dans le monde. J’y vais plutôt par nécessité que par goût. Car la distraction quelqu’elle soit est devenue une véritable nécessité pour moi… Dernièrement Sévérine a donné un des plus beaux bals de la saison. Je vous ai dit, <je crois>, que S<évérine> s’est pris d’une grande affection pour moi que je paie de retour, plus encore par reconnaissance que par sympathie. Sa position est assez singulière dans ce pays. Il est très bien traîté par le Roi* qui l’estime et l’apprécie, mais par contre, il est très peu goûté par la société de Munich. Hier il a eu une lettre de Joukoffsky qui lui annonce une prochaine entrevue. Vous savez sans doute que le Grand- Duc Héritier est attendu le mois prochain à Darmstadt*, d’où il viendra probablement à Munich, faire une visite à la Duchesse de Leuchtenberg*. Ici, on s’attend de voir toute la Famille Impériale dans le courant de l’été prochain. Une chose certaine, c’est l’arrivée de la Gr<ande>-Duchesse Marie avec son époux qui doivent venir ici au mois de août, pour passer tout l’hiver à Munich. Mais il est fortement question aussi d’un voyage que l’Impératrice doit faire, à la même époque, en Allemagne, d’où elle se rendrait en Italie pour y passer l’hiver*. Or, si le projet se réalise, il n’y a pas de doute qu’elle passera par ici. Elle s’est trop plu la dernière fois dans le pays, pour ne pas désirer de le revoir, lors même qu’il n’y aurait pas de raisons de famille, pour l’engager à y revenir.

On sait aussi ici que le Comte de Nesselrode avait l’intention de venir l’été prochain en Allemagne, probablement aux eaux de Bohème. Je désire beaucoup que cela se fasse. Car toutes ces puissances sont plus accessibles et plus maniables en pays étranger que chez elles. Aussi dès que je le saurai à Carlsbad, j’irai le trouver*. Je ne sais pas encore au juste ce que je lui demanderai, mais je demanderai… Une place de secrétaire de légation ne pourrait me convenir. Je ne l’accepterai, en aucun cas. Reste à savoir, s’ils consentiront à me nommer conseiller d’ambassade ou, à défaut d’un poste semblable, à me donner une place un peu convenable au département…

Dernièrement j’ai eu la boucle de service pour quinze ans… C’est une assez triste indemnité pour quinze années de vie — et quelles années. Mais, puisqu’en fin j’étais destiné à y survivre, — acceptons la vie et la boucle telles qu’elles nous viennent. Si seulement on pouvait oublier…

Ce 3 février

Parlons maintenant de mes affaires. Il y a six mois que je me propose de vous en parler. Mais une invincible répugnance m’a empêché jusqu’à présent d’aborder ce sujet. Et si vous n’avez pas, cher papa, parlé le premier, peut-être aurais-je persévéré à me taire. J’ai appris avec peine la gêne du moment que les mauvaises récoltes de l’année dernière vous font éprouver et je serais désespéré de venir dans un pareil moment. Soyez bien persuadé que s’il ne s’agissait que de moi j’aurais dès à présent renoncé de bon cœur et à tout jamais à la pension que vous me faisiez autrefois. Ma femme, sans avoir une grande fortune, en a assez pour nous faire vivre tous les deux, et elle ne demanderait pas mieux que de la dépenser pour moi, jusqu’au dernier sou. Aussi depuis le mois de juillet dernier moi aussi, bien que les enfants, nous vivons entièrement à son frais, et de plus, aussitôt après notre mariage elle a payé pour moi vingt mille roubles de dettes. Encore une fois, elle a fait cela avec empressement, avec bonheur, et il n’a pas dépendu d’elle que je n’y attachasse aussi peu d’importance qu’elle y en a mis elle-même.

Mais à tort ou à raison, il m’est tout à fait impossible d’accepter un pareil arrangement comme définitif*. Je pourrais peut-être encore me résigner, pour ce qui me concerne personnellement, à vivre à ses dépens, mais vous comprenez que je ne pourrais consentir à lui imposer à tout jamais l’entretien de mes enfants. C’est déjà bien assez des soins de tout genre qu’elle voue à leur éducation, elle qui jusqu’à présent ne s’est jamais trouvée dans le cas de s’occuper de rien de pareil. Mais si outre les soins je devais encore mettre à sa charge la dépense matérielle de leur entretien et de leur éducation, ceci, je vous avoue, me gâterait tout à fait le bonheur que j’éprouve à avoir gardé ces enfants auprès de moi. Telles sont, cher papa, les raisons qui m’empêchent de renoncer à la pension de 6000 r<oubles> qui vous me ferez et qui font que tout en regrettant, plus que je ne puis le dire, l’embarras que je vous cause, j’accepte avec reconnaissance la promesse que vous me faites dans votre lettre de me la continuer. J’ai tout lieu d’espérer que dans le courant de cet été je réussirai à obtenir une place, soit à l’étranger, soit à St-Pétersbourg. Et si cette place est telle que je le désire, je serais trop heureux de pouvoir alors vous délivrer de la charge que je vous impose en ce moment.

Cette lettre vous trouvera encore à Minsk, pour plus de sûreté. C’est à Nicolas que je l’adresse, en le priant de vous le faire parvenir. Nous avons eu tout récemment de ses nouvelles de Varsovie. Il a écrit à ma femme une lettre très bonne et très aimable, pour lui dire qu’il consentait à être le parrain de l’enfant qui va venir. Mais il se trouve qu’il a un concurrent dans la personne de Mr de Sévérine qui veut à toute force être aussi le parrain du dit enfant. Pour moi, je ne demande pas mieux pourvu qu’il soit entendu que Nicolas est le parrain № 1.

Bien des remerciements à ma chère Dorothée pour son souvenir. Elle me pardonnera de ne pas lui écrire séparément, ni aussi longuement que je le voudrais.

Je pense bien souvent à elle et lui fais vœux les plus sincères pour qu’elle soit heureuse. Comment va sa santé? Votre présence, chère maman, doit lui être d’une grande consolation. Restez-vous encore longtemps à Minsk? Dans sa lettre à ma femme il y a un souvenir que je lie pour moi à tout ce que j’ai de plus cher et de plus intime dans l’âme. C’est celui de ce pauvre enfant qu’elle a perdu — né le jour même de mon départ d’auprès de vous et mort sur les bras de celle qui n’a pas tardé à le suivre*. Il serait beau d’aller les rejoindre.

Adieu, chers papa et maman. J’attends impatiemment de vos nouvelles. Il y a dans votre dernière lettre un mot sur la santé de maman qui m’inquiète beaucoup. Que Dieu vous conserve et vous protège et qu’Il daigne nous accorder la grâce de nous revoir encore une fois. — A bientôt.

Mes amitiés à Mr Сушков.

Целую ваши ручки.

Ф. Тютчев

Перевод

Мюнхен. 1 февраля/20 января 1840

Я опять очень виноват перед вами, любезнейшие папинька и маминька. За истекшие полтора месяца не проходило ни одного дня, чтобы я не укорял себя за то, что день прошел, а я опять не написал вам. Ваше последнее письмо, полученное мною несколько дней тому назад, послужило наконец для меня примером. Благодарю вас за добрые и сердечные слова, сказанные вами в этом письме о моей жене. Она во всех отношениях заслуживает благоприятного мнения, которое вы о ней составили. Нельзя быть лучше нее, более искренней, более любящей и преданной. Вы несомненно полюбите ее, как только узнаете.

С огорчением вижу из вашего письма, что вы гораздо более озабочены моим здоровьем, нежели есть к тому основание. С тех пор как полтора месяца тому назад я начал лечение водою, я ощущаю улучшение, на какое не смел уже и надеяться. Благотворное действие этого лечения доказало мне теперь, что причина моей болезни кроется в нервах, ослабленных и чрезмерно возбужденных. Все же остальные мои недуги были лишь следствием этого. А ведь известно, что холодная вода и свежий воздух являются единственным средством для укрепления нервов. Я не могу достаточно нарадоваться тому, что по какому-то безотчетному чувству уже давно отказался от всяких аптекарских снадобий. Именно это и способствует теперь успеху всего лечения. С тех пор как я его начал, мой аппетит заметно улучшился, и все, кто меня видит, сходятся

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