s’appuyait dessus mais son moral etait au beau fixe. La toubib de l’Unite l’avait assure qu’elle pourrait l’operer sitot qu’il serait a bord et pensait qu’il n’en conserverait aucune sequelle.

« Pourquoi pas ? lui demanda Cirocco en esquissant un sourire. Nous avions garde jusqu’en haut nos parachutes par mesure de securite, alors pourquoi ne pas s’en servir ? » Il en etait encore bouche bee. Elle rit et, se laissant attendrir, lui posa la main sur l’epaule. « D’accord, on a reflechi un bon moment avant de se decider a sauter. Mais cela n’avait vraiment rien de dangereux. Gaia avait maintenu les deux valves ouvertes pour nous apres avoir appele Omnibus. Nous avons fait les quatre cents premiers kilometres en chute libre avant d’atterrir sur le dos d’Omnibus. » Elle tendit sa tasse pour qu’un officier la resserve en cafe puis se retourna vers Bill.

« Mais assez parle de moi. Raconte-moi. Comment ca s’est passe de ton cote ?

— Rien d’aussi interessant, j’en ai peur. J’ai passe mon temps en reeducation avec Calvin et j’ai un peu tate de la Titanide.

— Ah bon. Quel age avait-elle ?

— Quel… ? je parle de la langue, espece d’idiote. » Il rit. « J’ai appris a chanter po- po et pi-pi et Bill a faim. Je me suis vraiment eclate. Et puis j’ai decide de me remuer le cul et de faire vraiment quelque chose puisque tu n’avais pas voulu m’emmener. J’ai commence a discuter avec les Titanides d’un sujet que je connais un peu, a savoir l’electronique. Je me suis plonge dans les lianes-a-cuivre, les vers-a-pile et les gousses-a-circuit-integre ; et peu apres j’avais construit un emetteur-recepteur. »

Son visage s’epanouit en voyant la tete de Cirocco.

« Alors, ce n’etait pas… »

Il eut un haussement d’epaules. « Tout depend de la facon de voir les choses. Tu n’arretais pas de penser a une radio capable d’atteindre la Terre. Je suis incapable d’en construire une. Celle que j’ai n’est pas tres puissante – je peux tout juste dialoguer avec l’Unite quand il est au-dessus de moi et le signal n’a qu’a traverser le toit. Mais meme si je l’avais montee avant ton depart, tu serais partie quand meme, pas vrai ? L’Unite n’etait pas encore arrive si bien que ma radio serait demeuree inutile.

— Je suppose que tu as raison. J’avais d’autres choses a faire.

— J’ai entendu. » Il fit une grimace. « Ce furent d’ailleurs mes pires moments, confessa-t-il. Je commencais a bien aimer les Titanides et puis tout soudain, elles ont pris cet air reveur et se sont mises a detaler dans la campagne. J’ai cru tout d’abord a une nouvelle attaque des anges mais aucune n’est revenue. Tout ce que j’ai trouve, ce fut un grand trou dans le sol.

— J’en ai remarque plusieurs en arrivant, nota Gaby.

— Elles sont revenues, poursuivit Bill. Elles ne se souviennent plus de nous. »

Cirocco s’etait mise a rever. Elle ne se faisait pas de souci pour les Titanides. Elle savait qu’elles n’auraient pas de problemes et que dorenavant elles n’auraient plus a souffrir des combats. Mais il etait triste de savoir que Cornemuse ne se souviendrait plus d’elle.

Elle avait observe l’equipage de l’Unite en se demandant pourquoi personne ne venait leur parler. Elle savait bien qu’elle ne sentait pas tres bon mais ne pensait pas que c’etait une raison suffisante. Avec quelque surprise elle se rendit compte qu’ils avaient peur d’elle. Cette idee la fit sourire.

Elle realisa que Bill lui avait parle.

« Je suis desolee, qu’est-ce que tu disais ?

— Gaby dit que tu n’as pas encore tout raconte. Qu’il y a encore quelque chose et que je devais le savoir.

— Oh ! ca ! » et elle fusilla Gaby du regard. Mais il faudrait bien aborder la question, tot ou tard.

« Gaia, euh… elle m’a offert un job, Bill.

— Un job ? » Il avait leve un sourcil, ebauchant un sourire.

« Un poste de “Sorciere”, pour reprendre ses termes. Elle a une tendance au romantisme. Je suis certaine que tu l’aimerais ; et elle adore la science-fiction, aussi.

— Et en quoi consiste ce job ? »

Cirocco ouvrit les mains. « Conciliations en tout genre, sans precision. Chaque fois qu’elle a un probleme, je vais voir ce que je peux faire. Il existe ici quelques territoires insoumis – au sens propre du terme. Elle a pu me promettre une immunite limitee, une espece de passeport conditionnel fonde sur le fait que les cerveaux regionaux se souviennent de ce qu’elle a fait a Ocean et n’oseront pas me toucher lorsque je traverserai leur territoire.

— C’est tout ? Plutot risque, comme proposition.

— Effectivement. Elle a promis de m’eduquer, de m’emplir la tete d’une quantite phenomenale de connaissances de la meme facon que j’ai appris a chanter le Titanide. Je devrais avoir son aide et son soutien. Rien de magique : disons que je serai capable de faire s’ouvrir le sol pour engloutir mes ennemis.

— Ca, je veux bien le croire.

— J’ai pris le job, Bill.

— T’es vraiment un numero, tu sais ? » Il le disait avec une trace d’amertume mais dans l’ensemble il avait mieux pris la chose que ne l’avait craint Cirocco. « Ca m’a l’air du genre de boulot a te plaire : la main gauche de Dieu. » Il hocha la tete. « Bordel, c’est vraiment un endroit impossible. On peut ne pas l’aimer, tu sais. Je commencais a m’y faire lorsque toutes les Titanides ont disparu. Cela m’a fait un choc, Rocky. J’ai vraiment eu l’impression que quelqu’un venait d’enlever tous ses jouets simplement parce que la partie ne l’interessait plus. Comment peux-tu etre certaine de ne pas etre l’un de ses jouets ? Tu etais jusqu’a present ta propre patronne ; crois-tu pouvoir encore l’etre ?

— Honnetement, je n’en sais rien. Mais je me sens tout bonnement incapable de retourner sur Terre pour reprendre un travail de bureau et les tournees de conferences. Tu as vu des astronautes sur le retour : je pourrais decrocher un siege au conseil d’administration de n’importe quelle grosse boite. » Elle rit et Bill sourit legerement.

« C’est bien ce que je vais faire, lui dit-il. Mais j’espere entrer dans un departement de recherche. Je n’ai pas peur de quitter l’espace. Tu sais que je vais partir, n’est-ce pas ? »

Cirocco opina. « Je l’ai su en voyant ton superbe uniforme. »

Il gloussa mais sans joie. Ils s’entre-regarderent un moment puis Cirocco s’avanca et lui prit la main. Il eut un sourire en coin, se pencha vers elle et deposa un baiser furtif sur sa joue.

« Bonne chance.

— A toi aussi, Bill. »

De l’autre cote de la piece, Strelkov s’eclaircit la gorge.

« Capitaine Jones, le capitaine Svensen desirerait vous parler.

— Oui, Wally ?

— Rocky, nous avons envoye sur Terre votre rapport. Il va falloir l’analyser si bien qu’aucune decision definitive n’interviendra avant plusieurs jours. Mais ici, nous avons ajoute a vos recommandations les notres et je ne pense pas qu’il y ait le moindre probleme. Je compte pouvoir transformer le camp de base en mission culturelle assortie d’une ambassade des Nations unies. Je vous aurais bien offert le poste d’ambassadeur mais nous avions amene quelqu’un au cas ou les negociations seraient couronnees de succes. En outre, je suppose que vous avez hate de rentrer. »

Gaby et Cirocco se mirent a rire, bientot rejointes par Bill.

« Desolee, Wally, mais je ne suis pas pressee de rentrer. Je ne pars pas du tout. Et je n’aurais pas pu prendre la place meme si vous me l’aviez offerte.

— Pourquoi pas ?

— Conflit d’interets. »

Elle s’etait doutee que les choses ne seraient pas simples et elles ne l’etaient pas.

Elle presenta dans les formes sa demission, donna ses raisons au capitaine Svensen puis l’ecouta patiemment lui expliquer en termes de plus en plus peremptoires pourquoi il fallait qu’elle revienne et, pour faire bonne mesure, pourquoi Calvin devait revenir lui aussi.

« Le docteur dit qu’on peut le traiter. On peut restaurer la memoire de Bill et sans doute soigner la phobie de Gaby.

— Je suis certaine que Calvin peut etre gueri mais il est tres heureux la ou il se trouve. Quant a Gaby, elle

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