lecture, j'ai les poils follets a la redresse et les sphincters qui jouent de la cornemuse. Une pareille histoire pourrait allumer une lueur de terreur jusque dans l'?il de M. Le Pen. Pas dans celui qu'il darde avec tant de haine sur l'inexistant Maigret, non, je parle de son ?il bidon, celui qui suppure de desespoir depuis que les Hitloch, Musso et Pinocul, ces grands humanistes, ne sont plus au pouvoir.
Je vais te resumer, que tu mesures bien l'a quel point j'ai raison d'avoir le trouillometre a zero.
Melanie Godemiche etait la fille unique d'une grande famille de Beauce, proprietaire notamment de la ferme du Pinson-Tournan, proche de Chartres. Plus de mille hectares essentiellement plantes en mais, laquelle cereale apres maturation se transforme en ble selon un processus commercial.
Belle et petee de thunes, Melanie ne s'est jamais vraiment interessee a l'agriculture et a prefere poursuivre des etudes qu'elle n'a pu rattraper. Duplex rue Saint-Andre-des-Arts, Porsche Carrera decapotable, compte ouvert chez mon regrette Castel, elle depensait sans comte (et sans emmenthal). On la voyait plus souvent dans les boites a la mode et les agapes branchees qu'a la fac. A l'occasion de l'une de ces fiestas Antoine avait rencontre la superbe Melanie. Mais leurs rapports etaient restes du genre platonique puisque limites a trois cunnilingus, deux fellations et une sodomie. Simple prise de contact, quoi. Par la suite, au cours de soirees plus intimes, ils avaient fini par sympathiser. Ceci explique que Melanie, organisant dernierement une petite fete en la ferme familiale, y avait convie mon rejeton. Il s'agissait d'une rave-party. Au cas ou tu ne le saurais pas ou si par hasard tu l'ignorais (meme Simone, s'ignorait, c'est te dire !), une rave-party est un rassemblement theoriquement musical de plusieurs centaines de jeunes, organise a l'insu des forces de l'ordre en un lieu tenu secret jusqu'au dernier moment. Lorsque les bourdilles rappliquent et tombent sur trois mille ados allumes comme des pingouins qui ont fume la banquise, il s'empressent de demander au sous-prefet l'autorisation de regagner au plus vite leur cantonnement.
En general ces manifestations s'achevent sans trop de degats. Les accidents et les rixes incontournables, quelques gus pietines, les overdoses de service que les mecs du Samu arrivent souvent a recuperer. Ce soir-la, a la ferme du Pinson-Tournan, tout s'etait deroule pour le mieux. On etait plutot en dessous de la moyenne des incidents. Jusqu'au moment ou un gendarme patrouillant dans les encablures decouvrit le cadavre de Melanie. Le corps gisait dans un fosse, tout pres de l'entree de la ferme, a deux pas du parking.
Le type degueule encore, tant sa trouvaille fut insoutenable. L'assassin avait taillade les seins de la fille, lui avait retire les ovaires et toute la legumerie qui va avec.
Ca va, c'est bon, tu as recupere ? Alors tu veux savoir en quoi la presence d'Antoine a cette soiree me pose probleme ?
Puisque tu le demandes, Fernande, je vais te repondre. Toinet avait file rancard a Melanie au vice et au suce de nombreux copains, a l'heure et a l'endroit ou le matuche a decouvert le meurtre. Bien. Il aurait pu ne pas venir, mon garnement. Mais il est venu, ce petit veau, impatient de planter sa tige dans de la chair de first quality. Il a trouve l'immonde cadavre le premier, a entendu survenir le flic, s'est enfui dans des broussailles automnales tout en picots et sans feuilles. Puis il a reussi a regagner sa caisse garee sur un terre-plein non loin de la.
Seulement il s'est souvenu d'avoir paume sa casquette dans la debandade. Une casquette Nike comme il en existe des milliers. A part que la sienne venait de lui etre offerte par ses copains de promo de l'ecole de police et qu'ils avaient eu l'idee geniale de faire broder son nom a l'interieur de la visiere.
Chapitre Dreux
(Peut-etre parce que cette ville est limitrophe de la Beauce ?)
Le flic obese qui m'accueille est a peu pres avenant et enjoue comme un chacal venant de vomir les selles d'une hyene hepatique.
— C't'a quel sujet ?
— Je voudrais voir le commissaire Bernard Roykeau, s'il vous plait.
— Z'avez rendez-vous ? se rembrunit le poulardin.
— Non, mais Nanard m'a dit qu'un gros con m'attendrait a la reception pour me conduire jusqu'a lui.
La tronche du mec affiche la mine d'un pitbull en rut a qui tu caresses les roustons avec une plume d'oie esperant ainsi l'amadouer. Je m'empresse de le rasserener.
— Comme le gros con n'est pas la, vous pourriez peut-etre le remplacer.
Reconforte, le planton decroche son bigophone.
— Je vais voir ce que je peux faire. Allo ? Monsieur le commissaire, y a quequ'un qui voudrait vous causer. Attendez, (s'adressant a moi) c'est quoi vot?om ?
— Commissaire San-Antonio. Je suis egalement vice-directeur de la police nationale.
Le pandore, tu devineras jamais comment il reagit. Ca commence par un gargouillis du cote de son intestin grele et puis d'un coup le gros colon se vide. Il se met a chier sous lui, sans retenue.
On a tous connu des sons et lumieres, mais des sons et odeurs, j'te jure, ca vaut le deplacement. A chaque salve correspond une pestilence et a chaque flatulence un remugle. C'est beau, le melange des sens.
Bernard Roykeau, c'est le beau mec caracterise. Tout est bon chez lui, y a rien a jeter, qu'il aurait chante notre Brassens s'il avait ete de la jaquette flottante. Et le Petit Prince, un jour que Saint-Ex etait pas trop bourre, il aurait pu demander : « S'il te plait, dessine-moi un Roykeau ! » Tifs argentes, ?il de braise, muscles d'acier, et en plus, sympathique, vif et intelligent. T'en aurais envie comme gendre, si t'avais une fille ? Te dire mieux ? Apres moi, c'est le plus beau flic du monde.
Il me tend main et sourire. Je lui serre l'une et lui rends l'autre.
— Je t'attendais, San-Antonio.
On ne peut pas dire qu'il fasse dans l'hypocrisie, Nanard. Et pour bien me prouver qu'il joue cartes sur table, il depose devant moi la casquette d'Antoine dont au sujet de laquelle je t'ai deja cause au prelavable. Je donne moi aussi dans le franc-jeu.
— Mon fils m'a dit qu'il avait perdu cette casquette.
— Ton fils ! Tu parles d'Antoine ?
Roykeau se leve, contourne son bureau et vient se poster derriere moi. Il me parle d'un ton tres doux en compulsant un dossier.
— Il est l'enfant d'un certain Vladimir Kelloustik que tu as flingue parce que c'etait un voyou de la pire espece.
Je bondis de mon siege.
— Antoine, je l'ai adopte, Felicie l'a eleve et ca fait plus de vingt ans qu'il est mon fils !
Roykeau a un geste amical : il me petrit l'epaule comme un maquignon qui s'assure de la tendrete de son emplette.
— Je sais, je sais… Je ne fais que pronostiquer ce que dira le juge d'instruction.
— Parce que tu l'as deja prevenu ? bouillonne-je.
— Bien sur que non. Je t'ai dit que je t'attendais. Alors je te pose la question. Est-ce que ton fils a quelque chose a voir dans cette affaire ?
Je le fixe avec honnetete.
— Je ne crois pas.
Il hoche longuement la tete avant de se decider a repondre.
— Tu comprends qu'il est dans de sales draps ?
— Je ne suis pas debile.
— Il a ete vu sur place, flirtant avec la victime, il lui a file rancard en un lieu et a une heure ou la fille a ete atrocement assassinee. Cerise sur le gateau, il a paume sa casquette dans les parages. Tu veux que je fasse quoi ?
Je ne sais pas pourquoi je balance un truc pareil, mais ca jaillit de moi comme un foutre mal controle.
— Que tu attendes que je t'aie ramene le vrai coupable.
— Et ca peut prendre longtemps ?
— Je n'en sais rien…