dans les mythes et legendes. Un troisieme sur les 7 barreaux de l'echelle de Jacob…
Le probleme avec cette
Raoul suggere au scribe de se doter d'un index, ou tout au moins d'une table avec des pages numerotees. Il tourne les pages. Il passe sur des tests psychologiques! Des interviews de stars! Enfin quelque chose d'interessant. Une entree laisse entendre que, geogra-phiquement, le monde des 7 ne serait pas accole au monde des 6. En consequence, il convient de le chercher «la ou l'on s'attend le moins a le trouver».
Soudain, nous qui ne ressentons plus ni le chaud ni le froid, nous percevons un souffle glacial.
— Des ames errantes! s'inquiete Raoul.
Devant nous s'alignent en effet une dizaine de fantomes. Ils nous ressemblent, sauf qu'au lieu de rayonner comme nous ils absorbent la lumiere.
Raoul, mon aine au Paradis, m'explique que ces ectoplasmes sont des suicides, partis avant l'heure, ou encore des assassines dont l'ame est encore tellement tourmentee qu'elle prefere demeurer ici-bas a tenter de regler les problemes du passe plutot que de s'elever dans le ciel afin de se purifier dans une autre vie.
— Ce sont des humains qui meme morts refusent de lacher la rampe?
— Ou ne le peuvent pas. Certains revanchards, avides de vengeance, tiennent a subsister sous forme de fantomes pour mieux hanter leurs tourmenteurs.
— Peuvent-ils nous faire du mal?
– A nous, non. Mais a Papadopoulos, oui.
Je proteste:
— Mais nous sommes des anges et eux de simples ames errantes.
— Ils sont restes plus proches des humains que nous.
Raoul craint fort que ce ne soit nous qui les ayons guides jusqu'au moine grec. Les ames errantes sont sans cesse en quete de corps a hanter et, en debarquant sur Terre et en apparaissant, nous leur avons designe un medium.
Les fantomes ne cessent d'affluer. Ils sont bien une trentaine a present. Ils ont conserve la meme allure qu'a l'heure de leur mort. Nous avons devant nous des guerriers incas, encore marques par les blessures infligees par les arquebuses des conquistadors. On se croirait dans un roman de H.P. Lovecraft! Celui qui semble leur chef est encore plus effrayant. Il n'a plus de tete. Je me glisse tout contre Raoul et lui demande:
— Comment s'y prend-on pour les combattre?
57. VENUS. 7 ANS
Miroir. Avec mon nouveau nez, je me trouve encore plus belle. Je suis inscrite dans une ecole pour enfants stars qui professe la methode d'education du Dr Hat-kins. On nous laisse faire ce qu'on veut comme on veut quand on veut pour laisser s'exprimer librement nos pulsions. Je me contente le plus souvent de dessiner un petit bonhomme prisonnier.
— C'est qui? demande la pedagogue. Ton papa? Ta maman?
— Non. C'est l'Autre.
— Quel autre? Le prince charmant?
Je precise:
— Non, c'est l'Autre, celui dont je reve parfois.
— Eh bien, cet Autre a sa denomination propre, c'est le prince charmant, m'informe la pedagogue. Je l'ai cherche, moi aussi, et puis je l'ai trouve en rencontrant mon mari.
Rien ne m'agace autant que ces adultes qui n'ecoutent pas les enfants et se figurent tout savoir. Je hurle:
— Non, l'Autre n'a rien a voir avec le prince charmant! C'est le prisonnier. Il est coince et il veut sortir. Je suis la seule a pouvoir l'aider, mais pour ca il faut que je me souvienne.
— Que tu te souviennes de quoi?
Je n'ai pas de temps a perdre. Je tourne les talons.
La semaine derniere un magazine m'a convoquee pour une seance de photos. C'est grace a maman qui me fait de la publicite partout ou elle va pour son travail. J'ai pose pendant deux ou trois heures assise sur un tabouret avec un bouquet de fleurs. Je crois que c'etait pour un calendrier. Maman est restee dans les coulisses a jouer a ce jeu ou il faut annoncer des nombres de plus en plus eleves et terminer par le mot dollar.
Maman m'a declare que je devenais quelqu'un de tres important. Elle m'a dit que j'etais la nouvelle Shirley Temple. J'ignore qui est cette fille, sans doute l'une de ces innombrables actrices vieillardes qui servent de references a ma mere. De toute facon, moi, a part Liz Taylor, je les trouve toutes moches.
58. JACQUES. 7 ANS
Depuis quelques semaines, l'ecole compte une nouvelle eleve. Quand arrivent des nouveaux, j'ai toujours envie de les aider a s'integrer.
Cette nouvelle-la est un peu speciale. Elle est plus agee que nous. Elle a huit ans. Sans doute a-t-elle ete obligee de redoubler une classe quoiqu'elle n'ait pas l'air cancre. Elle vit dans un cirque. A force de changer tout le temps d'endroit, ce n'est pas toujours facile de suivre les programmes.
La fille s'appelle Martine. Elle me remercie de mon accueil, accepte mes conseils et me demande si je sais jouer aux echecs. Je dis non et elle sort de son cartable un petit jeu en plastique pour m'apprendre. Ce qui me plait dans les echecs, c'est que l'echiquier est comme un petit theatre ou des marionnettes dansent et se debattent. Elle m'enseigne qu'il y a tout un mini-code de vie a respecter pour chaque figurine. Certains avancent a petits pas: ce sont les pions. D'autres glissent loin, comme les fous. D'autres encore peuvent sauter par-dessus les autres pieces, ce sont les cavaliers.
Martine est une surdouee des echecs. A son age, elle affronte deja en tournoi plusieurs adultes simultanement.
— C'est pas difficile. Les adultes ne s'attendent pas a ce qu'une fillette les agresse, alors je fonce. Ensuite, ils jouent en defense. Quand ils sont en defense, ils deviennent previsibles et ils ont un coup de retard.
Martine affirme que, pour gagner, il faut respecter trois grands principes. En debut de partie, sortir au plus vite ses pieces de derriere la ligne de defense afin qu'elles puissent entrer en action. Ensuite, occuper le centre. Enfin, fortifier ses points forts plutot que de chercher a conforter ses points faibles.
Les echecs deviennent une passion. Avec Martine, nous nous lancons dans des parties chronometrees ou il faut reflechir non pas sur un seul coup mais sur les six a venir qui s'enchaineront en toute logique.
Martine dit que je suis bon a l'attaque mais pas terrible en defense, alors je lui demande de m'apprendre a mieux me defendre.
— Non, rappelle-toi. Il vaut mieux fortifier ses points forts que combler ses points faibles. Je vais t'en- seigner a etre encore plus efficace en attaque, car ainsi tu n'auras plus besoin d'apprendre a te defendre.
Et c'est ce qu'elle fait. Je reflechis de plus en plus vite. Quand je joue, j’ai l'impression que l'espace et le temps se resument a cet echiquier ou se noue un drame. A chaque coup, j'ai l'impression que dans ma tete une souris se hate dans un labyrinthe en explorant tous les chemins possibles pour selectionner au plus vite le meilleur.
Martine apporte une anecdote tiree d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe intitulee
