ouvriers de cette profession qui sont nes a Marseille. Ces derniers ont sollicite et surpris cette requisition, et ceux d’entre vous, messieurs, qui l’ont signee, n’ayant que les intentions les plus pures, etoient loin de prevoir les suites facheuses qu’un pareil ordre de choses pouvait entrainer. Desque les marseillais ont ete certains que la note officielle avait ete presentee aux ci-devant maitres-tonneliers, ils se sont charges de la faire executer avec une rigueur et un appareil bien faits pour intimider les maitres et les ouvriers.
Ils ont ete de fabrique en fabrique expulser ceux qu’ils appellent les etrangers et qui se piquent pourtant d’etre aussi bons francais qu’eux, faire cesser le travail et annoncer aux maitres qu’ils feraient le lendemain une autre tournee pour voir si les ouvriers francais n’etaient pas employes.
Les maitres ont cede a regret; mais autant par deference pour vous, messieurs, que par crainte de se compromettre a une semonce faite de telle maniere qu’elle ne laisse pas la faculte de delibrer. Ils ont ete obliges de congedier des ouvriers paisibles et honnetes, dont ils etaient satisfaits; et ceux-ci se trouvent comme on dit vulgairement sur le pave, sans moyens pour vivre et encore plus pour retourner dans leur pays. Ils se sont presentes a vous, messieurs, et ils ont eu l’honneur de vous faire a ce sujet leurs respectueuses observations. Vous en avez senti la justice, et en les exhortant a la paix vous avez bien voulu leur faire esperer que les maitres tonneliers seraient avises que l’invitation qui leur a ete faite, n’etait pas un ordre rigoureux, qu’ils pouvaient en temperer l’execution, et donner cette preference, sans exclusion des autres ouvriers francais qu’il n’etait pas juste de reduire, a la misere et au desespoir. Mais la publicite donnee a votre recommandation et l’effet qu’elle avait deja produit depuis le 19 de ce mois rendent inefficace le moyen que vous avez bien voulu employer. Les ouvriers de Marseille et les chefs d’atteliers persistent les uns dans leur systeme exclusif, les autres dans une resolution prise a regret mais qui s’allie avec leur circonspection. Le mal est au comble, messieurs, si vous de daignez venir au secours d’une classe d’hommes nombreuse, utile et infortunee qui n’a pas moins de droit que les autres a la protection de la loi, et des magistrats du peuple. Il n’appartient pas aux exposants de vous indiquer les moyens de reparer la surprise: mais s’ils osent hazarder leur idee, iis diront qu’il n’y a qu’une proclamation sage et paternelle, telle que tout ce qui emane de votre vigilante sollicitude, qui rappellent les ouvriers marseillais a l’ordre rassure les maitres et les exposants, ne rappellant a tous que l’union, l’egalite des droits, et une liberte legale sous les bazes de la constitution ainsi que du bonheur public. Daignez leur expliquer, messieurs, que
Considerez que tous les citoyens de l’empire sont libres et egaux en droits, que la loi n’admet d’autres distinctions que celles des talens et des vertus, qu’en effacant des mots de la lanque celui de
Les exposants obeiront a tout ce que vous leur prescrirez, mais les uns doivent aux chefs d’atteliers, les autres a divers fournisseurs, faut il bien qu’ils puissent trouver dans leur travail le moyen de s’acquitter.
Obliges de se rendre chez eux, comment pourraient-ils le faire sans moyens, ni ressource. La situation de l’homme laborieux et affame par le besoin est dechirante, lorsqu’il se voit prive du travail qui seul le fait subsister.
Enfin, messieurs, s’il faut que les exposants s’eloignent de Marseille, daignez venir a leur secours. Ils mettent en vous, messieurs, leur confiance, et leur sort ils attendent vos ordres et ils esperent de votre justice que jamais vos resolutions ne pourront contredire les droits de l’homme et la v?u de la loi.
(Подписи).
III
Архив города Марселя, регистр «Conseil municipal».
«№ 3, 23 fevrier 1792 — 8 fevrier 1793.
Протокол заседания 22 марта 1792 г., стр. 33.
Il a ete fait lecture au conseil d’une petition presentee a la Municipalite par les ouvriers tonneliers, originaires francais, qui travaillent en cette ville et qui n’y sont pas nes. Ils se plaignent d’avoir ete congedies forcement de leurs atteliers sous pretexte qu’ils sont etrangers, et que les chefs d’atteliers ont ete invites officielement a donner la preference aux ouvriers de cette profession nes a Marseille. Ces petitionaires, qui n’ont de ressource que dans leur bras et dans leur industrie, craignent d’etre reduits a perir de faim, si la Municipalite ne leur tend une main secourable.
Le conseil Municipal, touche des plaintes arrachees par l’infortune a des citoyens laborieux.
Considerant que tous les citoyens de l’Empire doivent jouir de la liberte et de l’egalite de droits que la loi leur assure.
Que le droit de travailler et de faire valoir son industrie ne peut etre exclusivement attribue aux ouvriers nes a Marseille, sans violer tous les principes de justice, de liberte et d’egalite solennellement reconnus et proclames par la declaration des droits de l’homme.
Que la revolution ayant fait de tous les francais un peuple de freres, par l’abolition de toutes les distinctions, et de toutes les prerogatives, la confiance doit etre le seul arbitre, et les talons personnels, le seul prix de ces distinctions.
Que si dans certaines circonstances la Municipalite a invite les chefs d’atteliers a preferer les citoyens qui font le service de la garde nationale aux Etrangers, elle a entendu parler des Etrangers du Royaume, et non des citoyens francais.
Jaloux d’adoucir la penible situation ou une foule d’hommes utiles et precieux a la societe se trouvent reduits par l’effet d’une distinction arbitraire et que les nouvelles lois ont fait disparaitre;
Apres avoir oui M-r le Procureur de la Commune, invite les chefs d’atteliers en cette ville, de quelque profession qu’ils soient, a regarder tous les ouvriers francais comme freres et citoyens, ayant les memes droits a leur confiance, et a n’etablir d’autre distinction entre eux que celle que donnent le merite et les talens.
Rappelle a tous les ouvriers Marseillais, quelle que soit leur profession, l’observation des loix et les principes ci-dessus enonces, les invite a ne plus faire revivre, sous le regne de la liberte et de l’egalite, des pretentions injustes et des prerogatives inconciliables avec les principes qui forment la base de la constitution, ainsi que du bonheur public.
Enfin il exhorte les uns et les autres au nom de la Patrie dont ils sont tous enfants, et au nom des loix qui protegent tous les citoyens a l’union a la concorde et a la paix, sans les quelles il ne peut exister de veritable liberte.
Arrete que la presente sera imprimee et affichee aux lieux accoutumes, charge M-r le Procureur de la commune de veiller a son execution.
