imagines ? C'est exactement ce qui est en train de m'arriver. Un grand bourrin jaillit d'un sous-bois et se precipite vers mon Audi au triple galop.

Le grand jars qui le monte ne parvient plus a le maitriser.

J'accepte beaucoup de la vie et meme le pire, sauf qu'on esquinte ma tire. La man?uvre que j'entreprends s'inspire d'Alesi, le plus grand pilote du monde s'il avait un minimum de baraka. Je braque, je georges-Braque, je bric-a-brac, je brique mon braque… Bref, j'evite de justesse le canasson et termine sans trop de dommages sur un terre-plein boueux.

Pour le cavalier, ca se passe moins cool. Le cheval saute le fosse comme s'il s'agissait de la riviere des tribunes, mesdames et messieurs bonsoir ! Manque de timing, le cocher rate le coche et se retrouve les quatre fers en l'air dans la tranchee tandis que son Pegase se fait la belle. Je sors de ma guinde, me precipite a la rescousse du malheureux jockey et l'aide a s'extraire de son bourbier. Il s'agit d'un garcon d'une petite trentaine d'annees, bellatre de Tassigny avant l'heure, et plus coince que tes burnes dans une tapette a souris. Le distant decrit par Aime, c'est forcement lui.

— Ca va ? Vous n'etes pas blesse ?

Tu vas pas croire sa reaction, au Saint-Martin du canal : a peine l'ai-je-t-il sorti de la fange qu'il me brandit sa cravache.

— Bougre de paltoquet ! On n'a pas idee de rouler a des allures pareilles !

— Cinquante a l'heure sur une departementale, je ne vois pas le probleme.

— Le probleme, c'est que cette route conduit a mon chateau !

— Comme mon front a tes naseaux !

Tu ne m'en voudras pas de lui flanquer le coup de boule de l'apres-guerre et des hemispheres environnants. Le pif eclate, il retombe les bras en croix dans le fosse.

* * *

Un medecin harasse sous le poids de l'alcool acheve de soigner le nez de Nicolas Godemiche qui patauge toujours dans des limbes comateux.

— Sur que vous ne voulez pas porter plainte ? bredouille le toubib d'une voix d'outre-biture.

Jacquemart-Andre Godemiche distribue des biftons au praticien qui les enfouille a la vitesse d'un cameleon gobant des mouches.

— Le boulot c'est bien, toubib, le zele c'est trop ! Allez, circulez, y a plus rien a soigner !

Le doc titube vers la sortie et le maitre de ceans, un joyeux colosse, me claque les endosses.

— Venez ! On va s'en jeter quelques-uns, commissaire.

— Je suis navre d'avoir frappe Nicolas.

— Je sais a quel point il peut etre agacant. J'aurais du le derouiller moi-meme depuis longtemps. Aujourd'hui, on sait elever les veaux, les truffes et les saumons, mais on ne sait plus comment faire avec ses gosses !

Le bonhomme designe son fils dont le regard affiche un flou peu artistique.

— Voyez. C'est mon heritier. Je devrais en etre fier, non ? Eh bien, les mulots qui bouffent mes recoltes me donnent plus de satisfactions que lui. Ces foutus rongeurs, j'ai envie de les combattre et je sais comment ! Lui, je ne peux quand meme pas lui filer de la mort-aux-rats !

Tandis qu'il jacte, le type ouvre le battant d'un bar bibliotheque et sert d'autorite deux verres ras bord de cognac VSOP. Il m'en tend un et liquide presque aussi sec le sien.

Je ne te l'ai pas encore decrit, Sir Godemiche, pourtant il en vaut la peine. Taille de basketteur : deux metres au garrot ; poids en consequence : quintal allegrement depasse ; et ce petit plus qui permet a un mec d'entrer dans la categorie des vrais sympas : regard petillant, geste affectueux et paroles avenantes.

On trinque et aussitot une amitie puissante nous unit, avant meme la cuite qui d'ordinaire preside a ce genre de passions.

— Et si tu me disais ce que tu fous par ici, mon vieux.

— Je cherche l'assassin de ta niece, mon cher Jacquemart.

Il se sert une nouvelle rasade de fine Champagne et vient se culter pres de moi.

— Mon frere Leonard et moi, on pesait plus de deux mille hectares sur la region. On aurait pu acheter la prefecture, si on avait voulu. Sa femme s'est plantee en bagnole il y a pres de vingt ans. Tu me suis ?

— Je te precede ! murmure-je en sirotant une gorgee de mon delicat breuvage.

— Bien. Mon frangin s'est remarie avec Mathilde. Et la, tout a change. Cette pute l'a detourne de sa famille, lui a file des idees de voyages dans la tete. Et pourtant nous, les gars de la terre, on est plutot du genre casanier. Elle lui a fait apprecier la cuisine chinoise, les massages thailandais et tout un tas de conneries exotiques. Bref, Leonard et moi, on ne se voyait plus guere qu'a l'occasion des grandes chasses.

— Et c'est au cours de l'une d'elles que ton frere a trouve la mort, n'est-ce pas ?

— Un accident ! J'etais a l'affut a moins de deux cents metres de lui. La balle qui l'a traverse n'a jamais ete retrouvee. N'importe qui peut avoir tue mon frere. Sauf moi, parce que je n'ai pas tire une cartouche ce jour-la. Heureusement. Le doute m'aurait tue a mon tour. Je n'ai plus jamais revu ma belle-s?ur depuis.

— Pourtant ton fils Nicolas et Melanie sont restes lies.

— C'est leur probleme.

— De quoi est morte ta femme ?

— D'un crabe mal place. Il y a sept mois.

Jacquemart-Andre semble soudain en proie a un terrible abattement. son visage se decompose, ses mains se mettent a trembler et tout son corps est agite de soubresauts convulsifs. Je lui secoue l'epaule.

— Calmez-vous… Calme-toi…

Mes mots ne servent a rien. Le type vibre comme un Concorde en phase de decollage.

Ses yeux chavirent. Je lui balance quelques claques sonores, mais rien n'y fait. Il plonge dans un trip incontrolable que j'identifie comme une crise d'epilepsie.

— Ne vous affolez pas !

C'est Nicolas, avec son naze bande qui vient de sortir du coltard. Il s'approche, farfouille dans les poches de son pere et en sort une tablette. Il en extrait trois pilules et les enfourne dans la bouche crispee de son vieux.

— Ca va aller. Depuis la mort de ma mere, il a ce genre de crises. Il s'en est toujours sorti indemne.

En effet, l'agitation de Jacquemart s'apaise doucement et une certaine serenite reintegre son visage. Rassure, je me tourne vers Nicolas.

— Desole pour le coup de tete.

— Quel coup de tete ? demande le mome en palpant le pansement qui lui tient lieu de tarbouif.

Inutile d'entrer dans les details, non ?

— Je t'expliquerai. Mais je voudrais surtout que tu me parles de votre rave-party.

— C'etait une idee de Melanie, se defausse-t-il lachement.

— Tu y as quand meme participe, non ?

— Pour accompagner. Ne pas laisser Melanie se depatouiller toute seule.

— Oui, j'ai remarque, tu es du genre cavalier servant.

J'enchaine aussitot :

— Tu l'as deja baisee, ta cousine ?

Je lui aurais flanque une douche d'acide sulfurique, il ne gigoterait pas davantage, le Nicolas.

— Qu'est-ce que vous… vous… insinuez ? bredouille-t-il.

— J'ai dit baisee, mais j'aurais pu aussi bien dire niquee, grimpee, enfilee, compostee… On ne va pas passer en revue le dictionnaire du cul ?

— Mais…

— Reponds !

— Je vous interdis de proferer de telles ignominies. En quoi cela vous regarde-t-il, d'abord, vous etes de la police ?

— Un peu, oui !

Je lui plante ma breme sous le museau.

— Fallait le dire.

— Je le dis.

Nicolas Godemiche a un sursaut de defense.

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