voit et n'apprend a le connaitre qui ne dise : l'empereur est un preux. Je ne saurais le louer et le vanter assez : il y a plus d'honneur de noblesse ! Il aimerait mieux la mort que de faillir a ses barons. »

XLI

LE paien dit : « Je m'emerveille, et j'en ai bien sujet. Charlemagne est vieux et chenu ; a mon escient il a deux cents ans et mieux ; par tant de terres il a mene son corps a la peine, il a pris tant de coups de lances et d'epieux, il a reduit a mendier tant de riches rois : quand sera-t-il recru de mener ses guerres ? – Jamais », dit Ganelon, « tant que vivra son neveu. Il n'y a si vaillant que Roland sous la chape du ciel. Et c'est un preux aussi qu'Olivier, son compagnon. Et les douze pairs, que Charles aime tant, forment son avant-garde avec vingt mille chevaliers. Charles est en surete, il ne craint homme qui vive. »

XLII

LE Sarrasin dit : « Je m'emerveille grandement. Charlemagne est chenu et blanc : a mon escient il a deux cents ans et plus ; par tant de terres il a passe en les conquerant, il a pris tant de coups de bonnes lances tranchantes, il a tue et vaincu en bataille tant de riches rois : quand sera-t-il enfin recru de guerroyer ? – Jamais », dit Ganelon, « tant que Roland vivra. Il n'y a pas si vaillant d'ici jusqu'en Orient. Il est tres preux aussi, son compagnon Olivier. Et les douze pairs, que Charles aime tant, forment son avant-garde avec vingt mille Francais. Charles est en surete ; il ne craint homme vivant. »

XLIII

« BEAU sire Ganelon », dit le roi Marsile, « j'ai une armee, jamais vous ne verrez plus belle ; j'y puis avoir quatre cent mille chevaliers : puis-je combattre Charles et les Francais ? » Ganelon repond : « Pas de sitot ! Vous y perdriez de vos paiens en masse. Laissez la folie ; tenez-vous a la sagesse ! Donnez a l'empereur tant de vos biens qu'il n'y ait Francais qui ne s'en emerveille. Pour vingt otages que vous lui enverrez, vers douce France le roi repartira. Derriere lui il laissera son arriere-garde. Son neveu en sera, je crois, le comte Roland, et aussi Olivier, le preux et le courtois : ils sont morts, les deux comtes, si je trouve qui m'ecoute. Charles verra son grand orgueil choir ; l'envie lui passera de jamais guerroyer contre vous. »

XLIV

« BEAU sire Ganelon, [… ] comment pourrai-je faire perir Roland ? » Ganelon repond : « Je sais bien vous le dire. Le roi viendra aux meilleures ports de Cize : derriere lui il aura laisse son arriere-garde. Son neveu en sera, le puissant comte Roland, et Olivier, en qui tant il se fie, et en leur compagnie vingt mille Francais. De vos paiens envoyez-leur cent mille, et qu'ils leur livrent une premiere bataille. La gent de France y sera meurtrie et mise a mal, et il y aura aussi, je ne dis pas, grande tuerie des votres. Mais livrez-leur de meme une seconde bataille : qu'il tombe dans l'une ou dans l'autre, Roland n'echappera pas. Alors vous aurez accompli une belle chevalerie, et de toute votre vie vous n'aurez plus la guerre.

XLV

« QUI pourrait faire que Roland y fut tue, Charles perdrait le bras droit de son corps. C'en serait fait des armees merveilleuses ; Charles n'assemblerait plus de si grandes levees : la Terre des Aieux resterait en repos ! » Quand Marsile l'entend, il l'a baise au cou ; puis… ( ?)

XLVI

MARSILE dit : « [… ] Un accord ne vaut guere, si [… ] Vous me jurerez de trahir Roland. » Ganelon repond : « Qu'il en soit comme il vous plait ! » Sur les reliques de son epee Murgleis, il jura

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