songeant a son droguet de detenu.

— Alors ! tu le passes, ton beau costume marin ? gouailla Paulo qui devinait ses hesitations.

Frank quitta sa veste et se mit a degrafer son pantalon. Au moment de l’oter il s’interrompit pour regarder les autres. Seul Gessler s’etait detourne.

— Je n’aime pas qu’on me regarde me deshabiller, lanca le garcon.

Paulo et Freddy se haterent de lui tourner le dos. Mais les deux Allemands qui n’avaient pas compris continuaient de le fixer tranquillement.

— Dites-le a ces deux idiots ! dit Frank.

— Il voudrait que vous vous detourniez, dit Lisa en allemand.

Warner et Baum hocherent la tete et allerent regarder par la verriere. Frank laissa tomber son pantalon et declara en passant l’autre :

— Tu vois, Lisa, nous avons vecu cinq ans en Allemagne tous les deux. Toi, tu as appris l’allemand, moi pas !

— Pourquoi dis-tu cela ?

— Je constate. C’est vrai ou pas ?

— Pourquoi le constates-tu de ce ton hargneux, Frank ?

— Ce pantalon me gratte, dit Frank. C’est du drap dont on fait les couvertures de chevaux, non ?

— Quand on sera au Danemark, tu t’acheteras la tenue fantoche pour sortir en ville, plaisanta Paulo.

Il fut surpris de constater que sa boutade n’amusait personne.

— Vous pouvez vous retourner ! annonca Frank lorsqu’il eut enfile la veste.

Ils abandonnerent tous leur position discrete et Frank leur sourit a la ronde. Il paraissait tout a coup d’excellente humeur.

— Vous comprenez, s’excusa-t-il, j’ai perdu l’habitude d’etre regarde. En taule, des habitudes, on en perd plus qu’on n’en prend !

Il bomba le torse et coiffa la casquette d’un geste rond.

— Je porte bien l’uniforme ?

— Tu fais marin, mais pas Allemand, remarqua Paulo. Vous ne trouvez pas, cher maitre ?

— Mets la radio, Lisa, ordonna Frank en designant le poste.

De nouveau, elle se mit a tourner le bouton chercheur, en quete d’informations. Mais elle n’en trouva pas et laissa l’appareil branche sur de la musique. Il s’agissait d’une valse viennoise au rythme durement marque. Frank s’empara du passeport et murmura en le feuilletant :

— Au fait, je m’appelle comment ?…

Il trouva le nom et epela avec un tres mauvais accent :

— Karl Ludrich !

Gessler rectifia la prononciation.

— Si on vous demande votre nom et que vous l’articuliez de cette facon, vous aurez du mal a faire admettre que c’est le votre.

A plusieurs reprises, Frank repeta le nom, corrige chaque fois par Gessler. A la fin il reussit a se le mettre en bouche et l’avocat lui fit signe que ca pouvait aller. Frank empocha le passeport.

— Que faisiez-vous pendant la guerre ? demanda-t-il a son avocat.

Gessler releva la tete.

— J’etais officier, pourquoi ?

— En taule je n’ai jamais ose vous le demander.

— Cela vous interessait donc ?

— Vous avez fait la Russie ?

— Non, la Libye.

— Et pas la France ?

— La France egalement.

— Ca vous a plu, Paris ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il etait occupe. Je le preferais avant la guerre, et je le prefere maintenant. C’est une ville si fragile…

Freddy, qui musardait dans un coin de l’entrepot ou s’amoncelaient des colis, se mit a dechirer l’emballage d’un billard electrique.

— Eh bien, moi, dit Frank, savez-vous ce que je faisais pendant la guerre ?

— Que faisiez-vous ? demanda Gessler.

— J’etais au lycee ! Vous avez deja eu des bacheliers parmi vos clients ?

— Ca m’est arrive, affirma l’avocat.

Frank parut depite.

— Et moi qui croyais etre un cas ! soupira-t-il. 

10

L’inspecteur depeche par le commissariat portait un manteau brun, trop long, et un vieux feutre defraichi. Il examina les deux motocyclettes noires, nota leurs numeros et, se tournant vers les employes du tunnel, demanda :

— Quelqu’un se souvient-il d’avoir vu entrer les motocyclistes ?

Les interpelles s’entre-regarderent avec des moues incertaines. Le plus jeune, un frele garcon au visage crible de taches de rousseur, declara :

— Je ne vois que les policiers…

L’inspecteur tiqua.

— Les policiers ?

— Un fourgon cellulaire a pris le tunnel en fin d’apres-midi. Deux motards l’escortaient…

L’hypothese parut insensee a l’inspecteur.

— Des motards n’ont pas l’habitude d’abandonner leurs engins dans les ascenseurs ! declara-t- il.

Les assistants eclaterent de rire, a l’exception du jeune employe qui rougit.

— Je crois pourtant que c’est de leurs motos qu’il s’agit, insista-t-il, d’une voix qui s’etranglait.

Ses collegues le chahuterent.

— Dis voir, Hans, tu n’aurais pas lu cette nuit un Kriminal Roman qui te serait reste sur la conscience ?

Ces sarcasmes donnerent au jeune homme le courage d’exposer son point de vue.

— Quelque chose m’a surpris sur les motos de ces policiers, dit-il. En general, ils ont sur le guidon une plaque blanche avec le mot « Police ». Eux n’en avaient pas. Et puis leurs engins etaient plus petits que les motocyclettes reglementaires. Et puis…

— Et puis ? insista l’inspecteur.

— Et puis il manquait un garde-boue a l’une des machines. Et vous voyez : il en manque un a celle-ci.

— Vous me paraissez avoir un drole d’?il, mon garcon, felicita le delegue du commissariat.

Hans rougit un peu plus. Ses collegues ne riaient plus.

— Ces motards escortaient un fourgon cellulaire, dites-vous ? reprit l’inspecteur.

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