— Il y a quelqu'un dans le bureau, chuchota-t-elle.

— On le sait, jeta Bob.

— Arrete! cria Francois. Arrete!

C'etait la seule solution: faire du bruit, le plus de bruit possible, pour alerter le cambrioleur et le mettre en fuite. Il descendit l'escalier derriere Bob, en heurtant chaque marche de tout son poids. Bob arrivait deja au rez- de-chaussee. Au lieu d'ouvrir la porte du bureau, il poussa celle du salon et alluma le lustre. Il s'empara des pistolets de duel, en tendit un a Francois. Au meme instant, ils entendirent courir dans le bureau. Une fenetre fut ouverte violemment.

— Vite, dit Bob. Il est dans le jardin. Allume le vestibule.

Francois tatonna, tourna le bouton. La porte d'entree etait grande ouverte. La lumiere dessina, sur l'allee, un long rectangle jaune.

— La-bas! cria Bob.

Francois apercut une ombre, qui se confondit avec celle de la grille. Bob leva son bras arme. La detonation fut si violente qu'il recula de deux pas.

— A toi! hurla-t-il. Tire… Tire… Francois, visant au hasard, appuya sur la detente. Il ne se produisit qu'un claquement sec. Le second pistolet n'etait pas charge. Un moteur se mit a ronfler, dans la rue.

— C'est rate, dit Bob. Il file.

Les deux garcons galoperent jusqu'a la grille entrouverte. La voiture etait hors de vue quand ils deboucherent sur le trottoir.

— Je crois qu'il vaut mieux que tu l'aies manque, dit Francois. Tu vois les complications!

— Je ne sais pas ce qui m'a pris, avoua Bob. Je n'ai pas reflechi.

Ils remonterent l'allee, apres avoir referme la grille. Mrs. Humphrey les attendait sur le perron.

— Rentrez vite. Vous allez attraper froid.

Vous etes verts. Mon Dieu! Un cambriolage!

Ce n'est pas possible… Bob l'ecarta et entra dans le bureau.

— Viens voir!

L'armoire etait ouverte. A la serrure, pendait le trousseau de clefs de M. Skinner. Le classeur rouge avait disparu.

— Il a emporte le dossier, murmura Bob. C'est surement le type qui est venu apres dejeuner.

Accable, il deposa son pistolet sur la table et s'assit. Pour lui, il n'y avait plus rien a faire. Pour Francois, au contraire, l'enquete commencait, car un detail bizarre retenait toute son attention: le trousseau de clefs. Comment ce trousseau, grace auquel le voleur avait successivement ouvert la grille, la porte d'entree et l'armoire, se trouvait-il en sa possession. Il avait bien fallu qu'il le derobe; mais quand et comment? Le plus simple etait d'avertir M. Skinner; donc, de telephoner chez M. Merrill.

— Bob… Tu dois tout de suite mettre ton pere au courant. Il est certainement encore chez M. Merrill.

— Ah! C'est vrai, dit Bob. Ca va lui faire un drole de choc.

Il forma le numero d'une main tremblante.

— Je crois que j'ai un peu de fievre… Allo. Du menton, il fit signe a Francois de prendre l'ecouteur.

— Allo?… Monsieur Merrill?… Bonsoir, monsieur. Ici, Bob Skinner… Est-ce que je pourrais parler a mon pere?

— Votre pere?… Mais il n'est pas ici!

— Comment?… Vous l'avez appele pour lui demander de…

— Moi?… Pas du tout.

— Voyons! Il n'a pas pu nous accompagner au concert justement a cause de ce nouveau rendez-vous.

— Je ne comprends pas. M. Skinner est reste avec moi une partie de l'apres-midi. Je n'allais pas le rappeler une heure apres.

— Alors, ou est-il?

— Je ne sais pas. Mais il ne va sans doute pas tarder a rentrer.

— C'est que…

Bob plaqua l'appareil contre sa poitrine et s'adressa a Francois:

«Je n'ose pas lui parler du classeur. Il pourrait croire que mon pere a ete negligent.»

Revenant a son interlocuteur, il dit:

«Oui. Vous avez raison. Je m'excuse de vous avoir derange. Bonsoir, monsieur Merrill.»

Lentement, il raccrocha, et, prenant a temoins Francois et Mrs. Humphrey, il demanda, d'une voix epuisee:

— Qu'est-ce qu'on peut faire?

— Ce qu'on peut faire? s'ecria impetueusement Francois. Mais il faut prevenir la police.

— Et si papa n'est pas d'accord, quand il reviendra…

— Mais il ne reviendra pas.

Francois regretta aussitot sa repartie, car il vit se decomposer le visage de Bob.

— Soyons bien calmes, reprit-il. Et recapitulons. Cet apres-midi, en l'absence de ton pere, un homme se presente, qui vient certainement pour reperer les lieux… Bon. Plus tard, quelqu'un telephone… Rappelle-toi… La communication etait mauvaise… «Parlez plus fort, disait ton pere. Je ne reconnais pas votre voix»… Ca signifie quoi? Que l'individu qui appelait se faisait passer pour M. Merrill. Et pourquoi?… Pour attirer ton pere dans un piege et lui voler ses clefs. Il n'y a pas d'autre explication.

— Tu veux dire?

— Dame! Reflechis! L'occasion etait magnifique. Le type en question savait, je ne sais pas comment, que nous etions au concert. Ton pere etant retenu quelque part, peut-etre par des complices, il n'y avait plus a la maison que Mrs. Humphrey. Grace aux clefs volees, il devenait facile de se servir… Ce qui n'etait pas prevu, c'est que nous reviendrions si tot.

Les faits s'ordonnaient logiquement et dictaient la conduite a suivre. Bob reprit le telephone et forma le numero de la police, qui etait marque au centre du disque, sur une pastille blanche: Emergency 9.9.9.

— Allo? C'est au sujet de… Ah bon! Monsieur Skinner, a Hastlecombe. Oui, c'est au sujet d'un cambriolage… Des papiers tres importants ont ete voles… Non, je suis son fils… Mon pere a disparu… Pardon?… Pas du tout. S'il n'est pas rentre, c'est probablement qu'il a ete attaque… Je vous en prie… Oui, j'ai compris… l'inspecteur Morrisson… Merci.

Il reposa le combine sur sa fourche et, se tournant vers Mrs. Humphrey:

— La police va arriver, Mrs. Humphrey. Il faut aller vous reposer.

— Vraiment? Vous n'avez besoin de rien? Une tisane? Un grog?… Je ne peux pas vous laisser dans l'etat ou vous etes.

— Mais si. Ca ira, je vous assure.

— J'espere qu'ils comprendront qu'un cambriolage, ici, ce n'est pas tres convenable.

Elle sortit dignement.

— Elle est devouee, murmura Bob, mais elle est d'un autre age… Je pense a mon pere. Qu'est-ce que tu crois, au juste?… On lui a saute dessus? On l'a frappe?

Francois avait si bien pris la situation en main que Bob etait pret a accepter les yeux fermes toutes les hypotheses qu'il pourrait desormais proposer. Francois s'efforca de le rassurer.

— Il a suffi, a mon avis, de le menacer. On l'a force a vider ses poches.

— Mais apres… Il aurait eu le temps de donner signe de vie.

— Tu penses bien qu'on l'en a empeche… On l'a peut-etre enferme quelque part… Ce que je m'explique mal, c'est comment on a pu l'obliger a sortir de sa voiture.

– Ca, c'est facile, au contraire, dit Bob. La rue ou habite M. Merrill est barree, pour le moment. Il y a une enorme tranchee ou l'on place des tuyaux, des cables. Il faut donc garer sa voiture assez loin et faire le reste du trajet a pied. De plus, les reverberes de la rue sont eteints pendant la duree des travaux.

— Eh bien, voila l'explication. C'est la qu'on a guette ton pere. Et je ne serais pas surpris si on le retrouvait, au fond de la tranchee, bien ficele…

L'image fit rire Bob, qui n'etait pas un garcon capable de se complaire dans l'angoisse.

— Je vais avaler un cachet, dit-il. J'ai un sacre mal au crane. Tu pourrais te debarrasser de ton pistolet. Tu as tout du justicier!

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