pede, un jesus, un girond ; je ne suis pas particulierement attire par le con. Mes preferences, je dois l’avouer, vont a la sodomie.

Je ne dis rien de tout cela, cependant, et frater Leon me fit un second signe, un peu plus imperieux. Que diable ! apres tout la verite est que j’ai toujours ete bisexuel avec des penchants pederastes, mais a l’occasion je n’ai pas repugne a combler l’orifice approuve par l’Eglise. Comme la vie eternelle semble etre dans la balance, j’endurerai l’epreuve. Je m’approchai des cuisses ecartees. Avec une heroique perversite, j’enfoncai mon outil hetero dans le receptacle offert. Et maintenant ? Retiens ton ching, me disais-je, retiens ton ching. Je me mouvais selon un rythme calme et lent, tandis que frater Leon m’encourageait en se penchant vers moi pour me rappeler que les rythmes de l’univers exigeaient que je mene ma partenaire a l’orgasme tout en m’efforcant de ne pas y arriver moi-meme. Parfait. Admirant mes propres performances tout au long du chemin, j’amenai chez ma concubine spirituelle les spasmes et les grognements voulus, tout en restant moi-meme distant, exterieur, entierement etranger aux aventures de mon instrument. Quand le moment divin fut passe, ma partenaire satisfaite m’expulsa d’un habile mouvement de pelvis, et je decouvris que la pretresse numero deux s’installait sur le sol, assumant la position receptrice. Tres bien. Le maitre-manche s’execute. Pousse. Tire. Pousse. Tire. Mmm ! Han ! Ahhh !… Avec la precision d’un chirurgien, je l’amenai rapidement a l’extase tandis que frater Leon fournissait le commentaire approprie par-dessus mon epaule gauche. De nouveau le mouvement de pelvis, de nouveau le changement de partenaire. Un autre yoni beant attendait ma tige luisante et raide. Que Dieu m’assiste. Je commencais a me faire l’effet d’un rabbin a qui son medecin vient de dire qu’il tombera mort s’il ne mange pas une livre de porc chaque jour. Mais le vieux Ned enfonce-son dernier clou. Cette fois-ci, declare frater Leon, je peux me permettre d’ejaculer. J’etais rendu a la limite, de toute facon, et c’est avec soulagement que je relachai ma maitrise de fer.

Ainsi, l’Epreuve a franchi une nouvelle etape depravee. Les pretresses viennent nous rendre visite tous les apres-midi. Je suppose que pour des boucs comme Timothy et Oliver, c’est une surprise agreable autant qu’inattendue, mais ce n’est pas si sur. Ce qu’on leur offre ici n’a rien a voir avec leur maniere de baiser habituelle. Il s’agit d’un exercice ardu de maitrise de soi, et ca leur enleve peut-etre une partie du plaisir. Mais ca c’est leur probleme. Le mien est different. Pauvre Ned, il a plus baise de femmes cette semaine que pendant les cinq annees precedentes. Il faut dire a son credit, cependant, qu’il fait tout ce qu’on lui demande sans jamais se plaindre. Mais ca lui en coute. Sainte mere de Dieu, jamais dans mes trips les plus moches je n’avais imagine que la route de l’immortalite passerait par tant de vagins !

XXXIII

ELI

La nuit derniere, dans les petites heures tenebreuses, la pensee m’est venue pour la premiere fois que ce pourrait etre moi qui m’offrirais en holocauste pour satisfaire les exigences du Neuvieme Mystere. Moment de desespoir fugace bien vite disparu, mais digne d’etre examine au grand jour. Visiblement, c’est la chose sexuelle qui me tracasse le plus. Mon echec total dans la maitrise de la technique. Fiasco apres fiasco. Comment me retenir ? Ils me donnent des filles magnifiques, ils me disent d’en sabrer deux ou trois a la file — oh ! schmendrick, schmendrick, schmendrick ! C’est la scene avec Margo qui recommence. Je m’enflamme, je me laisse emporter… le contraire de l’attitude preconisee par les Cranes. Pas une fois je n’ai reussi a me maitriser assez longtemps pour arriver jusqu’a la troisieme. Je ne pense pas que ce soit humainement possible, tout au moins pour moi. Mais, bien sur, la sorte de longevite dont on parle ici n’est pas humainement possible elle non plus. Il est necessaire de transcender l’humain, pour devenir litteralement inhumain, non-humain, si l’on veut triompher de la mort. Mais si je ne peux meme pas controler les traitres spasmes de ma bite, comment puis-je esperer maitriser mon metabolisme, inverser le processus de degradation organique par la simple force de mon esprit, acquerir l’espece de controle cellulaire de leurs corps que semblent posseder les fraters ? Je ne peux pas. Je vois l’echec se profiler. Frater Leon et frater Bernard m’ont dit qu’ils me donneraient un entrainement special, qu’ils me montreraient quelques techniques utiles de desescalade sexuelle, mais je n’y crois pas tellement. Le probleme est trop profondement ancre en moi, et c’est trop tard pour y changer quoi que ce soit. Je suis ce que je suis. J’enfourche ces filles, ces silencieuses et souples pretresses azteques, et bien que mon esprit soit empli d’instructions pour retenir mon sperme, mon corps se lance au grand galop, il court, il explose avec passion, et la passion est precisement ce qu’il faut conquerir si l’on veut survivre a l’Epreuve. Si je rate ce test, je rate tout. Je me retrouve rejete au bord du chemin, mon immortalite perdue ; je n’ai donc plus qu’a me detruire maintenant, puisqu’il faut que quelqu’un se detruise, et ainsi j’ouvrirai la voie aux autres.

Telles etaient mes pensees, la nuit derniere aux petites heures, tout au moins. Timothy lui aussi est condamne a l’echec, me disais-je, car il est incapable ou peu desireux d’acquerir l’interiorite necessaire. Il est prisonnier de ses sarcasmes, si dedaigneux de la Fraternite et de ses rites qu’il a peine a contenir son impatience. Il ne peut ainsi meme pas s’ouvrir aux disciplines de base. Nous meditons, il se contente de regarder. Le danger reel, c’est qu’il choisisse de s’en aller un de ces jours, ce qui bien sur compromettrait tout en desequilibrant le Receptacle. Je designe donc en moi-meme Timothy pour remplir l’autre obligation du Neuvieme Mystere. Il est impossible qu’il gagne ce que la Fraternite offre ; aussi qu’il perde, qu’il soit immole pour le benefice des autres.

Pensant ainsi la nuit derniere, incapable de trouver le sommeil, je me dis qu’il etait preferable d’en finir tout de suite : voler un couteau a la cuisine, transpercer Timothy pendant son sommeil, et ensuite me faire hara-kiri. Le Neuvieme Mystere y trouverait son compte, et Ned et Oliver auraient ainsi leur passeport pour l’eternite. Je me redressai sur mon lit. Mais, au moment de me lever, j’eus des doutes. Etait-ce le bon moment pour accomplir ce que je projetais ? Peut-etre y avait-il une place speciale dans le rituel pour la celebration du Neuvieme Mystere. Peut-etre allais-je tout compromettre en agissant maintenant, prematurement, sans avoir recu de signal des fraters. Si mon sacrifice devait etre inutile, je ferais mieux de m’abstenir. Reflechissant ainsi, je restai dans mon lit, perdant toute velleite d’agir. Ce matin, je me sens encore deprime. Je m’apercois que je n’ai pas du tout envie de renoncer a la vie. J’ai de graves doutes sur moi-meme, je suis profondement decourage par mes diverses incapacites flagrantes, oui, mais en meme temps j’ai le desir de vivre aussi longtemps que possible. La perspective d’acquerir les pouvoirs de longevite des fraters, cependant, me semble bien lointaine. Je ne pense pas qu’aucun de nous y reussisse. Je vois ce Receptacle tomber en pieces.

XXXIV

OLIVER

A midi, comme nous sortions de notre seance avec frater Miklos, frater Javier nous intercepta dans le couloir. « Vous viendrez me trouver apres dejeuner dans la Salle des Trois Masques », nous dit-il, et il partit solennellement vaquer a ses affaires. Je trouve qu’il y a quelque chose de repoussant, de glace, chez cet homme. C’est le seul frater que je prefere eviter. Ces yeux de zombie, cette voix de mort-vivant. Mais je supposai que le moment etait venu pour cette therapie de confession dont frater Javier nous avait parle la semaine precedente.

Je ne me trompais pas. Cependant, les choses ne se presenterent pas exactement comme je l’avais imagine. Je m’etais attendu a quelque chose comme une seance collective : Ned, Eli, Timothy et moi avec peut- etre deux ou trois fraters, assis en cercle, chaque candidat se levant a son tour pour denuder son ame devant l’assemblee, apres quoi nous commenterions ce que nous aurions entendu, en essayant de l’interpreter en fonction de notre experience personnelle, et ainsi de suite. Mais pas du tout. Frater Javier nous annonca que nous serions nos propres confesseurs mutuels, au cours d’une serie de confrontations privees, seul a seul.

« Au cours de la semaine qui vient de s’ecouler », nous dit-il, « vous avez examine votre vie, vous avez passe en revue vos plus noirs secrets. Chacun de vous conserve au fond de son c?ur au moins un episode qu’il est certain de ne jamais pouvoir avouer a personne. C’est sur cet episode crucial, et sur aucun autre, que notre travail doit porter. »

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