evade de la centrale de Poissy.

« Le second ne vaut guere mieux. Il s'appelle Pierre Labe, natif de Saint-Malo, accuse de meurtre et de tentative d'assassinat, il est surtout connu pour ses viols a caractere monstrueux. Il accede au plaisir en decoupant les seins de certaines filles au systeme mammaire surdeveloppe. Peu lui chaut l'age et la beaute de sa victime, seul le volume de sa poitrine l'interesse. Il ne tue pas les femmes martyrisees par ses soins, si j'ose parler ainsi. Une fois assouvi, il leur demande meme pardon de les avoir saccagees. Il lui est arrive de pleurer a la vue de son forfait. »

Ayant dit, le Blondirouge fait circuler les photos des deux messieurs.

Tu t'attends a voir des frimes de forbans, mais tu en es pour tes frais. Bien que ce soient des portraits de l'Identite judiciaire, ces gueules paraitraient normales, voire avenantes, n'etait le regard des inculpes. Le Rital possede des quinquets impassibles, tant tellement qu'ils font froid aux valseuses. Les falots du Breton seraient plus expressifs, mais il y brille une lueur qui inciterait un usurier syrien a leguer ses biens a une ?uvre caritative, plutot que de le laisser entrer dans sa boutique.

Le dirluche en titre interroge :

— Un mandat d'arrestation a ete lance contre ces individus, je gage ?

Il gage bien, Bingo, en oubliant une chose : c'est que les archers de la Republique ont tous, depuis des mois, une affichette reproduisant les frimes de ces gentlemen dans leurs poulaillers.

— Il va falloir intensifier les recherches ! fait-il doctement. Nous allons vous donner de gros moyens pour battre en breche ces convicts. C'est la mobilisation generale ! L'hallali !

Tiens, il me rappelle le Vieux dans ses grandes periodes de peroraison glandulaire. C'est Achille sans son cote Grand Siecle.

— Je veux un filet aux mailles fines, messieurs, qu'un goujon ne saurait franchir ! Pas de cadeau pour ces sanguinaires. Ils bougent un cil, vous tirez ! Ce sont nos instructions, a San-Antonio et a moi ! Cela dit, il serait preferable de s'emparer d'eux vivants ; n'oubliez pas qu'ils detiennent un adolescent en otage…

Dislocation de l'assemblee.

— Vous paraissez reveur ? s'inquiete Mouchekhouil.

— Il y a de quoi reflechir.

— J'en conviens. Quel est votre sentiment ?

— Reserve. Nous avons affaire a des malfrats pas comme les autres. Il est evident que le coup vient des States et que les « manipulateurs » ont engage de la main-d'?uvre europeenne.

— C'est bien mon avis. Ne pensez-vous pas qu'il faille prendre contact avec le F.B.I. ?

— Si vous voulez que l'enquete nous echappe, il n'y a rien de mieux a faire !

Mon successeur opine.

— Ne pas monter bien haut, peut-etre, mais tout seul, rostande-t-il.

— Vous avez tout compris, acquiesce-je en me levant.

* * *

Toujours escorte de Jeremie, je passe prendre des nouvelles de notre malheureuse collegue, sauvagement agressee au chevet de la fille Grey.

Etat serieux mais satisfaisant, m'assure l'interne de service en nous drivant a son chevet.

Fectivement, la courageuse femme repose sur sa couche blanche souillee de son sang genereux. Elle me reconnait et un gentil sourire fleurit ses levres dessechees. Sa tronche enrubannee de gaze ne laisse disponibles qu'un ?il et la bouche.

Je presse ses doigts posees sur le drap, prononce des paroles reconfortantes garantisseuses de promo.

— Vaillante amie, attaque-je-t-il dans la nuance, avez-vous la force de me raconter ce qui s'est passe ?

— Bien sur, repond cette gazelle foudroyee. Au cours de la nuit, une infirmiere et deux de ses collegues sont entres dans la chambre. L'un d'eux poussait un appareil a roulettes. L'autre est venu sur moi, a sorti un instrument de sa blouse et m'a assene un coup sur la tete. J'ai a moitie perdu conscience, pas suffisamment cependant pour ne pas sentir sa main entre mes cuisses et entendre l'infirmiere lui dire : « Vous croyez que c'est le moment ? » Alors il a retire sa main, puis m'a frappee a nouveau sur le crane et je me suis evanouie.

— Avant de perdre connaissance, vous avez eu le temps d'apercevoir ce que faisaient les deux autres ?

— Le second type etait penche sur la blessee et la femme ouvrait l'armoire pour prendre les vetements de l'Americaine.

— Elle les fouillait ?

— Non ; les empilait dans un sac de plastique, genre poubelle.

In petto, je me traite de blatte ecrabouillee. Quelqu'un de nos rangs a-t-il seulement eu l'idee d'explorer le meuble pour y examiner les fringues de l'assassinee ? Non, bien sur ! Une fille morte dans un plumard de clinique, t'as pas une pensee pour ses harnais, ils ne sont plus a l'ordre du jour.

— Merci de votre temoignage, mon chou, gazouille-je. Lorsque vous serez en mesure de sortir, nous arroserons ca !

— C'est vrai ? qu'elle balbutie, emerveillee par cette perspective.

— Promis ! En attendant laissez-vous bien soigner.

Napoleon pincait l'oreille de ses grognards en guise de gaterie. Moi, je fais mieux, j'evasive de la main sur ses mamelons qui ont tendance a choisir la liberte. Elle doit en rougir sous ses pansements, la darling.

— Et tu pretends vouloir epouser Marie-Marie ? murmure ce fumelard de negro, une fois dehors.

Sa remarque me produit l'effet d'un verre d'eau froide en pleine gueule.

Je m'arrete sur le revetement de caoutchouc qui absorbe le bruit de nos pas.

Cette reflexion se fiche dans mon ame. C'est vrai que j'avais deja oublie la Musaraigne. Il n'existe plus pour moi, desormais, que « notre » fille fabuleuse. Le temps et ses deux epoux ont tue doucement nos amours d'autrefois, a Marie-Marie et a moi. Dans le fond, j'etais dingue d'une gamine deluree, a l'innocence pathetique. Elle est devenue une riche bourgeoise chic, sachant controler ses sentiments et programmer sa vie.

Seigneur, cette bouffee de detresse qui m'envahit a toute volee ! Va falloir que je m'accroche fort a m'man, a mon turbin, a mes potes et, surtout, oui, surtout a la petite.

Le Noirpiot qui pige tout, met sa dextre puissante sur mon epaule.

— Pardonne ma maladresse, fait-il, je t'ai blesse.

— Non, non, ce n'est rien, j'articule, il fallait bien que je prenne conscience des realites.

Voila ; je respire un grand coup. Tres importants, les soufflets. Quand ils fonctionnent mal, le reste ne suit plus.

Bref conciliabule entre Jeje et moi.

Nous mettons le cap sur le college Poirot-Delpech.

Toujours bien ameublir le terrain avant de batir.

13

Nous deboulons en plein cours d'histoire-geo, pendant que le prof, une pecore a binocles, au nez pointu, explique a ses garnements le duel de Cinq-Mars et de Thou qui furent executes a Lyon (Rhone) pour s'etre battus en duel.

Nous toquons a la porte vitree. La demoiselle, rancie sous le harnois, vient ouvrir, l'air interrogateur.

Je lui annonce notre qualite de super-bourdilles et elle s'humanise un tanti-chouia.

— Vous venez au sujet du jeune Charretier ? fait-elle.

— Gagne ! reponds-je. Pouvez-vous nous consacrer quelques instants ?

Elle peut. Sort dans le vaste couloir et relourde. Elle degage une odeur de poivre, because les premiers frimas l'ont incitee a ressortir ses petites laines de l'armoire. Vu la facon dont elle les epice, les mites n'ont qu'a

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