qui me faisait du bien; vraiment on devrait en écrivant mettre des notes au-dessus des mots; — car maintenant lire une lettre, c'est comme regarder un portrait: point de vie, point de mouvement; l'expression d'une pensée immuable, quelque chose qui sent la mort!..

— J'etais à Царское Село* lorsque Alexis* est arrivé; quand j'en ai reçu la nouvelle, je suis devenu presque fou de joie; je me suis surpris discourant avec moi-même, riant, me serrant les mains l'une l'autre; je suis retourné en un moment à mes joies passées, j'ai sauté deux années terribles, enfin*

Je l'ai trouvé bien changé, votre frère, il est gros, comme J'étais alors, il est rose, — mais toujours sérieux, pause; pourtant nous avons ri comme des fous la soirée de notre entrevue, — et dieu sait de quoi?

Dites moi, j'ai cru remarquer qu'il a du tendre pour m-lle Cathérine Souchkoff*…est-ce que vous le savez? — les oncles de mamselle auraient bien voulu les marier!.. Dieu préserve!.. cette femme est une chauve souris, dont les ailes s'accrochent à tout ce qu'ils rencontrent! — il y eut un temps où elle me plaisait, maintenant elle me force presque de lui faire la cour… mais, je ne sais, il y a quelque chose, dans ses manières, dans sa voix, quelque chose de dur, de saccadé, de brisé, qui repousse; tout en cherchant à lui plaire on trouve du plaisir à la compromettre, de la voir s'embarrasser dans ses propres filets.

Ecrivez-moi de grâce, chère amie, maintenant que tous nos différens sont réglés, que vous n'avez plus à vous plaindre de moi, car je pense avoir été assez sincère, assez soumis dans cette lettre pour vous faire oublier mon crime de lèse- amitié!..

Je voudrais bien vous revoir encore:. au fond de ce désir, pardonnez, il gît une pensée égoïste, c'est que, près de vous, je me retrouverais moi-même, tel que j'étais autrefois, confiant, riche d'amour et de dévouement, riche enfin de tous les biens que les hommes ne peuvent nous ôter, et que dieu m'a ôté. lui! — Adieu, adieu — je voudrais continuer mais je ne puis.

M. Lerma.

— P. S. Mes compliments à tous ceux auxquels vous jugerez convenable de les faire pour moi… adieu encore.

<См. перевод в примечаниях*>

Верещагиной А. М., весна 1835*

<Петербург, весна 1835 г.>

Ma chère cousine!

Je me suis décidé de vous payer une dette que vous n'avez pas eu la bonté de réclamer, et j'espère que cette générosité de ma part touchera votre cœur devenu si dur pour moi depuis quelque temps; je ne demande en récompense que quelques gouttes d'encre et deux ou trois traits de plume pour m'annoncer que je ne suis pas encore tout à fait banni de votre souvenir; — autrement je serai forcé de chercher des consolations ailleurs (car ici aussi j'ai des cousines) — et la femme la moins aimante (c'est connu) n'aime pas beaucoup qu'on cherche des consolations loin d'elle. — Et puis si vous perséverez encore dans votre silence, je puis bientôt arriver à Moscou — et alors ma vengeance n'aura plus de bornes; en fait de guerre (vous savez) on ménage la garnison qui a capitulé, mais la ville prise d'assaut est sans pitié abandonnée à la fureur des vainqueurs.

Après cette bravade à la hussard, je me jette à vos pieds pour implorer ma grâce en attendant que vous le fassiez à mon égard.

Les préliminaires finis, je commence à vous raconter ce qui m'est arrivé pendant ce temps, comme on fait en se revoyant après une longue séparation.

Alexis* a pu vous dire quelque chose sur ma manière de vivre, mais rien d'intéressant si ce n'est le commencement de mes amourettes avec M-lle Souchkoff, dont la fin est bien plus intéressante et plus drôle. Si j'ai commencé par lui faire la cour, ce n'était pas un reflet du passé — avant c'était une occasion de m'occuper, et puis lorsque nous fûmes de bonne intelligence, ça devint un calcul: — voilà comment. — J'ai vu en entrant dans le monde que chacun avait son piédestal: une fortune, un nom, un titre, une faveur*…j'ai vu que si j'arrivais à occuper de moi une personne, les autres s'occuperont de moi insensiblement, par curiosité avant, par rivalité après.

— La demoiselle S. — voulant m'attraper (mot technique), j'ai compris qu'elle se comprometterait pour moi facilement; — aussi je l'ai compromise autant qu'il était possible, sans me compromettre avec, la traitant publiquement comme à moi, lui faisant sentir qu'il n'y a que ce moyen pour me soumettre… Lorsque j'ai vu que ça m'a réussi, mais qu'un pas de plus me perdait, je tente un coup de main. Avant je devins plus froid aux yeux du monde, et plus tendre avec elle pour faire voir que je ne l'aimais plus, et qu'elle m'adore (ce qui est faux au fond); et lorsqu'elle commença à s'en apercevoir et voulut secouer le joug, je l'abandonnai le premier publiquement, je devins dur et impertinent, moqueur et froid avec elle devant le monde, je fis la cour à d'autres et leur racontais (en secret) la partie, favorable à moi, de cette histoire. — Elle fut si confondue de cette conduite inattendue — que d'abord elle ne sut que faire et se résigna — ce qui fit parler et me donna l'air d'avoir fait une conquête entière; puis elle se réveilla — et commença à me gronder partout — mais je l'avais prévenue — et sa haine parut à ses amies (ou ennemies) de l'amour piqué. — Puis elle tenta de me ramener par une feinte tristesse et en disant à toutes mes connaissances intimes qu'elle m'aimait — je ne revins pas — et profitai de tout habilement. Je ne puis vous dire combien tout ça m'a servi — ça serait trop long, et ça regarde des personnes que vous ne connaissez pas. Mais voici la partie plaisante de l'histoire: quand je vis qu'il fallait rompre avec elle aux yeux du monde et pourtant lui paraître fidèle en tête-à-tête, je trouvai vite un moyen charmant; — j'écrivis une lettre anonyme; „M-lle: je suis un homme que vous connait et que vous ne connaissez pas, etc… je vous avertis de prendre garde à ce jeune homme: M. L. — il vous séduira — etc… voilà les preuves (des bêtises) etc….' une lettre sur 4 pages!.. Je fis tomber adroitement la lettre dans les mains de la tante; orage et tonnerre dans la maison. — Le lendemain j'y vais de grand matin pour que en tout cas je ne sois pas reçu. — Le soir à un bal, je m'en étonne en le racontant à mademoiselle; mad<emoiselle> me dit la nouvelle terrible et incompréhensible; et nous faisons des conjectures — je mets tout sur le compte d'ennemis secrets — qui n'existent pas; enfin elle me dit que ses parents lui défendent de parler et danser avec moi, — j'en suis au désespoir, mais je me garde bien, d'enfreindre la défense de la tante et des oncles; — ainsi fut menée cette aventure touchante qui certes va vous donner une fort bonne opinion de moi. Au surplus les femmes pardonnent toujours le mal qu'on fait à une femme (maximes de La Rochefoucauld*). Maintenant je n'écris pas de romans — j'en fais.

Enfin vous voyez que je me suis bien vengé des larmes que les coquetteries de m-lle S. m'ont fait verser il y a 5 ans; oh! mais c'est que nos comptes ne sont pas encore réglés: elle a fait souffrir le cœur d'un enfant, et moi je n'ai fait que torturer l'amour propre d'une vieille coquette, qui peut-être est encore plus… mais néanmoins, ce que je gagne c'est qu'elle m'a servi à quelque chose! — oh c'est que je suis bien changé; c'est que, je ne sais pas comment ça se fait, mais chaque jour donne une nouvelle teinte à mon caractère et à ma manière de voir! — ça devait arriver,

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