ne l’est le plus lumineux des astres materiels, qui se detacha, qui tomba comme la foudre en scintillant toujours comme l’eclair, et dont le passage faisait palir ce qu’ils avaient pris jusqu’alors pour la LUMIERE.
C’etait le Messager charge d’annoncer la bonne nouvelle, et dont le casque avait pour panache une flamme de vie.
Il laissait derriere lui des sillons aussitot combles par le flot des lueurs particulieres qu’il traversait.
Il avait une palme et une epee, il toucha l’ESPRIT de sa palme. L’ESPRIT se transfigura, ses ailes blanches se deployerent sans bruit.
La communication de la LUMIERE qui changeait l’ESPRIT en SERAPHIN, le revetement de sa forme glorieuse, armure celeste, jeterent de tels rayonnements, que les deux Voyants en furent foudroyes.
Comme les trois apotres aux yeux desquels Jesus se montra, Wilfrid et Minna ressentirent le poids de leurs corps qui s’opposait a une intuition complete et sans nuages de LA PAROLE et de LA VRAIE VIE.
Ils comprirent la nudite de leurs ames et purent en mesurer le peu de clarte par la comparaison qu’ils en firent avec l’aureole du Seraphin dans laquelle ils se trouvaient comme une tache honteuse.
Ils furent saisis d’un ardent desir de se replonger dans la fange de l’univers pour y souffrir les epreuves, afin de pouvoir un jour proferer victorieusement a la PORTE-SAINTE les paroles dites par le radieux Seraphin.
Cet Ange s’agenouilla devant le SANCTUAIRE qu’il pouvait enfin contempler face a face et dit en les designant :
— Permettez-leur de voir plus avant, ils aimeront le Seigneur et proclameront sa parole.
A cette priere, un voile tomba. Soit que la force inconnue qui pesait sur les deux Voyants eut momentanement aneanti leurs formes corporelles, soit qu’elle eut fait surgir leur esprit au dehors, ils sentirent en eux comme un partage du pur et de l’impur.
Les pleurs du Seraphin s’eleverent autour d’eux sous la forme d’une vapeur qui leur cacha les mondes inferieurs, les enveloppa, les porta, leur communiqua l’oubli des significations terrestres, et leur preta la puissance de comprendre le sens des choses divines.
La Vraie Lumiere parut, elle eclaira les creations qui leur semblerent arides quand ils virent la source ou les mondes Terrestres, Spirituels et Divins puisent le mouvement.
Chaque monde avait un centre ou tendaient tous les points de sa sphere. Ces mondes etaient eux-memes des points qui tendaient au centre de leur espece. Chaque espece avait son centre vers de grandes regions celestes qui communiquaient avec l’intarissable et flamboyant
Ainsi, depuis le plus grand jusqu’au plus petit des mondes, et depuis le plus petit des mondes jusqu’a la plus petite portion des etres qui le composaient, tout etait individuel, et neanmoins tout etait un.
Quel etait le dessein de cet etre fixe dans son essence et dans ses facultes, qui les transmettait sans les perdre, qui les manifestait hors de Lui sans les separer de Lui, qui rendait hors de Lui toutes ses creations fixes dans leur essence, et muables dans leurs formes ? Les deux convives appeles a cette fete ne pouvaient que voir l’ordre et la disposition des etres, en admirer la fin immediate. Les Anges seuls allaient au dela, connaissaient les moyens et comprenaient la fin.
Mais ce que les deux elus purent contempler, ce dont ils rapporterent un temoignage qui eclaira leurs ames pour toujours, fut la preuve de l’action des Mondes et des Etres, la conscience de l’effort avec lequel ils tendent au resultat.
Ils entendirent les diverses parties de l’Infini formant une melodie vivante ; et, a chaque temps ou l’accord se faisait sentir comme une immense respiration, les Mondes entraines par ce mouvement unanime s’inclinaient vers l’Etre immense qui, de son centre impenetrable, faisait tout sortir et ramenait tout a lui.
Cette incessante alternative de voix et de silence semblait etre la mesure de l’hymne saint qui retentissait et se prolongeait dans les siecles des siecles.
Wilfrid et Minna comprirent alors quelques-unes des mysterieuses paroles de Celui qui sur la terre leur etait apparu a chacun d’eux sous la forme qui le leur rendait comprehensible, a l’un Seraphitus, a l’autre Seraphita, quand ils virent que la tout etait homogene.
La lumiere enfantait la melodie, la melodie enfantait la lumiere, les couleurs etaient lumiere et melodie, le mouvement etait un Nombre doue de la Parole ; enfin, tout y etait a la fois sonore, diaphane, mobile, en sorte que chaque chose se penetrant l’une par l’autre, l’etendue etait sans obstacle et pouvait etre parcourue par les Anges dans la profondeur de l’infini.
Ils reconnurent la puerilite des sciences humaines desquelles il leur avait ete parle.
Ce fut pour eux une vue sans ligne d’horizon, un abime dans lequel un devorant desir les forcait a se plonger ; mais, attaches a leur miserable corps, ils avaient le desir sans avoir la puissance.
Le Seraphin replia legerement ses ailes pour prendre son vol, et ne se tourna plus vers eux : il n’avait plus rien de commun avec la Terre.
Il s’elanca : l’immense envergure de son scintillant plumage couvrit les deux Voyants comme d’une ombre bienfaisante qui leur permit de lever les yeux et de le voir emporte dans sa gloire, accompagne du joyeux archange.
Il monta comme un soleil radieux qui sort du sein des ondes ; mais, plus majestueux que l’astre et promis a de plus belles destinees, il ne devait pas etre enchaine comme les creations inferieures dans une vie circulaire ; il suivit la ligue de l’infini, et tendit sans deviation vers le centre unique pour s’y plonger dans sa vie eternelle, pour y recevoir dans ses facultes et dans son essence le pouvoir de jouir par l’amour, et le don de comprendre par la sagesse.
Le spectacle qui se devoila soudain aux yeux des deux Voyants les ecrasa sous son immensite, car ils se sentaient comme des points dont la petitesse ne pouvait se comparer qu’a la moindre fraction que l’infini de la divisibilite permette a l’homme de concevoir, mise en presence de l’infini des Nombres que Dieu seul peut envisager comme il s’envisage lui-meme.
Quel abaissement et quelle grandeur en ces deux points, la Force et l’Amour, que le premier desir du Seraphin placait comme deux anneaux pour unir l’immensite des univers inferieurs a l’immensite des univers superieurs !
Ils comprirent les invisibles liens par lesquels les mondes materiels se rattachaient aux mondes spirituels. En se rappelant les sublimes efforts des plus beaux genies humains, ils trouverent le principe des melodies en entendant les chants du ciel qui donnaient les sensations des couleurs, des parfums, de la pensee, et qui rappelaient les innombrables details de toutes les creations, comme un chant de la terre ranime d’infirmes souvenirs d’amour.
Arrives par une exaltation inouie de leurs facultes a un point sans nom dans le langage, ils purent jeter pendant un moment les yeux sur le Monde Divin. La etait la fete.
Des myriades d’Anges accoururent tous du meme vol, sans confusion, tous pareils, tous dissemblables, simples comme la rose des champs, immenses comme les mondes.
Wilfrid et Minna ne les virent ni arriver ni s’enfuir, ils ensemencerent soudain l’infini de leur presence, comme les etoiles brillent dans l’indiscernable ether.
Le scintillement de leurs diademes reunis s’alluma dans les espaces, comme les feux du ciel au moment ou le jour parait dans nos montagnes.
De leurs chevelures sortaient des ondes de lumiere, et leurs mouvements excitaient des fremissements onduleux semblables aux flots d’une mer phosphorescente.
Les deux Voyants apercurent le Seraphin tout obscur au milieu des legions immortelles dont les ailes etaient comme l’immense panache des forets agitees par une brise.
Aussitot, comme si toutes les fleches d’un carquois s’elancaient ensemble, les Esprits chasserent d’un souffle les vestiges de son ancienne forme ; a mesure que montait le Seraphin, il devenait plus pur ; bientot, il ne leur sembla qu’un leger dessin de ce qu’ils avaient vu quand il s’etait transfigure : des lignes de feu sans ombre.
Il montait, recevait de cercle en cercle un don nouveau ; puis le signe de son election se transmettait a la sphere superieure ou il montait toujours purifie.
Aucune des voix ne se taisait, l’hymne se propageait dans tous ses modes.
« Salut a qui monte vivant ! Viens, fleur des Mondes ! Diamant sorti du feu des douleurs ! perle sans tache,