Le physicien s’absorba un instant dans ses souvenirs, puis il eut un rire silencieux :
— Mven Mas, lui ... il sent mes pensees et tache de les concretiser.
— N’est-ce pas la votre erreur ?
Ren Boz fronca les sourcils et changea de sujet.
— Veda Kong va venir, elle aussi ?
— Je l’attends. Vous savez qu’elle a failli perir en explorant une caverne pleine de choses anciennes et munie d’une porte d’acier hermetique ?
— Je l’ignorais.
— Et moi, j’oubliais que vous ne partagiez pas la passion de Mven Mas pour l’histoire. Toute la planete discute sur le mystere de cette porte. Des millions de volontaires offrent leurs services pour les fouilles. Veda a decide de soumettre la question a l’Academie des Predictions.
— Verrons-nous Evda Nal au cosmoport ?
— Non, elle est empechee !
— Il y en a qui le regretteront ! Veda l’aime beaucoup et Tchara en raffole. Vous vous souvenez de Tchara ?
— Une femme exotique ... du type panthere ... d’origine tsigane ou hindoue ?
Dar Veter leva les bras au ciel, dans une attitude d’horreur plaisante.
— Qu’est-ce que je dis la ! D’ailleurs, je repete constamment la faute des anciens qui n’entendaient rien aux lois de la psychophysiologie et de l’heredite. Je voudrais toujours voir chez les autres ma mentalite et mes sentiments.
— Evda, fit Ren Boz sans approuver le repentir de son interlocuteur, suivra l’envol comme tous les habitants de la planete.
Le physicien montra les trepieds des cameras de reception blanche, infrarouge et ultraviolette, disposes en demi-cercle autour de l’astronef. Les differents groupes de rayons du spectre animaient d’une vie reelle l’image en couleurs de l’ecran, de meme que les diaphragmes harmoniques supprimaient la resonance metallique dans la transmission de la voix.
Dar Veter regarda en direction du nord, d’ou venaient des electrobus automatiques lourdement charges de voyageurs. Veda Kong sauta de la premiere voiture et courut en s’empe-trant dans l’herbe haute. Elle se jeta contre la robuste poitrine de Dar Veter, d’un elarj, si impetueux que ses longues tresses volerent par-dessus les epaules de l’homme.
Il l’ecarta doucement pour contempler le cher visage renove par Ja coiffure inusitee.
— J’ai joue dans un film pour enfants une reine nordique des Siecles Sombres, et je n’ai eu que le temps de me changer, expliqua-t-elle, un peu essoufflee. Il etait trop tard pour me recoiffer.
Dar Veter se la representa en longue robe de brocart, la tete ceinte d’une couronne d’or a pierres bleues, avec ses nattes blondes descendant au-dessous des genoux, et ses yeux gris au regard temeraire ... Il s’epanouit dans un sourire.
— Vous aviez une couronne ?
— Oui, elle est comme ceci.
De son doigt, Veda traca dans J’air le contour d’un large bandeau a fleurons trefles.
— Je la verrai ?
— Aujourd’hui meme. Je demanderai qu’ils te montrent le film.
Comme Dar Veter allait la questionner sur ces mysterieux « ils », Veda salua le grave physicien, qui repondit par un sourire naif et cordial.
— Ou sont donc les heros d’Achernard ?
Ren Boz parcourut des yeux le terrain toujours desert autour de l’astronef.
— La-bas ! Veda indiqua une pyramide en plaques de verre laiteux, couleur pistache, a chassis argentes : la grande salle du cosmoport.
— Allons-y.
— Nous serions de trop, dit Veda d’une voix ferme. Ils regardent le salut d’adieu de la Terre. Allons vers le
Les hommes obeirent.
Veda qui marchait a cote de Dar Veter lui demanda tout bas :
— Elle ne me ridiculise pas trop, cette coiffure a l’antique ? Je pourrais ...
— Non, non. Le contraste avec la robe moderne est tres joli, les tresses sont plus longues que la jupe. Laisse-les !
— J’obeis, mon Veter ! chuchota-t-elle, et ses paroles magiques firent palpiter le c?ur de l’homme et colorerent ses joues pales.
Une foule nombreuse se dirigeait sans hate vers l’astronef. Les gens souriaient a Veda et la saluaient du geste, beaucoup plus souvent que Dar Veter ou Ren Boz.
— Vous etes populaire, Veda, fit observer le physicien. Est-ce votre renommee d’historien ou votre beaute qui en est la cause ?