de son noi eau travail, la rencontre d’un monde apparente a la Terre avait bouleverse son ame. Il sentait avec inquietude s’ouvrir en lui un gouffre aupres duquel il avait marche toute sa vie sans s’en douter. Comme il souhaitait revoir la planete de l’etoile Epsilon du Toucan, ce monde qui semblait sorti des plus beaux contes de l’humanite terrestre ! Il ne pouvait oublier la jeune fille a la peau rouge, l’appel de ses bras tendus, de ses jolies levres entrouvertes ! ...
La distance infranchissable de deux cent quatre-vingt-dix annees-lumiere, qui le separait du monde merveilleux, loin d’affaiblir son desir ardent, ne faisait que l’intensifier.
Dans son ame, il etait ne quelque chose qui vivait par soi-meme, rebelle au controle de la volonte et de la raison. Dans son existence studieuse et presque ascetique, il n’avait pas connu l’amour et jamais eprouve cette agitation, cette joie que lui causait la vision parvenue aujourd’hui a travers le champ demesure de l’espace et du temps !
Sur les colonnes orangees des indicateurs d’anameson, les grosses aiguilles noires etaient a zero. L’astronef ne s’ecartait toujours pas de l’etoile de fer, il foncait vers le corps sinistre, invisible a l’?il humain.
L’astronavigateur aida Erg Noor, tremblant d’effort et de faiblesse, a s’asseoir devant la machine a calculer. Les moteurs planetaires, debranches du pilote automatique, s’etaient tus.
— Ingrid, qu’est-ce qu’une etoile de fer ? demanda a voix basse Key Baer, qui etait reste tout le temps immobile derriere l’astronome.
— Une etoile invisible, de classe spectrale T, eteinte, mais incompletement refroidie ou pas encore rallumee. Elle emet des ondes longues de la partie thermique du spectre ; sa lumiere infrarouge, noire pour nous, n’est visible qu’a travers l’inverseur electronique13. Une chouette, qui voit les rayons thermiques infrarouges, aurait pu la discerner.
— Pourquoi l’appelle-t-on etoile de fer ?
— Parce que son spectre en contient beaucoup et que ce metal doit abonder dans la composition de l’astre. C’est pourquoi, si l’etoile est grande, sa masse et son champ de gravitation sont enormes ... je crains que ce ne soit justement le cas ...
— Qu’allons-nous devenir ?
— Je ne sais. Tu vois bien, nous n’avons plus de carburant. Mais nous continuons a voler droit sur l’etoile. Il faut reduire la vitesse de la
Le chef de l’expedition passa au tableau de bord et s’absorba dans l’examen des appareils. Tout le monde se taisait, n’osant respirer ; Niza Krit, qui venait de se reveiller, gardait aussi le silence, car elle avait compris la gravite de la situation. Le carburant ne pouvait suffire qu’au ralentissement, et en perdant de la vitesse le vaisseau aurait de plus en plus de peine a surmonter, sans moteurs, l’attraction tenace de l’etoile de fer. Si la
Au bout de trois heures environ, Erg Noor se decida. La
— Sauves ! murmura Pel Lin soulage. Le chef reporta lentement les yeux sur lui.
— Ce n’est pas dit ! Il reste tout juste assez de carburant pour la revolution orbitale et l’atterrissage.
— Que faire alors ?
— Attendre ! J’ai devie legerement le vaisseau, mais nous passons trop pres. La lutte se deroule entre l’attraction de l’etoile et la vitesse reduite de la
— Trente-huit ans ! chuchota Baer a l’oreille d’Ingrid. Elle le tira vivement par la manche et se detourna.
Erg Noor se renversa dans son fauteuil et laissa tomber les mains sur les genoux. Les gens se taisaient, les appareils chantonnaient discretement. Une melodie etrangere, discordante et, de ce fait, chargee de menace, se melait aux sons des appareils de bord. C’etait l’appel presque palpable de l’etoile de fer, la force vive de sa masse noire, qui poursuivait l’astronef epuise.
Les joues de Niza Krit brulaient, son c?ur battait la chamade. Cette attente passive lui devenait intolerable.
...Les heures trainaient en longueur. Les membres de l’expedition qui avaient dormi, entraient l’un apres l’autre au poste central. Le nombre des muets grandissait jusqu’a ce que l’equipage fut au complet.
Le ralentissement devint tel que la
Un hurlement les fit sursauter. L’astronome Pour Hiss avait bondi et agitait les bras. Son visage crispe etait meconnaissable, indigne d’un homme de l’Ere du Grand Anneau. La peur, l’apitoiement sur soi-meme et la soif de vengeance avaient efface toute trace de pensee de son visage.
— C’est lui, lui, vociferait-il en montrant Pel Lin. Imbecile, butor, ganache ... L’astronome resta court, tachant de se rememorer les insultes des ancetres. Niza, qui se tenait pres de lui, s’ecarta avec degout. Erg Noor se leva.
— Cela ne sert a rien de blamer un camarade. Nous ne sommes plus a l’epoque ou les erreurs pouvaient etre premeditees. En l’occurrence, Noor tourna negligemment les manivelles de la machine a calculer, la