d'un « 8 » (en francais : huit). Il s'agit de l'epouse de ce dernier.

Outre son embonpoint, son corset donnant a sa jupe la forme d'un abat-jour, sa couperose de chef-cuistot et son odeur de lard ranci sur les dents d'une scie, cette opulente personne offre une particularite que je lui souhaite passagere : elle pleure a pierre fendre…

Son chagrin est tonitruant et s'accompagne de plaintes reelles. M'man, tu la verrais prodiguer sa bonte a tout-va ! Les mots qu'elle trouve ! Ce ton misericordieux ! Ce sourire d'Austerlitz ! Ces gestes menus, si fraternels ! Quelle richesse de posseder une mere pareille !

M'apercevant, le sepulcreur se dresse pour se jeter a mon poitrail, comme a celui d'un cheval emballe.

— Vous ! Oh ! vous ! fait-il avec la voix d'un broyeur d'ordures grippe.

Et d'ajouter avant que j'eusse le temps de formuler une question :

— On a kidnappe Paul-Robert !

6

Tandis que Mme Charretier ruisselait et que Felicie l'epongeait, nous nous sommes rendus, l'escamoteur de defunts et moi, chez des gens du nom de Malapry, demeurant a un jet de foutre de nos creches. Ce, pour la raison peremptoire que le fils aine de ces banlieusards va a la meme ecole que Paul-Robert. Le matin, les paternels conduisent les deux garnements au college Poirot-Delpech ; ils y dejeunent et rentrent en bus en fin d'apres-midi.

Ce soir, a l'heure ou les premieres lueurs de l'aube rosissent le Fuji-Yama, une automobiliste les a interpelles et a demande a Paul-Robert s'il etait bien le fils Charretier. L'adolescent en convenant, la mysterieuse a pretendu alors se rendre chez lui et l'a invite a prendre place aupres d'elle. Il l'a fait spontanement, trop occupe a rougir pour pouvoir reflechir sainement ! Depuis, personne ne l'a revu.

Inquietee par son absence, la Charretier a tubophone aux Malapry ou Bernard, le camarade d'etudes, a raconte ce qui venait de se passer. Affolement de la maman, puis du papa rentrant de ses Pompes.

Avant d'entreprendre quoi que ce soit, le croque-mort a voulu me mettre au courant de cette angoissante aventure.

Nanard Malapry est un grand dadais au visage ravage par l'acne. Il bubonne de toute la gueule ! Boutons gros comme des noisettes, au sommet couronne de pus eternel. Ne doit pas effervescer les rangs des filles ! Tu parles d'une tare a la fraise, Therese !

D'en plus, il est atteint d'un leger begaiement qui le pousse a employer les mots de la phrase suivante. Ses etiquettes sont ecartees kif celles d'un elephant en rut et il a des miettes squameuses plein les sourcils. Il creche dans un petit immeuble de deux etages en bordure du jardin public.

Les parents ?

Comment te les decrire ? Tu vois ton beau-frere et sa grognasse ? Eh bien ca ! Lui, deplume du chapiteau, un bide qui s'embonpointe, un collier de barbe genre instit. Elle : petite, malportante, jaunassouse. Je suis certain que son haleine sent l'egout neglige !

Mais il faut de tout pour defaire un monde.

Presentations.

Le barbu commence a chercher des locutions eruditionnaires, histoire de m'impressionner, me prouver sa culture.

Sa mousme veut lui couper la parole. Ces deux-la, ca doit pas etre l'Eden. La vie commune les a rendus haisseurs, les pauvres. Quand un couple n'arrive plus a se supporter, c'est la Berezina !

Pour couper court, je demande a leur abruti de fils s'il a une chambre. Affirmatif, mon policier !

— Alors, allons bavarder gentiment tous les deux.

Dans le fond, il prefere, malgre la frite que font ses vieux.

T'as des foyers, mais alors des chiees et des chiees, ou l'existence s'ecoule moins bien qu'a Saint- Laurent-du-Maroni, jadis ![3]

La piaule du garnement est moins vaste qu'une cabine telephonique ; elle prend le jour par un fenestron a travers lequel on voit la Lune. Pleine comme une vache sur le point de veler.

— Assieds-toi, fiston !

Comme il n'existe en fesses de siege qu'un tabouret, il se depose poliment sur le bord de son couvre-lit de satin frileux pour m'en laisser la jouissance. Me scrute, plein d'interet et de crainte.

Je lui souris amitieusement.

- Ca boume ?

— Ouais, il dubitate.

— Tes etudes, tu parviens a les rattraper ?

— Sans probleme.

— En classe, tu es pres du tableau ou du radiateur ?

— Du tableau, car j'ai de tres bonnes notes, excepte en dessin.

— Chapeau !

Geste modeste de mon terlocuteur. C'est vrai qu'il n'a pas l'air bete lorsque tu l'observes mieux. Son elocution flancheuse le dessert, mais son regard fute eclaire le personnage.

— Tu t'en doutes, mon brave Bernard, c'est pour te parler de « la dame a l'auto » que je suis ici.

Acquiescement du mome.

— Commencons par le debut. Naturellement, Paul-Robert t'a raconte, en arrivant au college, l'agression a laquelle il a assiste ?

— Il m'a appele hier au soir pour m'en parler.

Tu penses ! A cet age, devenir le seul temoin d'une tentative d'assassinat est une chose qu'on a besoin de confier.

— Il a partage ce secret avec d'autres camarades ?

— C'est probable. Nous sommes une petite bande de copains…

— Tu n'as pas participe au voyage a Londres ?

— Je devais, mais j'ai eu une angine au moment de partir.

— Si bien que tu as fait ceinture, concernant les petites Anglaises ?

Il ecarlatise et se met a contempler la Lune joufflue. On dit « con comme la lune » et l'on a raison. Surtout lorsqu'elle est ronde. Asiate, la-haut ! Violee par l'homme. Salope !

Il l'a diffusee urbi et orbi, son aventure, le fiston du corbillateur ! Son temoignage le promeut heros a part entiere. De quoi s'assurer une aureole jusqu'a la fin de l'annee.

On toque a la porte. Mme Pue-de-la-gueule se pointe pour nous emietter son inquietude.

— Tout va bien ? demande-t-elle avec la voix d'une infirmiere venant s'enquerir du lavement en cours.

— Parfait, gentille madame, et ca ira mieux encore lorsqu'on nous laissera deviser tranquillement.

Elle faillit liberer ses gencives du chlorure de vinyle qui leur sert de denture. Calte, apres une ?illerie orageuse.

— Elle serait pas un brin casse-burettes, ta dabuche ? demande-je a mon jeune copain.

— Carrement chiante, ratifie-t-il.

— C'est pas grave, assure-je.

La, il s'enhardit :

— Pour vous, non. Mais pour mon pere et moi…

Je tente de le reconforter :

— On n'a qu'une mere dans la vie !

— Heureusement ; parce que, avec deux comme ca, le coup ne serait plus jouable !

Il devient franchement drole, debarrasse de sa timidite.

— Maintenant, il faut qu'on en vienne a l'essentiel, fais-je.

— L'enlevement ?

— Tu penses qu'il s'agit reellement d'un rapt ?

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