charitable. Puis la vie ou l’on desire. Enfin, la vie ou l’on prie. La est l’eternel midi, la sont les fleurs, la est la moisson ! Les qualites acquises et qui se developpent lentement en nous, sont les liens invisibles qui rattachent chacun de nos existers l’un a l’autre, et que l’ame seule se rappelle, car la matiere ne peut se ressouvenir d’aucune des choses spirituelles. La pensee seule a la tradition de l’anterieur. Ce legs perpetuel du passe au present et du present a l’avenir, est le secret des genies humains : les uns ont le don des Formes, les autres ont le don des Nombres, ceux-ci le don des Harmonies. C’est des progres dans le chemin de la lumiere. Oui, qui possede un de ces dons touche par un point a l’infini. La parole, de laquelle je vous revele ici quelques mots, la terre se l’est partagee, l’a reduite en poussiere et l’a semee dans ses ?uvres, dans ses doctrines, dans ses poesies. Si quelque grain impalpable en reluit sur un ouvrage, vous dites : « Ceci est grand, ceci est vrai, ceci est sublime ! » Ce peu de chose vibre en vous et y attaque le pressentiment du ciel. Aux uns la maladie qui nous separe du monde, aux autres la solitude qui nous rapproche de Dieu, a celui-ci la poesie ; enfin tout ce qui vous replie sur vous-meme, vous frappe et vous ecrase, vous eleve ou vous abaisse, est un retentissement du Monde Divin. Quand un etre a trace droit son premier sillon, il lui suffit pour assurer les autres : une seule pensee creusee, une voix entendue, une souffrance vive, un seul echo que rencontre en vous la parole, change a jamais votre ame. Tout aboutit a Dieu, il est donc bien des chances pour le trouver en allant droit devant soi. « Quand arrive le jour heureux ou vous mettez le pied dans le chemin et que commence votre pelerinage, la terre n’en sait rien, elle ne vous comprend plus, vous ne vous entendez plus, elle est vous. Les hommes qui arrivent a la connaissance de ces choses, et qui disent quelques mots de la Parole vraie ; ceux-la ne trouvent nulle part a reposer leur tete, ceux-la sont poursuivis comme betes fauves, et perissent souvent sur des echafauds a la grande joie des peuples assembles, tandis que les Anges leur ouvrent les portes du ciel. Votre destination sera donc un secret entre vous et Dieu, comme l’amour est un secret entre deux c?urs. Vous serez le tresor enfoui sur lequel passent les hommes affames d’or, sans savoir que vous etes la. Votre existence devient alors incessamment active ; chacun de vos actes a un sens qui se rapporte a Dieu, comme dans l’amour vos actions et vos pensees sont pleines de la creature aimee ; mais l’amour et ses joies, l’amour et ses plaisirs bornes par les sens, est une imparfaite image de l’amour infini qui vous unit au celeste fiance. Toute joie terrestre est suivie d’angoisses, de mecontentements ; pour que l’amour soit sans degout, il faut que la mort le termine au plus fort de sa flamme, vous n’en connaissez alors pas les cendres ; mais ici Dieu transforme nos miseres en delices, la joie se multiplie alors par elle-meme, elle va croissant et n’a pas de limites. Ainsi, dans la vie Terrestre, l’amour passager se termine par des tribulations constantes ; tandis que, dans la vie Spirituelle, les tribulations d’un jour se terminent par des joies infinies. Votre ame est incessamment joyeuse. Vous sentez Dieu pres de vous, en vous ; il donne a toutes choses une saveur sainte, il rayonne dans votre ame, il vous empreint de sa douceur, il vous desinteresse de la terre pour vous-meme, et vous y interesse pour lui-meme en vous laissant exercer son pouvoir. Vous faites en son nom les ?uvres qu’il inspire : vous sechez les larmes, vous agissez pour lui, vous n’avez plus rien en propre, vous aimez comme lui les creatures d’un inextinguible amour ; vous les voudriez toutes en marche vers lui, comme une veritable amante voudrait voir tous les peuples du monde obeir a son bien-aime. La derniere vie, celle en qui se resument les autres, ou se tendent toutes les forces et dont les merites doivent ouvrir la Porte Sainte a l’etre parfait, est la vie de la Priere. Qui vous fera comprendre la grandeur, les majestes, les forces de la Priere ? Que ma voix tonne dans vos c?urs et qu’elle les change. Soyez tout a coup ce que vous seriez apres les epreuves ! Il est des creatures privilegiees, les Prophetes, les Voyants, les Messagers, les Martyrs, tous ceux qui souffrirent pour la Parole ou qui l’ont proclamee ; ces ames franchissent d’un bond les spheres humaines et s’elevent tout a coup a la Priere. Ainsi de ceux qui sont devores par le feu de la Foi. Soyez un de ces couples hardis. Dieu souffre la temerite, il aime a etre pris avec violence, il ne rejette jamais celui qui peut aller jusqu’a lui. Sachez-le ! le desir, ce torrent de votre volonte, est si puissant chez l’homme, qu’un seul jet emis avec force peut tout faire obtenir, un seul cri suffit souvent sous la pression de la Foi. Soyez un de ces etres pleins de force, de vouloir et d’amour ! Soyez victorieux de la terre. Que la soif et la faim de Dieu vous saisissent ! Courez a Lui comme le cerf altere court a la fontaine ; le Desir vous armera de ses ailes ; les larmes, ces fleurs du Repentir, seront comme un bapteme celeste d’ou sortira votre nature purifiee. Elancez-vous du sein de ces ondes dans la Priere. Le silence et la meditation sont les moyens efficaces pour aller dans cette voie. Dieu se revele toujours a l’homme solitaire et recueilli. Ainsi s’operera la separation necessaire entre la Matiere qui vous a si long-temps environnes de ses tenebres, et l’Esprit qui nait en vous et vous illumine, car il fera alors clair en votre ame. Votre c?ur brise recoit alors la lumiere, elle l’inonde. Vous ne sentez plus alors des convictions en vous, mais d’eclatantes certitudes. Le Poete exprime, le Sage medite, le Juste agit ; mais celui qui se pose au bord des Mondes Divins, prie ; et sa priere est a la fois parole, pensee, action !
Oui, sa priere enferme tout, elle contient tout, elle vous acheve la nature, en vous en decouvrant l’esprit et la marche. Blanche et lumineuse fille de toutes les vertus humaines, arche d’alliance entre la terre et le ciel, douce compagne qui tient du lion et de la colombe, la Priere vous donnera la clef des cieux. Hardie et pure comme l’innocence, forte comme tout ce qui est un et simple, cette Belle Reine invincible s’appuie sur le monde materiel, elle s’en est emparee ; car, semblable au soleil, elle le presse par un cercle de lumiere. L’univers appartient a qui veut, a qui sait, a qui peut prier ; mais il faut vouloir, savoir et pouvoir ; en un mot posseder la force, la sagesse et la foi. Aussi la priere qui resulte de tant d’epreuves est-elle la consommation de toutes les verites, de toutes les puissances, de tous les sentiments. Fruit du developpement laborieux, progressif, continu de toutes les proprietes naturelles anime par le souffle divin de la Parole, elle a des activites enchanteresses, elle est le dernier culte : ce n’est ni le culte materiel qui a des images, ni le culte spirituel qui a des formules ; c’est le culte du monde divin. Nous ne disons plus de prieres, la priere s’allume en nous, elle est une faculte qui s’exerce d’elle-meme ; elle a conquis ce caractere d’activite qui la porte au-dessus des formes ; elle relie alors l’ame a Dieu, avec qui vous vous unissez comme la racine des arbres s’unit a la terre ; vos veines tiennent au principe des choses, et vous vivez de la vie meme des mondes. La Priere donne la conviction exterieure en vous faisant penetrer le Monde Materiel par la cohesion de toutes vos facultes avec les substances elementaires ; elle donne la conviction interieure en developpant votre essence et la melant a celle des Mondes Spirituels. Pour parvenir a prier ainsi, obtenez un entier depouillement de la chair, acquerez au feu des creusets la purete du diamant, car cette complete communication ne s’obtient que par le repos absolu, par l’apaisement de toutes les tempetes. Oui, la priere, veritable aspiration de l’ame entierement separee du corps, emporte toutes les forces et les applique a la constante et perseverante union du Visible et de l’Invisible. En possedant la faculte de prier sans lassitude, avec amour, avec force, avec certitude, avec intelligence, votre nature spiritualisee est bientot investie de la puissance. Comme un vent impetueux ou comme la foudre, elle traverse tout et participe au pouvoir de Dieu. Vous avez l’agilite de l’esprit ; en un instant, vous vous rendez present dans toutes les regions, vous etes transporte comme la Parole meme d’un bout du monde a l’autre. Il est une harmonie, et vous y participez ! il est une lumiere, et vous la voyez ! il est une melodie, et son accord est en vous. En cet etat, vous sentirez votre intelligence se developper, grandir, et sa vue atteindre a des distances prodigieuses : il n’est en effet ni temps, ni lieu pour l’esprit. L’espace et la duree sont des proportions creees pour la matiere, l’esprit et la matiere n’ont rien de commun. Quoique ces choses s’operent dans le calme et le silence, sans agitation, sans mouvement exterieur ; neanmoins tout est action dans la Priere, mais action vive, depouillee de toute substantialite, et reduite a etre, comme le mouvement des Mondes, une force invisible et pure. Elle descend partout comme la lumiere, et donne la vie aux ames qui se trouvent sous ses rayons, comme la Nature est sous le soleil. Elle ressuscite partout la vertu, purifie et sanctifie tous les actes, peuple la solitude, donne un avant-gout des delices eternelles. Une fois que vous avez eprouve les delices de l’ivresse divine engendree par vos travaux interieurs, alors tout est dit ! une fois que vous tenez le sistre sur lequel on chante Dieu, vous ne le quittez plus. De la vient la solitude ou vivent les esprits Angeliques et leur dedain de ce qui fait les joies humaines. Je vous le dis, ils sont retranches du nombre de ceux qui doivent mourir ; s’ils en entendent les langages, ils n’en comprennent plus les idees ; ils s’etonnent de leurs mouvements, de ce que l’on nomme politique, lois materielles et societes ; pour eux plus de mystere, il n’est plus que des verites. Ceux qui sont arrives au point ou leurs yeux decouvrent la Porte Sainte, et qui, sans jeter un seul regard en arriere, sans exprimer un seul regret, contemplent les mondes en en penetrant les destinees ; ceux-la se taisent, attendent, et souffrent leurs dernieres luttes ; la plus difficile est la derniere, la vertu supreme est la Resignation : etre en exil et ne pas se plaindre, n’avoir plus gout aux choses d’ici-bas et sourire, etre a Dieu, rester parmi les hommes ! Vous entendez bien la Voix qui vous crie :
— Marche !
marche ! Souvent en de celestes visions, des Anges descendent et vous enveloppent de leurs chants ! Il faut sans pleurs ni murmures, les voir revolant a la ruche. Se plaindre, ce serait dechoir. La resignation est le fruit qui murit a la porte du ciel. Combien est puissant et beau le sourire calme et le front pur de la creature resignee !