externes.
La prochaine transmission par l’Anneau aurat lieu apres-demain, ensuite il serait libre huit jours, pour tenter l’experience !
Mven Mas leva la tete vers le' ciel. Les etoiles lui parurent plus brillantes et plus familieres que jamais. Il en connaissait un grand nombre par leurs anciens noms, comme de vieux amis ... N’avaient-elles pas ete de tout temps les amies de l’homme, ses guides et ses inspiratrices ?
Voici un astre discret, qui oblique vers le Nord : l’etoile Polaire ou gamma de Cephee. Dans l’Ere du Monde Desuni, elle faisait partie de la Petite Ourse, mais le virage du bord de la Galaxie, y compris le systeme solaire, tend vers Cephee. En haut, dans la Voie Lactee, le Cygne aux ailes deployees, une des constellations les plus interessantes du ciel boreal, incline son long cou en direction du Sud. C’est la que luit la superbe etoile double que les Arabes anciens appelaient Alby-reo. En realite, ce sont trois etoiles : la double Albyreo I et Albyreo II, grand astre bleu tres lointain et pourvu d’un vaste systeme planetaire. Elle est presque a la meme distance de nous que Deneb, situe dans la queue du Cygne, gigantesque etoile blanche, 4800 fois plus lumineuse que notre Soleil. Il y a huit ans a peine qu’on a recu des mondes habites de Deneb la reponse au message envoye la deuxieme annee de l’Ere de l’Anneau. Lors de la derniere transmission, le 61 du Cygne, notre fidele ami, a capte un avertissement d’Albyreo II, qui garde son interet, bien que parvenu 400 ans apres l’emission. Un celebre explorateur du Cosmos, dont le nom transmis en sons terrestres etait Vlihh oz Ddiz, avait peri dans la region de la Lyre en rencontrant le plus terrible danger de l’univers : l’etoile Ookr. Les savants de la Terre la rattachaient a la classe E, nommee ainsi en l’honneur d’Einstein, illustre physicien de l’antiquite, qui aurait prevu l’existence de ces corps celestes,
La chose fut longuement contestee par la suite et on etablit meme une limite de masse stellaire, connue sous le nom de limite Ghandrasekhar. Mais cet astronome des temps anciens ne fondait ses calculs que sur la mecanique d’attraction et la thermodynamique, sans tenir compte de la structure electromagnetique complexe des etoiles geantes. Or, c’etaient justement ces facteurs qui conditionnaient l’existence des etoiles E. Par leurs dimensions, ces etoiles rivalisaient avec les geants rouges de classe M, comme Antares ou Betelgeuse, mais elles s’en distinguaient par une densite superieure, a peu pres egale a celle du Soleil. Leur attraction formidable arretait l’emission des rayons, elle empechait la lumiere de quitter l’etoile pour se repandre dans l’espace. Ces masses immenses existaient dans l’univers depuis des temps immemoriaux, absorbant dans leur ocean inerte tout ce que pouvaient atteindre les tentacules irresistibles de leur attraction. Dans la mythologie hindoue on appelait Nuits de Brahma les periodes d’inaction du dieu supreme, auxquelles succedaient les Jours, ou periodes d’activite. Cela ressemblait en effet a une longue accumulation de matiere qui se terminait par Rechauffement de la surface de l’etoile jusqu’a la classe O zero, c’est-a-dire cent mille degres, bien que le phenomene n’eut certes aucun rapport avec la divinite. Il en resultait finalement une deflagration colossale qui eparpillait dans l’espace de nouvelles etoiles pourvues de planetes ; ce fut le cas de la nebuleuse du Crabe dont le diametre mesurait a present cinquante billions de kilometres. Son explosion egalait en force celle d’un qua-drillon de bombes a hydrogene de l’Ere du Monde Desuni. Les etoiles E, absolument obscures, ne se devinaient dans l’espace qu’a leur force d’attraction, et l’astronef qui passait dans leur voisinage etait inevitablement perdu. Les etoiles invisibles infrarouges de classe T constituaient aussi un ecueil sur le chemin des vaisseaux stellaires, ainsi que les nuages opaques et les corps entierement refroidis, de classe TT.
Mven Mas songea que la creation du Grand Anneau qui reliait les mondes peuples d’etres pensants, avait revolutionne la Terre et les autres planetes habitees. C’etait avant tout la victoire sur le temps., sur la brievete de la vie, qui ne permettait ni aux terriens ni a leurs confreres de penetrer dans les profondeurs de l’espace. Un message envoye par l’Anneau partait dans l’avenir, car sous cette forme la pensee humaine traverserait l’espace jusqu’a ce qu’elle eut atteint les regions les plus eloignees. La possibilite d’explorer les etoiles tres lointaines devenait reelle, les contacts entre toutes les planetes capables de correspondre par l’Anneau n’etant plus qu’une question de temps. On avait recu dernierement la communication d’une etoile immense, dite gamma du Cygne. Elle se trouvait a 2 800 parsecs et le message aurait mis plus de 9 000 ans a parvenir, mais il etait comprehensible aux terriens ; les membres de l’Anneau dont l’esprit s’apparentait a celui des expediteurs, avaient pu le dechiffrer. Il en allait tout autrement pour les amas et les systemes spheriques d’etoiles, beaucoup plus anciens que nos systemes plats.
Ainsi, au centre de la Galaxie, dans son nuage axial lumineux, il y a une vaste zone de vie, ou des millions de systemes planetaires ignorent l’obscurite de la nuit ! On en a recu des messages mysterieux, des tableaux de structures complexes, inexprimables par les notions terrestres. Voici huit cents ans qui l’Academie des Limites du Savoir s’evertue en vain a les dechiffrer. Peut-etre — Mven Mas en eut le souffle coupe — peut-etre que les systemes planetaires proches, membres de l’Anneau, envoient des informations sur la vie interieure de chaque planete habitee : science, technique, arts, tandis que les vieux mondes lointains de la Galaxie montrent le mouvement exterieur, cosmique, de leur science et de leur vie, la reorganisation des systemes planetaires selon leur entendement : le nettoyage de l’espace encombre de meteorites qui genent le vol des astronefs, l’entassement de ces dechets et des planetes froides, inhabitables, sur l’astre central, pour prolonger son rayonnement ou elever a dessein la temperature de leurs soleils. Si cela ne suffit pas, on remanie les systemes voisins, en vue de favoriser au maximum l’epanouissement de civilisations geantes.
Mven Mas se mit en communication avec le depot d’enregistrements mnemoniques du Grand Anneau et composa le chiffre d’un message lointain. Il vit defiler sur l’ecran des images bizarres, venues de l’amas spherique Omega du Centaure, l’un des plus proches du systeme solaire, dont il n’etait separe que par 6 800 parsecs. La vive clarte de ses etoiles avait traverse pendant vingt-deux mille ans l’Univers, pour atteindre les yeux de l’homme terrestre.
Un brouillard bleu s’etendait en couches opaques et regulieres, percees de cylindres noirs verticaux, qui tournaient assez rapidement. Ils se retrecissaient insensiblement en forme de cones plats, reunis par leurs bases. Le brouillard se dechirait alors en croissants de feu qui tourbillonnaient autour de l’axe des cones. Le noir s’envolait, decouvrant des colonnes d’une blancheur eblouissante, entre lesquelles saillaient en biais des pointes vertes a facettes.
Mven Mas se frottait le front devant cette enigme.
Les pointes s’enroulerent en spirale autour des futs blancs et s’eparpillerent soudain en un torrent de boules scintillantes qui finirent par constituer un vaste anneau. L’anneau grandit en largeur et en hauteur. Mven Mas eut un sourire, debrancha l’appareil et revint a ses meditations ...
A defaut de mondes habites ou, plus exactement, de contacts avec les latitudes superieures de la Galaxie, les terriens ne peuvent encore se degager de la zone galactique equatoria-le, obscurcie par les fragments et la poussiere. Ils ne peuvent emerger des tenebres qui enveloppent leur astre et ses voisins. C’est pourquoi l’Univers est difficile a connaitre, malgre l’Anneau.
Mven Mas fixa l’horizon au-dessous de la Grande Ourse, ou la Chevelure de Berenice s’etendait sous les Levriers. C’etait le pole nord de la Galaxie, une porte grande ouverte sur l’espace exterieur, comme au point oppose du ciel, dans l’Atelier du Sculpteur, non loin de la celebre etoile Fomalhaut, ou se trouve le pole sud du systeme. Dans la region peripherique qui contient notre Soleil, l’epaisseur des spires de la Galaxie n’est que de 600 parsecs. On pourrait franchir de 300 a 400 parsecs perpendiculairement au plan de l’Equateur de la Galaxie, pour s’elever au-dessus du niveau de cette gigantesque roue stellaire. Ce trajet, inaccessible a un astronef, ne le serait pas aux transmissions de l’Anneau ... mais aucune planete des etoiles situees dans ces regions n’a encore adhere a ce reseau de communication ...