— Pourquoi vous faites-vous si dure ? me demanda-t-il.

Je le regardai dans les yeux. Son visage n’etait qu’a quelques centimetres du mien. Nous etions de la meme taille.

— Laissez tomber, lui dis-je.

Au lieu de cela, il se pencha en avant et m’embrassa. Ses levres etaient douces et chaudes, et le baiser sembla durer des heures. C’est une machine, me disais-je. Il est peut-etre humain, mais il y a une machine derriere tout ca. Je fermai les yeux. Sa main me caressa doucement la joue, le cou, la nuque.

— Ecoutez… commencai-je lorsqu’il me lacha un instant.

Il ne me laissa pas finir. Il me souleva dans ses bras et me porta dans la chambre ou etait le grand lit. Le matelas etait doux et l’edredon moelleux. La bougie, dans l’autre piece, faisait danser les ombres tandis que nous nous otions mutuellement nos vetements, pris d’une soudaine frenesie.

Nous fimes l’amour a trois reprises, cette nuit-la, comme un aboutissement, chaque fois, de la douce et lente montee du plaisir causee par le contact, la chaleur et la tendresse qui nous submergeaient. Je me souviens de m’etre penchee sur lui, la deuxieme fois, pour le contempler. Il avait les yeux fermes, et ses cheveux retombaient en desordre sur son front. La bougie eclairait la roseur de son torse pale et ses bras d’une force etonnante qui me maintenaient toujours par la taille. Il ouvrit les yeux, a cet instant, pour me regarder a son tour, et j’y lus toute l’emotion et la passion qui l’habitaient.

Un peu avant l’aube, nous nous assoupimes. Juste avant de sombrer, je sentis sa main froide qui se posait sur ma hanche en un geste naturel et protecteur sans etre pour autant possessif.

Ils nous attaquerent juste apres les premieres lueurs de l’aube. Ils etaient cinq. Ce n’etaient pas des Lusiens, mais il n’y avait que des hommes, tous athletiques et bien rodes pour le travail en equipe.

Je les entendis au moment ou ils enfoncaient d’un coup de pied la porte de l’appartement. Je roulai aussitot a bas du lit, bondis jusqu’a la porte de la chambre et m’embusquai au moment ou ils entraient. Johnny se redressa, hurlant quelque chose au premier homme qui brandissait un etourdisseur. Il avait mis un slip en coton avant de s’endormir. J’etais nue. C’est un desavantage reel que de se battre nue contre des adversaires habilles, mais le probleme est surtout d’ordre psychologique. Si l’on est capable de surmonter l’impression de vulnerabilite accrue, le reste peut etre aisement compense.

Le premier homme m’apercut et decida quand meme d’etourdir Johnny. Il paya cherement son erreur. Je fis voler son arme d’un coup de pied et l’assommai d’un revers de main derriere l’oreille gauche. Deux autres entrerent. Cette fois-ci, ils eurent le reflexe de s’occuper de moi d’abord tandis que les deux derniers sautaient sur Johnny.

Je bloquai une main lancee a plat, doigts serres, esquivai un coup de pied qui aurait pu faire des degats et reculai. Il y avait une commode sur ma gauche, et le tiroir du haut glissa sans se faire prier. Le costaud qui me faisait face s’abrita le visage des deux mains, de sorte que le bois epais eclata, mais sa reaction instinctive m’avait donne la fraction de seconde dont j’avais besoin pour mettre tout mon poids dans le coup de pied que je lui balancai. Le numero deux s’affaissa contre son copain avec un grognement sourd.

Johnny se debattait, mais l’un de ses attaquants l’avait pris a la gorge et l’autre le maintenait par les pieds. Je foncai, encaissant au passage un coup de mon numero trois, et fis un bond enorme par-dessus le lit. Celui qui tenait les jambes de Johnny passa sans un cri a travers le bois et le verre de la fenetre.

Quelqu’un atterrit sur mon dos. Je continuai avec son propre elan et l’amenai contre le mur oppose. Il savait se battre. Il encaissa de l’epaule et voulut me triturer un nerf derriere l’oreille. Mais il eut du mal a cause des couches de muscles qu’il rencontra. Je lui enfoncai mon coude dans l’estomac et me degageai en roulant sur moi-meme. Celui qui etait en train d’etrangler Johnny le lacha et me lanca un coup de pied dans les cotes execute selon les regles de l’art. J’encaissai l’impact a moitie. Je sentis au moins une cote qui cedait. Je pirouettai, tete baissee, et abandonnai toute elegance pour lui ecraser un testicule de la main gauche. Il hurla. Il etait hors circuit.

A aucun moment je n’avais oublie l’etourdisseur tombe par terre, et mon dernier adversaire valide non plus. Il fit le tour du lit, hors d’atteinte, et se jeta a quatre pattes pour s’emparer de l’arme. Oubliant la douleur causee par ma cote cassee, je soulevai le lit massif, avec Johnny dedans, et le laissai retomber sur la tete et les epaules du gus. Puis je me baissai de mon cote du lit, recuperai l’etourdisseur et reculai jusqu’a un coin inoccupe de la chambre.

Nous etions au premier etage. L’un des cinq hommes etait passe par la fenetre. Le premier entre etait toujours inconscient sur le seuil. Celui qui avait ete terrasse d’un coup de pied avait reussi a se redresser sur les coudes et sur un genou. A la couleur du sang qui degoulinait au coin de ses levres et sur son menton, je deduisis qu’une cote lui avait transperce un poumon. Sa respiration etait un sifflement rauque. Le lit avait broye le crane du quatrieme. Le cinquieme etait recroqueville sous la fenetre. Il vomissait en se tenant les couilles. Je le fis taire d’un coup d’etourdisseur. Je m’approchai de celui qui crachait son poumon et lui soulevai la tete par les cheveux.

— Qui t’envoie ?

— Va te faire foutre, dit-il en me crachant une sanie rose a la figure.

— Plus tard, peut-etre, repliquai-je en placant trois doigts sur sa cage thoracique, a l’endroit ou elle semblait concave, et en les enfoncant. Je veux d’abord savoir qui t’envoie.

Il hurla et devint tres blanc. Quand il toussa, le sang etait rouge vif contre sa peau bleme.

— Qui t’envoie ? repetai-je en enfoncant quatre doigts.

— L’eveque ! s’ecria-t-il en essayant d’echapper a mes doigts.

— Quel eveque ?

— Le Temple gritchteque… Lusus… arretez, par pitie… Oh, merde…

— Qu’alliez-vous faire de lui… de nous ?

— Rien du tout… Non ! Arretez ! J’ai besoin d’un medecin… Par pitie !

— D’accord. Reponds d’abord.

— Le prendre vivant… Le ramener la-bas… au Temple… sur Lusus… Je vous en supplie ! Je ne peux plus respirer !

— Et moi ?

— Vous tuer si vous resistiez.

— Bon, declarai-je en le soulevant un peu plus par les cheveux. Je vois qu’on est devenu raisonnable. Et que lui veulent-ils ?

— Je ne sais pas…

Il poussa un cri percant. Je ne quittais pas des yeux l’entree de la chambre. J’avais toujours l’etourdisseur dans la main, sous une masse de cheveux englues.

— Je… Je ne… sais rien… de plus, haleta-t-il.

Il avait une serieuse hemorragie, a present. Le sang coulait abondamment sur mon sein gauche et le long de mon bras.

— Comment etes-vous venus ?

— VEM… Le toit.

— Quelle station distrans ?

— Je ne sais pas… Je le jure… Une ville… Sur l’eau. Reglage automatique… pour le retour. Par pitie !

Je lui ecartai sa chemise. Pas de persoc. Pas d’autre arme. Juste un tatouage au-dessus du c?ur. Un trident bleu.

— Goonda ? lui demandai-je.

— Oui… Fraternite de Parvati.

En dehors du Retz. Sans doute presque impossible a remonter.

— Les autres aussi ?

— Oui… Faites venir quelqu’un, je vous en supplie… Aidez-moi…

Il sombra dans une semi-inconscience.

Je le lachai, reculai et l’arrosai de mon rayon etourdisseur.

Johnny etait assis dans le lit. Il se massait la gorge en m’observant d’une etrange maniere.

— Habille-toi, lui dis-je. On s’en va.

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