– Oh! non! Il est retourne la-bas pour assister au couronnement du roi, une ceremonie qui, je dois le dire, ne le rejouira pas beaucoup. Allons, Bert, vieux camarade, ne desespere pas. Il n’epousera pas la belle Antoinette, du moins… tant qu’un autre plan ne viendra pas a echouer. Car, peut-etre…» Il fit une pause, puis ajouta, en riant: «Il est bien difficile de resister a des attentions royales, n’est-ce pas… ne croyez-vous pas, Rodolphe?

– Allons! en voila assez», dis-je. Et, me levant, je laissai le desespere Bertram aux mains de George et rentrai me coucher.

Le lendemain soir, George m’accompagna a la gare, ou je pris un billet direct pour Dresde.

«Ainsi, ce sont les musees qui vous attirent?» fit-il avec un sourire incredule.

George est le roi des potiniers. Si je lui avais dit que je m’en allais en Ruritanie, la nouvelle eut ete sue a Londres dans trois jours, et a Park-Lane en moins d’une semaine. J’allais donc lui repondre d’une maniere evasive quand il me sauva d’un mensonge en me quittant soudain pour traverser le quai. Le suivant des yeux, je le vis qui se decouvrait devant une femme elegante et gracieuse qui sortait de la salle des bagages.

Grande, brune, un peu forte, mais encore de belle tournure, elle pouvait avoir dans les trente ou trente-deux ans. Tandis que George lui parlait, elle jeta un regard de mon cote et ma vanite souffrit a la pensee que, emmitoufle dans un manteau de fourrure avec un cache-nez au cou (c’etait une froide journee d’avril) et coiffe d’un chapeau mou qui m’entrait jusqu’aux oreilles, j’etais loin d’etre a mon avantage.

Un moment plus tard, George me rejoignit.

«Vous allez avoir une delicieuse compagne de voyage, dit-il: la deesse du pauvre Bertrand, Antoinette de Mauban. Elle va comme vous a Dresde… elle aussi, sans doute, pour visiter les musees. Toutefois il est etrange qu’elle ne desire pas, pour le moment, que je vous presente a elle.

– Mais je ne desire pas du tout lui etre presente, observai-je, un peu contrarie.

– Je lui ai offert de vous mener a elle, mais elle a repondu: Une autre fois. Qui sait, mon vieux, vous allez peut-etre avoir la chance d’etre tamponnes; vous la sauverez, et vous supplanterez le duc de Strelsau!»

Nous n’eumes a souffrir d’aucun accident pendant le voyage et je puis certifier que Mme de Mauban arriva a bon port; car, apres avoir passe une nuit a Dresde, nous reprimes le meme train le lendemain matin. Comme elle avait clairement manifeste le desir d’etre seule, j’avais mis la plus grande discretion a eviter toute occasion de la rencontrer. Mais je constatai qu’elle suivait la meme route que moi lorsque je fus au terme du voyage, et je m’arrangeai de facon a jeter un ?il sur elle chaque fois que je pouvais le faire sans etre remarque.

Lorsque nous arrivames a la frontiere de Ruritanie, – ou le vieil officier de garde a la douane m’examina avec un etonnement qui ne me permit plus de conserver le moindre doute sur ma ressemblance avec les Elphberg – j’achetai des journaux ou je trouvai certaines nouvelles qui modifierent quelque peu mes mouvements. Pour une raison que je ne m’expliquais pas, et qui semblait tenir du mystere, la date du couronnement avait tout a coup ete avancee, et la ceremonie fixee au surlendemain. Tout le pays etait sens dessus dessous: Strelsau, a n’en pas douter, devait etre bonde; il etait peu probable que je puisse trouver a me loger, a moins de payer des prix exorbitants. Je pris le parti de m’arreter a Zenda, petite ville situee a environ quinze lieues de la capitale et a trois lieues de la frontiere. J’y arrivai vers le soir; mon intention etait de passer la journee du lendemain mardi a excursionner dans les montagnes des environs, qu’on dit fort belles, de jeter un coup d’?il sur le fameux chateau de Zenda et de prendre le mercredi matin un train pour Strelsau; je comptais revenir le soir coucher a Zenda.

Je descendis donc a Zenda, et, comme j’attendais sur le quai que le train eut repris sa route, j’apercus Mme de Mauban: elle s’en allait jusqu’a Strelsau, ou elle avait retenu des appartements. Je souris a la pensee que George Featherly eut ete considerablement surpris s’il avait pu savoir qu’elle et moi avions ete compagnons de voyage pendant si longtemps.

Je fus recu avec les plus grands egards a l’hotel, – un hotel modeste, – tenu par une brave dame agee et ses deux filles. C’etaient d’excellentes gens, et que les agitations de la capitale ne paraissaient guere troubler. La vieille dame avait, au fond du c?ur, un petit faible pour le duc de Strelsau qui, par le testament du roi, se trouvait maitre de toute la province de Zenda et proprietaire du chateau qui s’elevait majestueusement sur la hauteur, a un mille a peu pres de l’auberge. Elle ne se genait pas pour exprimer hautement le regret que ce ne fut pas le duc qui regnat au lieu de son frere.

«Nous aimons tous le duc Michel; il a toujours vecu au milieu de nous; il n’est pas un Ruritanien qui ne connaisse le duc Michel. Le roi, au contraire, a passe la plus grande partie de sa vie a l’etranger. Je gage que pas une personne sur dix ici ne l’a vu.

– Et maintenant, approuva l’une des jeunes femmes, on dit qu’il a coupe sa barbe, de sorte qu’on ne le reconnait plus du tout.

– Coupe sa barbe! s’exclama la mere. Qui a dit cela?

– C’est Jean, le garde du duc. Il a vu le roi.

– Oui, c’est vrai. Le roi est en ce moment ici dans la foret, au pavillon de chasse du duc. C’est de la qu’il partira a Strelsau pour etre couronne mercredi matin.»

Ces bavardages m’interessaient beaucoup et je me proposai tout de suite de me rendre a pied dans la direction du pavillon, esperant avoir la chance de rencontrer le roi; la vieille dame continua, avec loquacite:

«Ah! je voudrais bien qu’il y restat a ce pavillon – la chasse et le vin, c’est, dit-on, tout ce qu’il aime au monde – et que ce soit notre duc qui recoive la couronne mercredi. Voila ce que je souhaite, et je ne m’en cache pas!

– Chut! mere, firent les deux filles.

– Oh! Je ne suis pas la seule a penser ainsi, cria la vieille avec entetement.

– Quant a moi, fit la plus jeune et la plus jolie des filles, une belle blonde accorte et vive, je deteste Michel, Michel le Noir. Il me faut un Elphberg, mere, un vrai Elphberg, un roux. Le roi, a ce qu’on dit, est aussi roux qu’un renard ou que…»

Et elle se mit a rire en me regardant malicieusement et en faisant un signe de tete a sa s?ur qui semblait la desapprouver. «Plus d’un avant lui a possede une chevelure rousse semblable, murmura la vieille dame, et je me rappelle James, cinquieme comte de Burlesdon…

– Mais jamais une femme! s’ecria la fille.

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