d’operer le miracle de la disposition expresse de leur entendement ; ils sont eux-memes les seuls instruments de leur exaltation angelique. Voici vingt-huit ans que je suis dans le monde spirituel avec les Anges, et sur la terre avec les hommes ; car il a plu au Seigneur de m’ouvrir les yeux de l’Esprit, comme il les ouvrit a Paul, a Daniel et a Elisee. » Neanmoins, certaines personnes ont des visions du monde spirituel par le detachement complet que le somnambulisme opere entre leur forme exterieure et leur homme interieur. Dans cet etat, dit Swedenborg en son traite de LA SAGESSE ANGELIQUE (n? 257), l’homme peut etre eleve jusque dans la lumiere celeste, parce que les sens corporels etant abolis, l’influence du ciel agit sans obstacle sur l’homme interieur. Beaucoup de gens, qui ne doutent point que Swedenborg n’ait eu des revelations celestes, pensent neanmoins que tous ses ecrits ne sont pas egalement empreints de l’inspiration divine. D’autres exigent une adhesion absolue a Swedenborg, tout en admettant ses obscurites ; mais ils croient que l’imperfection du langage terrestre a empeche le prophete d’exprimer ses visions spirituelles dont les obscurites disparaissent aux yeux de ceux que la foi a regeneres ; car, suivant l’admirable expression de son plus grand disciple, la chair est une generation exterieure. Pour les poetes et les ecrivains, son merveilleux est immense ; pour les Voyants, tout est d’une realite pure. Ses descriptions ont ete pour quelques chretiens des sujets de scandale. Certains critiques ont ridiculise la substance celeste de ses temples, ses palais d’or, de ses villas superbes ou s’ebattent les anges ; d’autres se sont moques de ses bosquets d’arbres mysterieux, de ses jardins ou les fleurs parlent, ou l’air est blanc, ou les pierreries mystiques, la sardoine, l’escarboucle, la chrysolite, la chrysoprase, la cyanee, la chalcedoine, le beryl, l’URIM et le THUMIN sont doues de mouvement, expriment des verites celestes, et qu’on peut interroger, car elles repondent par des variations de lumiere (VRAIE RELIGION, 219) ; beaucoup de bons esprits n’admettent pas ses mondes ou les couleurs font entendre de delicieux concerts, ou les paroles flamboient, ou le Verbe s’ecrit en cornicules (VRAIE RELIGION, 278). Dans le Nord meme, quelques ecrivains ont ri de ses portes de perles, de diamants qui tapissent et meublent les maisons de sa Jerusalem ou les moindres ustensiles sont faits des substances les plus rares du globe. « Mais, disent ses disciples, parce que tous ces objets sont clairsemes dans ce monde, est-ce une raison pour qu’ils ne soient pas abondants en l’autre ? Sur la terre, ils sont d’une substance terrestre, tandis que dans les cieux ils sont sous les apparences celestes et relatives a l’etat d’ange. » Swedenborg a d’ailleurs repete, a ce sujet, ces grandes paroles de JESUS-CHRIST : Je vous enseigne en me servant des paroles terrestres, et vous ne m’entendez pas ; si je parlais le langage du ciel, comment pourriez-vous me comprendre ! (Jean, 3, 12). — Monsieur, moi j’ai lu Swedenborg en entier, reprit monsieur Becker en laissant echapper un geste emphatique. Je le dis avec orgueil, puisque j’ai garde ma raison. En le lisant, il faut ou perdre le sens, ou devenir un Voyant. Quoique j’aie resiste a ces deux folies, j’ai souvent eprouve des ravissements inconnus, des saisissements profonds, des joies interieures que donnent seules la plenitude de la verite, l’evidence de la lumiere celeste. Tout ici-bas semble petit quand l’ame parcourt les pages devorantes de ces Traites. Il est impossible de ne pas etre frappe d’etonnement en songeant que, dans l’espace de trente ans, cet homme a publie, sur les verites du monde spirituel, vingt-cinq volumes in-quarto, ecrits en latin, dont le moindre a cinq cents pages, et qui sont tous imprimes en petits caracteres. Il en a laisse, dit-on, vingt autres a Londres, deposes a son neveu, M. Silverichm, ancien aumonier du roi de Suede. Certes, l’homme qui, de vingt a soixante ans, s’etait presque epuise par la publication d’une sorte d’encyclopedie, a du recevoir des secours surnaturels pour composer ces prodigieux traites, a l’age ou les forces de l’homme commencent a s’eteindre. Dans ces ecrits, il se trouve des milliers de propositions numerotees, dont aucune ne se contredit. Partout l’exactitude, la methode, la presence d’esprit, eclatent et decoulent d’un meme fait, l’existence des Anges. SA VRAIE RELIGION, ou se resume tout son dogme, ?uvre vigoureuse de lumiere, a ete concue, executee a quatre-vingt-trois ans. Enfin, son ubiquite, son omniscience n’est dementie par aucun de ses critiques, ni par ses ennemis. Neanmoins, quand je me suis abreuve a ce torrent de lueurs celestes, Dieu ne m’a pas ouvert les yeux interieurs, et j’ai juge ces ecrits avec la raison d’un homme non regenere. J’ai donc souvent trouve que l’INSPIRE Swedenborg avait du parfois mal entendre les Anges. J’ai ri de plusieurs visions auxquelles j’aurais du, suivant les Voyants, croire avec admiration. Je n’ai concu ni l’ecriture corniculaire des anges, ni leurs ceintures dont l’or est plus ou moins faible. Si, par exemple, cette phrase : Il est des anges solitaires, m’a singulierement attendri d’abord ; par reflexion, je n’ai pas accorde cette solitude avec leurs mariages. Je n’ai pas compris pourquoi la vierge Marie conserve, dans le ciel, des habillements de satin blanc. J’ai ose me demander pourquoi les gigantesques demons Enakim et Hephilim venaient toujours combattre les cherubins dans les champs apocalyptiques d’Armageddon. J’ignore comment les Satans peuvent encore discuter avec les Anges. M. le baron Seraphitus m’objectait que ces details concernaient les Anges qui demeuraient sur la terre sous forme humaine. Souvent les visions du prophete suedois sont barbouillees de figures grotesques. Un de ses MEMORABLES, nom qu’il leur a donne, commence par ces paroles : « — Je vis des esprits rassembles, ils avaient des chapeaux sur leurs tetes. » Dans un autre Memorable, il recoit du ciel un petit papier sur lequel il vit, dit-il, les lettres dont se servaient les peuples primitifs, et qui etaient composees de lignes courbes avec de petits anneaux qui se portaient en haut. Pour mieux attester sa communication avec les cieux, j’aurais voulu qu’il deposat ce papier a l’Academie royale des sciences de Suede. Enfin, peut-etre ai-je tort, peut-etre les absurdites materielles semees dans ses ouvrages ont-elles des significations spirituelles. Autrement, comment admettre la croissante influence de sa religion ? Son EGLISE compte aujourd’hui plus de sept cent mille fideles, tant aux Etats-Unis d’Amerique ou differentes sectes s’y agregent en masse, qu’en Angleterre ou sept mille Swedenborgistes se trouvent dans la seule ville de Manchester. Des hommes aussi distingues par leurs connaissances que par leur rang dans le monde, soit en Allemagne, soit en Prusse et dans le Nord, ont publiquement adopte les croyances de Swedenborg, plus consolantes d’ailleurs que ne le sont celles des autres communions chretiennes.

Maintenant, je voudrais bien pouvoir vous expliquer en quelques paroles succinctes les points capitaux de la doctrine que Swedenborg a etablie pour son Eglise ; mais cet abrege, fait de memoire, serait necessairement fautif. Je ne puis donc me permettre de vous parler que des Arcanes qui concernent la naissance de Seraphita.

Ici, monsieur Becker fit une pause pendant laquelle il parut se recueillir pour rassembler ses idees, et reprit ainsi :

— Apres avoir mathematiquement etabli que l’homme vit eternellement en des spheres, soit inferieures, soit superieures, Swedenborg appelle Esprits Angeliques les etres qui, dans ce monde, sont prepares pour le ciel, ou ils deviennent Anges. Selon lui, Dieu n’a pas cree d’Anges specialement, il n’en existe point qui n’ait ete homme sur la terre. La terre est ainsi la pepiniere du ciel. Les Anges ne sont donc pas Anges pour eux-memes (Sag. ang. 57) ; ils se transforment par une conjonction intime avec Dieu, a laquelle Dieu ne se refuse jamais ; l’essence de Dieu n’etant jamais negative, mais incessamment active. Les Esprits Angeliques passent par trois natures d’amour, car l’homme ne peut etre regenere que successivement (Vraie Religion). D’abord l’AMOUR DE SOI : la supreme expression de cet amour est le genie humain, dont les ?uvres obtiennent un culte. Puis l’AMOUR DU MONDE, qui produit les prophetes, les grands hommes que la Terre prend pour guides et salue du nom de divins. Enfin l’AMOUR DU CIEL, qui fait les Esprits Angeliques. Ces Esprits sont, pour ainsi dire, les fleurs de l’humanite qui s’y resume et travaille a s’y resumer. Ils doivent avoir ou l’Amour du ciel ou la Sagesse du ciel ; mais ils sont toujours dans l’Amour avant d’etre dans la Sagesse.

Ainsi la premiere transformation de l’homme est l’AMOUR. Pour arriver a ce premier degre, ses existers anterieurs ont du passer par l’Esperance et la Charite qui l’engendrent pour la Foi et la Priere. Les idees acquises par l’exercice de ces vertus se transmettent a chaque nouvelle enveloppe humaine sous laquelle se cachent les metamorphoses de l’ETRE INTERIEUR ; car rien ne se separe, tout est necessaire : l’Esperance ne va pas sans la Charite, la Foi ne va pas sans la Priere : les quatre faces de ce carre sont solidaires. « Faute d’une vertu, dit-il, l’Esprit Angelique est comme une perle brisee. »

Chacun de ces existers est donc un cercle dans lequel s’enroulent les richesses celestes de l’etat anterieur. La grande perfection des Esprits Angeliques vient de cette mysterieuse progression par laquelle rien ne se perd des qualites successivement acquises pour arriver a leur glorieuse incarnation ; car a chaque transformation ils se depouillent insensiblement de la chair et de ses erreurs. Quand il vit dans l’Amour, l’homme a quitte toutes ses passions mauvaises : l’Esperance, la Charite, la Foi, la Priere ont, suivant le mot d’Isaie, vanne son interieur qui ne doit plus etre pollue par aucune des affections terrestres. De la cette grande parole de saint Luc : Faites-vous un tresor qui ne perisse pas dans les cieux. Et celle de Jesus-Christ : Laissez ce monde aux hommes, il est a eux ; faites-vous purs, et venez chez mon pere. La seconde transformation est la Sagesse. La Sagesse est la comprehension des choses celestes auxquelles l’Esprit arrive par l’Amour.

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