peur. Pourriez-vous me dire, comment cet homme, qui avait naguиre une tristesse pour chaque chose, ne trouve- t-il pas aujourd'hui une seule petite douleur pour la ruine d'un monde? Car regardez, mon ami, n'est-ce point lа vraime

nt un monde qui pйrit; et, pour qui ne sait pressentir le monde nouveau qui va surgir en sa place, [voyez si ce ] ce n'est pas autre chose qu'une ruine affreuse qui se fait. [Vous] N'auriez-Vous pas non plus un sentiment, une pensйe а donner а cela? Je suis sыr que le sentiment et la pensйe se couvent а votre insu dans quelque profondeur de votre вme, seulement, de se produire au dehors, elles ne sauraient, ensevelies [qu'elles] que probablement ils sont dans ce tas de vieilles idйes d'habitude, de convenance, dont, vous avez beau dire, tout poиte est inйvitablement (tout] pйtri, quoiqu'il fasse; attendu, mon ami, que depuis l'indien Valmiki, le chantre du Ramayana, et le grec Orphйe, jusqu'а l'йcossais Byron, tout poиte a йtй tenu jusqu'а cette heure de redire toujours la mкme chose, dans quelque lieu du monde qu'il eu chantй.

Oh, que je voudrais pouvoir йvoquer а la fois toutes les puissances de votre кtre poйtique! Que je voudrais en tirer, dиs ce moment, tout ce qui, je sais, s'y tient cachй pour que vous nous fassiez aussi un jour entendre un de ces chants que veut le siиcle! Comme tout alors, qui s'en va aujourd'hui devant vous sans laisser nulle trace en votre esprit, aussitфt vous frapperait! Comme tout prendrait face nouvelle а Vos yeux! En attendant, causons toujours. Il y a quelque temps, il y a un an, le monde vivait dans la sйcuritй du prйsent et de l'avenir, et rйcapitulait en silence son passй, et s'en instruisait. L'esprit se rйgйnйrait dans la paix, la mйmoire humaine se renouvelait, les opinions se reconciliaient, la passion s'йtouffait, les colиres se trouvaient sans aliment, les vanitйs se satisfaisaient dans de beaux travaux; tous les besoins des hommes se circonscrivaient peu а peu dans l'intelligence, et tous leurs intйrкts allaient peu а peu aboutir au seul intйrкt du progrиs de la raison universelle. Pour moi, c'йtait foi, c'йtait crйdulitй infinies; dans cette paix heureuse du monde, dans cet avenir, je trouvais ma paix, mon avenir.Est survenue tout а coup la bкtise d'un homme,d'un de ces hommes appelйs,sans leur aveu,а diriger les affaires humaines. Voilа que sйcuritй, paix, avenir, tout devient aussitфt [n'eant] nйant. Songez-y bien, ce n'est pas un de ces grands йvйnements, fait pour bouleverser les empires et ruiner les peuples, qui a fait cela, la niaiserie d'un seul homme. Dans votre tourbillon, vous n'avez pu ressentir la chose comme moi, c'est tout simple: mais se peut-il, que cette prodigieuse aventure qui n'a point sa pareille, toute empreinte de providence qu'elle est, ne vous apparaisse que comme prose toute commune, ou au plus comme poйsie didactique, par exemple comme un tremblement de Lisbonne, dont vous n'auriez que faire? pas possible. Moi, je me sens la larme а l'-il, quand je regarde ce vaste dйsastre de la vieille [soc], de ma vieille sociйtй; ce mal universel, t ombй sur mon Europe, d'une maniиre si imprйvue, a doublй mon propre mal. Et pourtant, oui, de tout cela il ne sortira que du bien, j'en ai la certitude parfaite: et j'ai la consolation de voir que ne suis point le seul а ne pas dйsespйrer du retour de la raison а la raison. Mais comment se fera-t-il ce retour, quand? Sera-ce par quelque puissant esprit dйlйguй extraordinairement par la providence pour opйrer cet -uvre, ou bien par une suite d'йvйnements par elle suscitйe pour йclairer le genre humain? Ne sais. Mais une vague conscience me dit que bientфt viendra un homme nous apporter la vйritй du temps. Peut-кtre sera-ce quelque chose d'abord de semblable а cette religion politique [parv] prйchйe en ce moment par S.-Simon dans Paris, ou bien а ce catholicisme de nouvelle espиce que quelques prкtres tйmйraires prйtendent, dit-on, substituer а celle que la saintetй du temps avait faite. Pourquoi non? Que le premier branle du mouvement qui doit achever les destinйes du genre humain se fasse de telle ou telle sorte, qu'importe? Beaucoup de choses qui avaient prйcйdй le grand moment oщ la bonne nouvelle fut annoncйe autrefois par un envoyй divin, avaient йtй destinйes а prйparer l'univers, beaucoup de choses aussi se passeront sans doute de nos jours а fin semblable, avant que la nouvelle bonne nouvelle nous soit apportйe du (105) ciel. Attendons.

Ne parle-t-on pas d'une guerre gйnйrale? Je dis qu'il n'en sera rien. Non, mon ami, les voies de sang ne sont plus les voies de la providence. Les hommes auront beau[fair кtre bкtes, ils ne se dйchireront plus comme des bкtes: le dernier fleuve de sang a coulй, et а cette heure, au moment oщ je Vous йcris, la source en est grвce а Dieu tarie. Sыrement, orages et calamitйs nous menacent encore, mais ce n'est plus des fureurs des peuples que leur viendront les biens qu'ils sont destinйs а obtenir; dйsormais il n'y aura plus de guerres que des guerres йpisodiques, quelques guerres absurdes et ridicules, pour mieux dйgoыter les hommes de leurs habitudes de meurtre et de destruction. Avez-vous vu ce qui vient de se passer en France? Ne s'йtait-on pas imaginй qu'elle allait mettre le feu au quatre coins du monde? Hй bien, point du tout; qu'arrive-t-il? Aux amateurs de gloire, d'envahissement, on a ri au nez, gens de paix et de raison ont triomphй; les vieilles phrases qui rйsonnaient si bien tantфt aux oreilles franзaises, [il n'y a plus d'йcho pour elles.

De l'йcho! Voilа que j'y songe. Fort heureux sans doute que Mrs Lamarque et consort ne trouvent pas d'йcho en France, mais moi, en trouverai-je, mon ami, dans Votre вme? Nous verrons. Voilа, cependant, un doute qui me fait tomber la plume de la main. Il ne tiendra qu'а vous de me la faire ramasser; un peu de sympathie [s'il vous plaоt] dans votre prochaоne lettre. M. Naschtschokine me dit que vous кtes singuliиrement paresseux. Fouillez un peu dans votre tкte, et surtout dans votre c-ur qui bat si chaud quand il le veut, vous y trouverez [j'en sais sы] plus de sujets qu'il ne nous en faut pour nous йcrire le reste de nos jours. Adieu, cher et vieil ami. Et mon manuscrit donc? j'allais l'oublier: Vous, ne l'oubliez pas, je vous prie. Tchadaeff.

18 Septembre.

J'apprends que Vous кtes nommй, ou comment est-ce? que Vous кtes chargй d'йcrire l'histoire de Pierre le Grand: а la bonne heure; (106) je vous en fйlicite du fond de mon вme. J'attendrai pour vous en dire quelque chose, que vous m'en parliez vous-mкme. Adieu donc.

[Me] Voilа qne je viens de voir vos deux piиces de vers. Mon ami, jamais vous ne m'avez fait tant de plaisir. Enfin, vous voilа poиte national; vous avez enfin devinй votre mission. Je ne puis vous exprimer la satistaction qne vous m'avez fait йprouver. Nous en reparlerons une autre fois, - beaucoup. Je ne sais si vous m'entendez bien? - La piиce aux ennemis de la Russie est surtout admirable; c'est moi qui vous le dis: il y a lа plus de pensйes qne l'on n'en a dit et fait depuis un siиcle en ce pays. Oui, mon ami, йcrivez l'histoire de Pierre le Grand. Tout le monde n'est pas de mon avis ici, vous vous en doutez bien; mais laissons-les dire - et avanзons; quand l' on a devinй <.. .> 2 un bout de la puissance qui nous pousse, une seconde fois, on la dev2 entiиre, bien sыr. J'ai envie de me dire: voici venir notre Dante enfin <...> (107) ce serait peut-кtre trop hвtif; attendons.

Адрес: Его высокоблагородию милостивому государю Александру Сергеевичу Пушкину. В Царском Селе В доме Панаевой.

682. M. Д. Деларю. 28 сентября 1831 г. Царское Село.

Очень благодарю Вас, любезный Михайло Данилович, за Ваше письмо и известие. Я был в П.<етер>Б.<урге>и не знаю, как не попал к Вам. Сказывают, вы были больны желчью. Избави Вас бог - и в какое время! - Смотрите, чтоб холера не захватила вас при своем отступлении. Вы нам нужны.

Вот письмо Геслингу - где он? что он? Доставьте это ему, сделайте одолжение, и будьте здоровы. С. С. 28 сент. А. П.

Адрес: Его высокоблагородию м. г. Михаилу Даниловичу Деларю. в С.-Петербург у Синего моста в доме министра внутренних дел.

683. П. А. Осипова - Пушкину. 29 сентября 1831 г. Тригорское.

le 29 Septembre - Trigor.

Aprиs avoir lu samedi passй avec un plaisir indйfinissable Три стихотворения на взятие Варшавы, mon imagination en fut si occupйe que toute la nuit je rкvais а vous. Je me souviens de vous avoir donnй un baiser sur vos yeux - et jugez de mon agrйable surprise - le matin mкme le postillon m'apporte votre lettre du 11. Je voudrais vous donner un baiser sur chacun de vos agrйables -il, (108) cher Alexandre, pour le tйmoignage de l'intйrкt que vous voulez bien prendre а moi - mais soyez tranquille. Le Cholйra a fait le tour du gouvernement en rиgle en ville comme а la campagne, et moins qu'ailleurs elle a fait des ravages. Mais ce qui est remarquable vraiment, ce que а Велики Луки et а Novorgeff elle n'a pas paru avant que l'on y passa le corps du Grand D. Cons. - et elle a йtй cruelle. Il n'y avait personne de malade dans la suite du Duc et pourtant tout dиs qu'ils ont quittй la maison de Д. H. Филозофов, dans 24 heures et moins 70 pers. sont devenues malades. Ainsi partout sur son passage. Pour nous 2 confirmer dans cette observation je viens de recevoir une lettre de ma niиce Bйgitcheff qui nous mande que depuis quelque temps la maladie a de nouveau augmentй а Pйtersbourg, qn'оl y a journellement 26 et plus de malades - et je soupзonne que la mкme cause produit le mкme effet - et comme la dimension de Pйters. est plus grande que partout oщ a passй le corps du G. D. la maladie y durera pins longtemps. - Je vous rйpиte elle ne montre pas а la hauteur de nos montagnes. Les beaux esprits se rencontrent et nous eыmes la mкme idйe pour Sawkina. Акулина Гарасим<овна>, а qui la moitiй du terrain appartient, la vendra peut-кtre. - Et comme vous dites qne cela ne presse pas il y a de l'espйrance, mais ce que vous me dites de votre sйjour а Pйtersbourg, m'a fait naоtre l'idйe: n'est-ce pas pour toujours que vous y кtes fixй. - Sawkino ne peut кtre qu'une chaumiиre pour deu x mois d'йtй et si vous en faites l'acquisition - il faudra un йtй pour le rendre habitable. - Je vous prie de faire mon compliment а votre belle femme, mes filles vous font le leur. Rappellez-moi un peu au souvenir de ma chиre N. O.. J'ai йtй ce temps-ci bien malade d'une fiиvre suite des maux d'est., je me suis remise. Adieu, portez-vous bien et croyez-moi toujours votre tendrement dйvouйe P. 0.

Вы читаете Переписка 1825-1837
Добавить отзыв
ВСЕ ОТЗЫВЫ О КНИГЕ В ИЗБРАННОЕ

0

Вы можете отметить интересные вам фрагменты текста, которые будут доступны по уникальной ссылке в адресной строке браузера.

Отметить Добавить цитату