— Ni l’une ni l’autre. Mon travail et mon activite sociale m’obligent a voir beaucoup de monde. Vous et Veter, vous etes tantot confines dans les laboratoires, tantot absorbes par un travail nocturne qui vous isole. Votre ?uvre est bien plus considerable et plus marquante que la mienne, mais elle n’a trait qu’a un seul domaine, qui n’est pas le plus pres du c?ur. Tchara Nandi et Evda Nal sont beaucoup plus connues que moi.

— Encore un reproche a notre civilisation technique ? riposta gaiement Dar Veter.

— Pas a la notre, mais a la survivance des erreurs fatales du passe. II y a vingt millenaires, nos ancetres des cavernes savaient deja que l’art et l’education sentimentale qui s’y rapporte ne comptent pas moins pour la societe que la science.

— En ce qui concerne les rapports entre les hommes ? s’informa le physicien interesse.

— C’est cela.

— Un sage de l’antiquite a dit que le plus difficile sur terre est de conserver la joie ! intervint Dar Veter. Tenez, voici un autre allie fidele de Veda !

Mven Mas arrivait de son pas degage, attirant l’attention generale par sa haute taille et son teint fonce.

— Tchara a fini de danser, conclut Veda. L’equipage du Cygne ne tardera pas.

— A leur place, je viendrais a pied, le plus lentement possible, dit soudain Dar Veter.

Veda lui prit le bras.

— Vous vous enervez.

— Bien sur. Il m’est penible de penser qu’ils s’en vont pour toujours et que je ne reverrai plus l’astronef. Quelque chose en moi proteste contre ce sacrifice, peut-etre parce qu’il m’enleve des amis !

— Je ne crois pas, declara Mven Mas dont l’oreille fine avait capte a distance les propos de Dar Veter. C’est la protestation naturelle de l’homme contre l’implacabilite du temps.

— Tristesse d’automne ? railla doucement Ren Boz en souriant des yeux a son camarade.

— Avez-vous remarque que l’automne melancolique des latitudes temperees plait surtout aux hommes actifs, optimistes et tres sensibles ? repliqua Mven Mas en tapotant l’epaule du physicien.

— C’est tres juste ! s’exclama Veda. — Et c’est connu depuis longtemps ...

— Dar Veter, etes-vous sur le terrain ? Dar Veter, etes-vous sur le terrain ? rugit une voix quelque part en haut et a gauche. Junius Ante vous appelle au videophone du batiment central. Junius Ante vous appelle ! Au videophone du batiment central ...

Ren Boz tressaillit et se redressa.

— Puis-je vous accompagner, Dar Veter ?

— Allez-y a ma place. Vous pouvez manquer l’envol. Junius Ante, fidele aux traditions, prefere la vision directe a l’enregistrement. Il ressemble sous ce rapport a Mven Mas ...

Le cosmoport possedait un puissant videophone et un ecran hemispherique. Ren Boz entra dans la piece ronde silencieuse. L’employe de service tourna le commutateur et montra l’ecran lateral de droite, ou etait apparu Junius Ante, la mine bouleversee. Celui-ci devisagea le physicien et, comprenant la cause de l’absence de Dar Veter, salua Ren Boz de la tete.

— Moi aussi, j’aurais voulu voir l’envol. Mais c’est l’heure de la reception empirique hors programme, qui se fait dans la direction habituelle et au diapason 62/77. Levez l’entonnoir de l’emission dirigee et orientez-le sur l’observatoire. Je vais envoyer le rayon vecteur a travers la Mediterranee, droit sur El Homra. Captez a l’eventail tubulaire et branchez l’ecran hemispherique ... Junius Ante regarda de cote et ajouta : depechez-vous !

Le physicien exerce a ces manipulations fit le necessaire en deux minutes. Au fond de l’ecran hemispherique surgit l’image de la Galaxie ou les deux savants reconnurent infailliblement la Nebuleuse d’Andromede ou M-31, connue de l’homme depuis longtemps.

Un point lumineux surgit dans la spire exterieure de l’immense galaxie, presque au centre du disque lentiforme, vu en raccourci. De la partait un systeme stellaire qui semblait une brindille minuscule et devait etre une branche d’au moins cent parsecs de long. Le point grossit en meme temps que la brindille, tandis que la galaxie disparaissait au-dela du champ visuel. Un flux d’etoiles jaunes et rouges barrait l’ecran. Le point, devenu un rond, brillait a l’extremite du flux. Au bord de ce dernier ressortit une etoile orange de classe spectrale K, autour de laquelle tournaient des planetes presque imperceptibles. Le rond lumineux recouvrit entierement l’une d’elles. Et le tout fut soubitenient entraine dans un tourbillon rouge et un papillotement d’etincelles ... Ren Boz ferma les yeux ...

— Une rupture, dit Junius Ante de l’ecran lateral. Je vous ai montre l’observation du mois dernier, enregistree par les machines mnemotechniques. Je transmets a present la reception directe.

Les etincelles et les lignes pourpres continuaient a se demener sur l’ecran. .

— Voila qui est singulier ! s’ecria le physicien. Comment expliquez-vous cette « rupture » ?

— Patience ! L’emission reprend. Mais qu’est-ce que vous trouvez de singulier ?

— La couleur rouge. Dans la spectre, la Nebuleuse d’Andromede se manifeste par un deplacement vers le violet, c’est-a-dire qu’elle doit se rapprocher de nous.

— La rupture n’a rien a voir avec Andromede. C’est un phenomene local !

— Vous croyez que c’est par hasard que leur poste d’emission est situe au bord de la galaxie, dans une zone encore plus eloignee de son centre que la zone du Soleil ne l’est du centre de notre Voie lactee ?

Junius Ante toisa Ren Boz d’un regard sceptique.

— Vous ne pensez qu’a discuter, sans songer que la Nebuleuse d’Andromede nous parle a une distance de quatre cent cinquante mille parsecs !

Вы читаете La Nebuleuse d'Andromede
Добавить отзыв
ВСЕ ОТЗЫВЫ О КНИГЕ В ИЗБРАННОЕ

0

Вы можете отметить интересные вам фрагменты текста, которые будут доступны по уникальной ссылке в адресной строке браузера.

Отметить Добавить цитату