“Quelle question! Il y a six mois!”
“Did you know where I was going?”
“Certes, c’était tout-à-fait par hasard—”
“Behrens had told you?”
“Toujours çe Behrens!”
“Oh, il a représenté ta peau d’une façon tellement exacte—D’ailleurs, c’est un veuf aux joues ardentes et qui possède un service à café très remarquable. Je crois bien qu’il connaît ton corps non seulement comme médecin, mais aussi comme adepte d’une autre discipline de lettres humaines.”
“Tu as décidément raison de dire, que tu parles en rêve, mon ami.”
“Soit. Laisse-moi rêver de nouveau, après m’avoir réveillé si cruellement par cette cloche d’alarme de ton départ. Sept mois sous tes yeux—et à présent, où en réalité j’ai fait ta connaissançe, tu me parles de départ!”
“Je te répète, que nous aurions pu causer plus tôt.”
“You would have liked it?”
“Moi? Tu ne m’échapperas pas, mon petit. Il s’agit de tes intérêts, à toi. Est-ce que tu étais trop timide pour t’approcher d’une femme à qui tu parles en rêve maintenant, ou est-ce qu’il y avait quelqu’un qui t’en a empêché?”
“Je te l’ai dit. Je ne voulais pas te dire ‘vous.’”
“Farceur! Réponds donc—ce monsieur beau parleur, cet italien-là qui a quitté la soirée—qu’est-ce qu’il t’a lancé tantôt?”
“Je n’en ai entendu absolument rien. Je me soucie très peu de ce monsieur, quand mes yeux te voient. Mais tu oublies—il n’aurait pas été si facile du tout de faire ta connaissançe dans le monde. Il y avait encore mon cousin, avec qui j’étais lié et qui incline très peu à s’amuser ici; il ne pense à rien qu’à son retour dans les plaines, pour se faire soldat.”
“Pauvre diable! Il est, en effet, plus malade qu’il ne sait. Ton ami italien du reste ne va pas trop bien non plus.”
“Il le dit lui-même. Mais mon cousin—est-ce vrai? Tu m’effraies.”
“Fort possible qu’il va mourir, s’il essaye d’être soldat dans les plaines.”
“Qu’il va mourir. La mort. Terrible mot, n’est-ce pas? Mais c’est étrange, il ne m’impressionne pas tellement aujourd’hui, ce mot. C’était une façon de parler bien conventionnelle, lorsque je disais: ‘Tu m’effraies.’ L’idée de la mort ne m’effraie pas. Elle me laisse tranquille. Je n’ai pas pitié—ni de mon bon Joachim ni de moi-même, en entendant qu’il va peut-être mourir. Si c’est vrai, son état ressemble beaucoup au mien et je ne le trouve pas particulièrement imposant. Il est moribond, et moi, je suis amoureux, eh bien!—Tu as parlé à mon cousin à l’atelier de photographie intime, dans l’antichambre, tu te souviens.”
“Je me souviens un peu.”
“Donc ce jour-là Behrens a fait ton portrait transparent!”
“Mais oui.”
“Mon dieu! Et l’as-tu sur toi?”
“Non, je l’ai dans ma chambre.”
“Ah—dans ta chambre. Quant au mien, je l’ai toujours dans mon portefeuille. Veux-tu que je te le fasse voir?”
“Mille remerciements. Ma curiosité n’est pas invincible. Ce sera un aspect très innocent.”
“Moi, j’ai vu ton portrait extérieur. J’aimerais beaucoup mieux voir ton portrait intérieur qui est enfermé dans ta chambre. Laisse-moi demander autre chose! Parfois un monsieur russe qui loge en ville vient te voir. Qui est-ce? Dans quel but vient-il, cet homme?”
“Tu es joliment fort en espionnage, je l’avoue. Eh bien, je réponds. Oui, c’est un compatriote souffrant, un ami. J’ai fait sa connaissançe à une autre station balnéaire, il y a quelques années déjà. Nos relations? Les voilà: nous prenons notre thé ensemble, nous fumons deux ou trois papiros, et nous bavardons, nous philosophons, nous parlons de l’homme, de Dieu, de la vie, de la morale, de mille choses. Voilà mon compte rendu. Es-tu satisfait?”
“De la morale aussi! Et qu’est-ce que vous avez trouvé en fait de morale, par exemple?”
“La morale? Cela t’intéresse? Eh bien, il nous semble, qu’il faudrait chercher la morale non dans la vertu, c’est-à-dire dans la raison, la discipline, les bonnes mœurs, l’honnêteté, mais plutôt dans le contraire, je veux dire dans le péché, en s’abandonnant au danger, à ce qui est nuisible, à ce qui nous consume. Il nous semble qu’il est plus moral de se perdre et même de se laisser dépérir, que de se conserver. Les grands moralistes n’étaient point de vertueux, mais des aventuriers dans le mal, des vicieux, des grands pécheurs qui nous enseignent à nous incliner chrétiennement devant la misère. Tout ça doit te déplaire beaucoup, n’est-ce pas?”
He was silent; sitting as before, with his feet twined together, thrust back beneath the creaking wicker chair, leaning toward the figure opposite, in its cocked hat; her pencil between his fingers. With Hans Lorenz Castorp’s blue eyes he looked out into the room. It was empty, the company dispersed. The piano, in the corner diagonally opposite, was being touched softly and lightly with one hand, by the Mannheimer, by whose side sat Fräulein Engelhart, turning the leaves of a music-book she held on her knee. At this pause which had ensued in the conversation between Hans Castorp and Clavdia Chauchat, the pianist left off playing, and sat with his hand in his lap, while Fräulein Engelhart continued to turn the pages of her music-book. These four alone remained, from all the carnival merrymakers; they sat here motionless. The silence lasted several minutes. Deeper and deeper, under its weight, sank the heads of the pair at the piano: his toward his keyboard, hers toward her book; but at last the two as by common consent stood up cautiously, and carefully refraining from any glance in the direction of the opposite corner, their heads drawn down in their shoulders, their arms hanging stiffly at their sides, disappeared together, on tiptoe, through the writing-room.
“Everyone is going,” said Frau Chauchat. “C’étaient les derniers. Il se fait tard. Eh bien, la fête de carnaval est finie.” She raised her arms to remove the paper cap from
