure, faudrait que j' vous dise Si j' crois au Bon Dieu? Vous vous moquez d' moi! Si j' viens d' temps en temps dans votre vieille eglise C'est qu' vous la chauffez et qu' dehors, j'ai froid. Mais comme cependant vous m' semblez brave homme, J' viens vous faire tout d' meme un brin d' confession. J' suis qu'un va-nu-pieds, une pauvre bete de somme, Je n'ai qu' l'experience et pas d'instruction; Mais j' peux bien vous l' dire en toute liberte, Ces grands mots qu' partout On lit a la ronde, Votre Egalite, votre Fraternite, Ils sont ecrits la pour se foutre du monde! T'nez, monsieur l' cure, quand j'etais tout mioche, J' n'ai pas eu d' baisers, mais j'ai r'cu des coups, On m'en a fichu d' ces sacrees taloches. Il est vrai qu'mon pere n'm'aimait pas beaucoup. A douze ans, on m' mit en apprentissage, j' fus l'souffre-douleur d' certains ouvriers. Alors, un beau jour, je perdis courage Et j' partis, montrant l'poing a l'atelier. Quand vous dites qu'il faut aimer son prochain, Et que j' me souviens de toutes mes miseres! C'est toujours Abel qu'est tue par Cain! Ne prechez donc pas qu' tous les hommes sont freres. T'nez, monsieur l'cure, a vingt ans a peine, Je partis soldat, j' croyais etre heureux, Si j' n'eus pas a m' plaindre de mon capitaine, J' n'en dis pas autant des p'tits galonneux. Ils m' traitaient d' cretin, d' faineant, d' sale bourrique. Y en a qui trouvent ca tres intelligent, Et j'ai ramasse pour cinq ans d'Afrique Parc' qu'un jour, furieux, j' frappai mon sergent. J' sais pas si la-haut, c' que dans votre fourbi Vous app'lez l'Enfer, c'est une chose atroce; Mais j' vous garantis qu' sortant d' Biribi, Le mouton l' plus doux d'vient une bete feroce! T'nez, monsieur l'cure, je n' veux plus rien dire Parc' que j' sens qu' maintenant, j'irais p't-etre trop loin, Repousse d' partout, j' termine mon martyre Jusqu'a c'qu'on m'ramasse creve dans quequ' coin. Y a une Societe qui protege les betes, Qui les r'cueille et veille a c'qu'elles n' meurent pas d' faim. Savez-vous c' qu'en pensent quelques mauvaises tetes? Qu'on en fasse autant pour le genre humain. Aimer les quatre-pattes, certainement qu' c'est beau Et les philanthropes ont raison en somme, Je n' suis pas jaloux du sort des cabots; Mais, avant les chiens, faut nourrir les hommes! Paroles: Roland Gael. Musique: Gustave Goublier 1900
Pareille au chene de cent ans La vieille croix de bois sur les moissons sommeille Des soirs bleus a l'aube vermeille Sous les neiges d'hiver, dans les fleurs du printemps Elle est la dans les luzernieres De l'orage bravant les coups Pour dire aux paysans: Soyez bons! Aimez-vous! Restez unis comme des freres C'est la croix du chemin, reveuse et solitaire Avec ses bras tendus qui benissent la terre Debout, devant l'horizon noir C'est la croix du chemin, sur la plaine en priere Dans les rumeurs du vent et dans la paix du soir A travers le sol beauceron Pas un arbre n'etend son feuillage immobile Dans l'ocean vert, c'est une ile Que l'on voit se dresser sur le grand horizon L'alouette des champs s'y pose Dans son ombre, le vagabond S'abrite du soleil en mangeant le pain rond Qu'un filet d'eau de source arrose