Javier, entrant sans s’annoncer dans la cellule monastique, apportant avec lui un faible crissement d’ecailles froides sur la pierre polie. Passez votre vie en revue, revoyez les peches de votre passe, preparez- vous a la confession. Tout de suite ! s’ecrie Ned, l’enfant de ch?ur deprave. Tout de suite, frater Javier ! glousse le papiste dechu.
Le rite de la confession, vous pensez si c’est dans ses cordes ! Ca le connait, Ned ; c’est imprime dans ses genes, c’est grave dans ses os et dans ses couilles, c’est une seconde nature chez lui. Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa. Alors que les trois autres sont etrangers aux verites du confessionnal. Oh ! je suppose que les episcopaliens vont a confesse, en bons crypto-romains qu’ils sont, mais ils ne racontent que des mensonges a leurs pretres ! Je tiens ca de l’autorite de ma mere, dont l’avis est que la chair des anglicans n’est meme pas bonne a engraisser les cochons. « Mais, maman, les cochons ne mangent pas de viande. — S’ils en mangeaient, mon fils, ils ne toucheraient pas les tripes d’un anglican ! Ils enfreignent tous les commandements et mentent a leurs pretres. » Sur quoi, ma chere maman se signe, quatre coups vigoureux sur la poitrine, om mani padme hum !
Ned est obeissant. Ned est un bien gentil mignon. Frater Javier n’a eu qu’un mot a dire, et Ned commence aussitot a passer en revue son passe fourvoye, pour pouvoir tout degobiller quand le moment approprie sera venu. Ou ont ete mes peches ? Ou ai-je transgresse ? Dis-moi, mon Ned gentil, as-tu eu d’autres dieux avant Lui ? Non, mon Pere, en verite, je ne peux pas dire que j’en ai eu. As-tu fabrique des images taillees ? Eh bien, j’ai tailloche un peu, je l’avoue, mais il ne faut pas appliquer ce commandement a la lettre, n’est-ce pas ? Nous ne sommes pas des musulmans sanguinaires, n’est-ce pas ? Merci, mon Pere. As-tu invoque en vain le nom du Seigneur, mon fils ? Dieu m’en preserve, mon Pere, serais-je capable d’une chose pareille ? C’est tres bien ca, Ned. Et as-tu respecte le jour du Sabbath ? Honteux, le petit garcon repond qu’il s’est quelquefois rendu coupable de deshonorer le Sabbath. Quelquefois ? Merde ! il a plus pollue de dimanches qu’un Turc ! Peche veniel, cependant, peche veniel.
Ego absolvo te, mon enfant. As-tu honore ton pere et ta mere, mon enfant ? Oh ! oui, mon Pere, je les ai honores a ma facon. As-tu tue ? Non, je n’ai pas tue. As-tu commis l’adultere ? A ma connaissance, non, mon Pere. As-tu vole ? Je n’ai rien vole, du moins rien d’important. Je n’ai pas non plus porte de faux temoignage contre mon voisin. Et as-tu convoite la maison de ton voisin, ou la femme de ton voisin, ou le valet de ton voisin, ou sa femme de chambre, ou son b?uf, ou son cul, ou n’importe quoi qui appartienne a ton voisin ? Eh bien, mon Pere, puisque vous parlez du cul de mon voisin, j’avoue que la nous sommes sur un terrain branlant, mais autrement… autrement… je fais de mon mieux, mon Pere, compte tenu de ce que je suis venu au monde tare, compte tenu de tout ce qu’il y a au depart contre nous, considerant que par la chute d’Adam nous avons tous peche, j’estime quand meme que je suis relativement pur et bon. Pas parfait, bien sur. Tttt ! mon enfant, qu’as-tu a confesser ? Eh bien, mon Pere…
Confiteor, confiteor, le petit poing frappe sa poitrine d’enfant avec un zele admirable, boum, boum, boum, boum ! Om ! Mani ! Padme ! Hum ! Je suis alle, un dimanche apres la messe, avec Sandy Dolan, epier sa s?ur en train de se deshabiller, et j’ai vu ses seins nus, mon Pere, ils etaient ronds et petits, avec de petits bouts tout roses, et, a la base de son ventre, mon Pere, elle avait un petit monticule de poils bruns, quelque chose que je n’avais jamais vu avant, et ensuite elle a tourne le dos a la fenetre, et j’ai vu son cul, mon Pere, les deux plus jolies joues potelees que j’aie jamais vues, avec ces admirables petites fossettes juste au-dessus, et cette delicieuse fente juste au milieu qui… comment, mon Pere ? Je peux passer a quelque chose d’autre ? Eh bien, je confesse que j’ai entraine Sandy hors du droit chemin de differentes manieres, que j’ai consomme avec lui le peche de chair, le peche contre Dieu et contre Nature, que quand nous avions onze ans et que nous partagions le meme lit, sa mere etant en couches et n’ayant personne a la maison pour s’occuper de lui, j’ai sorti de dessous mon lit un pot de vaseline et j’en ai pris avec le doigt une bonne noisette et je l’ai lubriquement etalee sur son organe sexuel, en lui disant de ne pas avoir peur, que Dieu ne pouvait pas nous voir dans l’obscurite sous les couvertures, et je… et il… et nous… et nous…
Ainsi, suivant la requete de frater Javier, je sondais mon passe degenere et j’en remontais force detritus destines a me faire briller pendant les seances de confession qui allaient commencer bientot, assumais-je. Mais les fraters ne sont pas si lineaires que ca. Un changement dans notre programme quotidien allait survenir, oui, mais il n’etait question ni de frater Javier ni d’aucun aspect confessionnel. C’etait sans doute pour plus tard. Le nouveau rite etait de nature sexuelle, de nature heterosexuelle, que Bouddha ait pitie de moi. Ces fraters, je m’en apercois maintenant, sont plutot des Chinois, malgre leur peau trompeuse de Caucasiens, car ce qu’ils nous enseignent maintenant ce n’est rien que le tao du sexe.
Ils n’appellent pas ca comme ca. Ils ne parlent pas de yin ni de yang non plus. Mais je connais mon erotique orientale, et je connais les anciennes significations spirituelles de ces exercices sexuels, qui sont etroitement apparentes aux differents exercices de gymnastique et de contemplation que nous avons eu l’occasion de pratiquer. Controler, controler, maitriser chaque fonction du corps, tel est l’objet poursuivi.
Les petites brunes en robe courte que nous avons apercues dans le monastere a plusieurs reprises sont en fait des pretresses du sexe, des cons sacres, qui servent aux besoins des fraters et qui, en jouant le role de receptacles pour le Receptacle, vont nous initier maintenant aux mysteres sacres du vagin. Ce qui etait notre periode de repos apres les travaux de l’apres-midi devient maintenant l’heure de la copulation transcendantale. C’est arrive sans qu’on nous avertisse. Le jour ou ca a debute, j’etais rentre des champs et j’avais pris mon bain, et j’etais allonge sur le dos dans mon lit quand, selon la coutume locale, ma porte s’ouvrit sans qu’on ait frappe et frater Leon, le frere medecin, entra dans ma chambre suivi par trois filles en blanc. J’etais nu, mais je pensais que je n’etais pas oblige de cacher mes organes vitaux a la vue de ceux qui faisaient irruption chez moi. Bien vite, je compris qu’il etait tout a fait inutile que je prenne la peine de me couvrir.
Les trois femmes se rangerent le long d’un mur. C’etait la premiere occasion que j’avais de les observer de pres. Elles auraient pu etre des s?urs : toutes les trois menues, mais bien proportionnees, le teint mat, le nez proeminent, avec de grands yeux noirs liquides et des levres pleines. D’une certaine facon, elles me rappelaient les filles des fresques minoennes, mais elles auraient pu etre aussi des Indiennes d’Amerique. En tout cas, elles etaient nettement exotiques. Chevelure de nuit, seins lourds. Age entre vingt et quarante ans. Elles se tenaient droites comme des statues. Frater Leon prononca une breve entree en matiere. Il est essentiel, declara-t-il, que les candidats apprennent l’art de maitriser les passions sexuelles. Repandre le fluide seminal, c’est mourir un peu. Bravo ! frater Leon ! Vieil adage elisabethain : jouir = mourir. Nous ne devons pas, poursuivit-il, reprimer l’impulsion sexuelle, mais la dominer et la mettre a notre service. Par consequent, l’acte sexuel est recommandable, mais l’ejaculation est a deplorer.
Je me souvenais d’avoir deja rencontre cela, et je finis par me rappeler ou : c’est du pur taoisme, ca, madame. L’union du yin et du yang, de la queue et du con, est une harmonie necessaire au bien-etre de l’univers, mais la depense du ching, le sperme, est autodestructrice. Il faut s’efforcer de conserver le ching, pour en augmenter ses reserves, et ainsi de suite. C’est drole, frater Leon, vous n’avez pas l’air chinois ! Je me demande qui a vole la theorie de l’autre. Ou bien les taoistes et les fraters du Crane sont-ils tombes separement sur les memes principes ?
Frater Leon termina son petit preambule et dit quelque chose aux trois filles dans une langue que je ne connaissais pas. (J’en discutai avec Eli plus tard, et lui non plus n’avait pas reussi a l’identifier. Peut-etre de l’azteque ou du maya, supposait-il.) Aussitot, les trois robes blanches tomberent, et je me trouvai confronte avec trois morceaux de yin, entierement a poil et a ma disposition. J’ai beau etre pede, je suis quand meme capable de porter un jugement esthetique. C’etaient des filles impressionnantes. Les seins lourds, tombant seulement avec moderation, le ventre plat, la croupe ferme, les cuisses remarquables. Pas de trace d’appendicite ni de grossesse. Frater Leon aboya un ordre rapide inintelligible, et la pretresse la plus proche de la porte s’allongea promptement sur le sol de pierre froide, les jambes flechies et legerement ecartees. Puis frater Leon se tourna vers moi, se permit un leger sourire et m’adressa un signe du bout de ses doigts replies. Vas-y, mon garcon, semblait-il me dire.
Votre Ned angelique etait perplexe. Il ne savait vraiment que dire. Mais quoi, frater Leon. Vous n’avez rien compris. L’amere verite, c’est que je suis ce qu’ils appellent un uraniste, une tante, une tapette, un inverti, un