d’azur, avaient surgi, tres distinctes, et les vagues d’une mer violette clapotaient aux pieds de Mven Mas. Le rideau se retira encore, et l’Africain vit l’incarnation de son reve : une femme au teint cuivre, accoudee a une table de pierres blanche polie, etait assise sur le palier superieur d’un escalier et contemplait l’ocean. Elle l’apercut tout a coup ; ses yeux espaces marquerent la surprise et l’admiration. La femme se leva, la taille gracieusement cambree, et tendit a Mven Mas sa main ouverte. Une respiration rapide soulevait sa poitrine, et a cette minute hallucinante il se ressouvint de Tchara Nandi.
— Offa alli kor, fit-elle dune voix melodieuse et SO-nore qui alla droit au c?ur de Mven Mas. Il ouvrit la bouche pour repondre, mais a la place de la vision jaillit une flamme verte et un sifflement violent ebranla le local. Perdant connaissance, l’Africain sentit une force irresistible le plier en trois, le tourner comme un rotor de turbine et l’aplatir finalement en forme de galette. Sa derniere pensee fut pour le satellite 57, la station et Ren Boz ...
Le personnel de l’observatoire et les batisseurs qui se tenaient a distance, sur la pente de la montagne, ne virent pas grand-chose. Une lumiere etait passee dans le ciel profond du Tibet, eclipsant la clarte des etoiles. Une force invisible s’abattit sur la hauteur ou se trouvait l’installation experimentale et y souleva une trombe de cailloux. Le jet noir, d’un demi-kilometre de large, comme tire par un enorme canon hydraulique, fila vers l’observatoire, remonta et frappa de nouveau l’installation qui vola en eclats. L’air poussiereux gardait une odeur de pierre chaude et de brule, qui se melait a un parfum bizarre, rappelant celui des cotes fleuries des mers tropicales.
Les gens apercurent dans Ja yallee, entre le flanc arrache de la montagne et l’observatoire, un large sillon aux bords calcines. L’observatoire etait intact. Le sillon avait atteint le mur sud-est, detruit les cabines de transformateurs attenantes, et butaii contre la coupole de la salle souterraine, recouverte d’une couche de basalte de quatre metres d’epaisseur. Le ba-zalte etait use, comme par un gigantesque polissoir, mais une partie avait tenu bon, sauvant la vie a Mven Mas et protegeant le caveau.
Un ruisseau d’argent s’etait fige dans une depression du terrain : c’etaient les fusibles fondus de la station energetique de reception.
On reussit bientot a retablir les cables de l’eclairage auxiliaire. Le phare de la voie d’acces illumina un spectacle extraordinaire : le metal de l’installation experimentale s’etendait en couche mince sur le chemin qui en paraissait chrome.
Dans l’escarpement abrupt, comme tranche au couteau, s’incrustait un morceau de spirale en bronze. La pierre s’etalait en couche vitreuse, telle la cire sous le cachet brulant. Les spires du metal rougeatre, seme de contacts en rhenium, y scintillaient comme une fleur d’email. A la vue de ce bijou de deux cents metres de diametre, on etait epouvante par la force mysterieuse qui l’avait fabrique.
Quand on eut deblaye l’entree du souterrain, on trouva Mven Mas a genoux, la tete sur la marche inferieure de l’escalier. Aux instants de lucidite, il avait sans doute essaye de sortir. Parmi les volontaires il y avait des medecins. L’organisme robuste de l’Africain, reconforte par de puissants remedes, triompha de la contusion. Mven Mas se leva, tremblant et titubant, soutenu des deux cotes.
— Ren Boz ?
Les gens qui l’entouraient se rembrunirent. Le directeur de l’observatoire repondit d’une voix rauque :
— Ren Boz est horriblement mutile. Je le crois perdu. —’ Ou est-il ?
— Sur le versant oriental de la montagne. Il a du etre projete hors de son installation. Au sommet, il ne reste plus rien ... Les ruines memes sont rasees !
— Et Ren Boz est toujours la-bas ?
— On ne peut pas le transporter. Il a les membres fractures, les cotes et le ventre defonces.
— Gomment ?
— Le ventre est ouvert ...
Les jambes flechissantes, Mven Mas se cramponna convulsivement aux epaules de ceux qui le soutenaient. Mais il avait recouvre sa volonte et sa raison,
— Il faut sauver Ren Boz a tout prix ! C’est un grand savant.,.
— Nous ne l’ignorons pas. Cinq medecins s’occupent de lui. On a construit au-dessus du patient une tente sterile pour l’intervention chirurgicale. Deux volontaires donnent leur sang. Le tiratron, le c?ur et le foie artificiels fonctionnent deja.
— Alors, conduisez-moi au bureau radiophonique. Mettez-vous en contact avec le reseau mondial et appelez le centre d’information de la zone Nord. Que devient le satellite 57 ?
— On l’a appele. Pas de reponse.
— Les telescopes sont intacts ?
— Oui.
— Reperez le satellite au telescope et examinez-le a l’inverseur electronique avec grossissement maximum ...
L’homme de service du centre Nord d’information vit sur l’ecran un visage ensanglante, aux yeux hagards. Il eut du mal a reconnaitre le directeur des stations externes, personnalite connue de toute la planete.
— Je veux parler a Grom Orm, president du Conseil d’Astronautique, et a la doctoresse Evda Nal.
L’homme fit un signe de tete et mania les boutons et les verniers de la machine mnemotechnique. La reponse vint au bout d’une minute.
— Grom Orm se documente, il passe la nuit au foyer du Conseil. Faut-il l’appeler ?
— Oui. Et Evda Nal aussi.
— Elle est a l’ecole 410, en Irlande. Je vais essayer de l’avoir ...
L’employe consulta le schema au bureau radiophonique
— C’est indispensable ! Il y va de la vie d’un grand savant !