blanche ; elle les ecrasait entierement, son troncon superieur nettement decoupe par la limite superieure du champ d’affichage.
— Cette saloperie est plus grosse que tout, dit Tic-Tac avec une certaine satisfaction, et personne ne sait a quoi ou a qui elle appartient.
— Mais quelqu’un doit bien le savoir, observa Kumiko.
— Ca parait logique, oui. Mais les gens dans ma branche, et on est quand meme trois millions, n’ont pas ete fichus de trouver. Par certains cotes, c’est meme plus etrange que la presence de cet objet. J’ai parcouru la trame de bout en bout, avant ton arrivee, a la recherche d’un pirate qui detiendrait un indice. Rien. Que dalle.
— Comment cette 3Jane pourrait-elle etre morte ? (Puis elle se souvint du Finnois, des boites dans le bureau de son pere.) Il faut que je le dise a Sally.
— Rien d’autre a faire qu’attendre, dit-il. Elle telephonera sans doute. En attendant, on pourrait toujours tenter d’acceder a ce petit bijou d’I.A. que t’as la, si ca te dit…
— Oui, dit-elle, merci.
— Esperons simplement que les types des Services speciaux a la solde de Swain ne viendront pas te denicher ici. Malgre tout, nous sommes condamnes a attendre…
— Oui, dit Kumiko, que cette perspective n’enchantait pas du tout.
35. LA GUERRE DE LA FABRIQUE
Cherry le trouva de nouveau avec le Juge, en bas, dans l’obscurite. Il etait assis sur l’un des Enqueteurs, une torche a la main, eclairant la carapace de rouille polie du Juge. Il n’avait aucun souvenir d’etre arrive ici mais decelait la lisiere dechiquetee de la Korsakov. Il se rappela les yeux de la fille, dans cette piece que Bobby avait dite etre situee a Londres.
— Gentry a branche le Comte et son boitier sur une console de cyberspace, dit Cherry. Tu es au courant ?
La Ruse acquiesca, les yeux toujours poses sur le Juge.
— Bobby a dit qu’on avait interet.
— Alors, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-il arrive quand vous vous etes interfaces tous les deux ?
— Gentry et Bobby, ils se sont plus ou moins trouve des atomes crochus. Z’ont tous les deux le meme genre de folie. Une fois interfaces, on s’est d’abord retrouves quelque part en orbite, mais Bobby n’etait pas la… Puis au Mexique, je crois. Qui est Tally Isham ?
— C’etait une reine de la stim du temps ou j’etais petite. Comme Angie Mitchell aujourd’hui.
— Mitchell, c’etait sa poule…
— A qui ?
— A Bobby. Il en parlait a Gentry, a Londres.
— Londres ?
— Ouais. On y est alles aussi, apres le Mexique.
— Et il a dit qu’il etait le pote a Angie Mitchell ? Ca parait dingue.
— Ouais, mais il a explique aussi que c’etait comme ca qu’il etait tombe dessus, sur ce fameux aleph. (Il fit descendre le faisceau de sa torche pour le diriger vers les mandibules d’acier squelettiques du Hache-corps.) En frequentant des rupins, il en a entendu parler. Ils appelaient ce bidule l’envouteur. Ceux qui le detenaient louaient du temps dessus a des types friques. Bobby l’a essaye une fois puis il est revenu pour le piquer. Il l’a emporte au Nouveau-Mexique et c’est la qu’il a commence a passer tout son temps dessus. Mais ils ont fini par le retrouver…
— On dirait que la memoire te revient, en tout cas…
— Alors, il en est ressorti. Il est monte a Cleveland, a passe un marche avec Afrika, en lui donnant de l’argent pour qu’il le cache et s’occupe de lui pendant qu’il etait cable, parce qu’il sentait qu’il etait tout pres…
— Tout pres de quoi ?
— J’sais pas. Un truc bizarre. Comme quand Cherry cause de la Forme.
— Eh bien, fit-elle, je crois que ca risque de le tuer, s’il reste ainsi branche en permanence. Ses parametres vitaux commencent a deconner. Ca fait trop longtemps qu’il est sous perfusion. C’est pour ca que je suis venue…
Les entrailles bardees de crocs d’acier du Hache-corps etincelaient sous l’eclat de la torche.
— C’est ce qu’il veut. En tout cas, s’il a paye le Kid, c’est comme si vous bossiez pour lui. Mais ces types que l’Oiseau a vus aujourd’hui, eux, ils travaillent pour les gens de L.A., ceux a qui Bobby a pique l’aleph…
— Dis-moi un truc…
— Quoi donc ?
— C’est quoi, ces machins que tu construis ? Afrika disait que t’etais ce Blanc fele qui fabriquait des robots en ferraille de recuperation. Y disait qu’en ete tu les sortais dehors pour organiser de grands combats…
— Ce ne sont pas des robots, la coupa-t-il. (Il tourna le faisceau de la lampe vers les bras courts termines par des faux de la Sorciere aux pattes d’araignee.) Pour l’essentiel, ils sont radiocommandes.
— Tu les construis simplement pour les demolir ?
— Non. Mais il faut que je les essaie. Voir si je les ai montes comme il faut… (Il eteignit sa torche.)
— Le Blanc fele… T’as une nana, dans le coin ?
— Non.
— Va prendre une douche. Et puis rase-toi, peut-etre…
Soudain, elle etait tout pres de lui, il sentait son haleine contre son visage.
—
La Ruse avait deja plaque la main sur la bouche de Cherry.
—
Cherry lui mordit la main.
— Merde, laisse-moi respirer quand meme.
Mais deja, il foncait au pas de course dans les tenebres de la Fabrique ; il l’entendit derriere lui prononcer son nom.
Une unique ampoule de cent watts brulait au-dessus de l’entree sud de la Fabrique, deux portes en acier, tordues et grelees de rouille. L’Oiseau devait avoir oublie de l’eteindre. Depuis sa cachette pres d’une fenetre vide, la Ruse pouvait tout juste entrevoir l’aeroglisseur, un peu a l’ecart du faible cone de lumiere. L’homme au porte- voix sortit a pas lents de l’obscurite, avec une nonchalance calculee, censee indiquer qu’il maitrisait la situation. Il portait une combinaison leopard isolante, avec une capuche serree sur la tete et des lunettes. Il leva son megaphone.
Gentry devait observer la scene depuis l’etage, par l’etroite meurtriere en plexiglas encastree dans le mur, au-dessus du portail.
Quelque chose cliqueta dans le noir, sur sa droite. La Ruse se tourna juste a temps pour discerner l’Oiseau dans la faible lumiere a une autre ouverture, peut-etre huit metres plus loin, le long du mur, et voir surtout le tube d’alliage nu du silencieux lorsque le garcon leva son 22 long rifle.
— L’Oiseau ! Non…
Phalene de rubis sur la joue de l’Oiseau, trahissant le faisceau d’un telemetre laser installe quelque part sur la Solitude. Le garcon fut projete a l’interieur du batiment tandis que la detonation transpercait les fenetres beantes pour resonner sur les murs. Le seul bruit qui suivit fut celui du silencieux qui roulait sur le beton.