Elle tendit les deux mains a Erg Noor qui les pressa contre ses joues. Veda fremit et se degagea. Il eut un faible sourire.

— Je voulais remercier ces mains qui ont soigne Niza ... Elle ... Je sais tout, allez ! Il fallait la veiller constamment et vous avez renonce a une expedition interessante. Deux mois ...

— Je n’ai pas renonce, j’ai attendu la Tantra. Il etait desormais trop tard, de toute facon, et puis elle est si adorable, votre Niza ! Nous nous ressemblons physiquement, mais sa passion du ciel et son devouement en font la vraie compagne du vainqueur du Cosmos et des etoiles de fer ...

— Veda !

— Ce n’est pas une plaisanterie ! Il est trop tot pour plaisanter, ne le sentez-vous pas, Erg ? Mettons les choses au point !

— Tout est clair ! Ce n’est pas pour moi que je vous remercie, c’est pour elle ...

— Inutile ! Si vous aviez perdu Niza, j’en aurais souffert ...

— Je comprends, mais ne puis vous croire, car je vous sais incapable d’un calcul pareil. Et je maintiens ma gratitude.

Erg Noor caressa l’epaule de la jeune femme et posa les doigts sur le pli de son coude. Ils suivirent en silence la route deserte, jusqu’a ce qu’Erg Noor reprit l’entretien :

— Qui est-il, le vrai ?

— Dar Veter.

— Tiens ! L’ex-directeur des stations externes !

— Erg Noor, vous prononcez des mots qui ne veulent rien dire. Je ne vous reconnais pas ...

— J’ai sans doute change ... Mais je ne connais Dar Veter que par son travail et je le prenais pour un reveur du Cosmos ...

— C’en est un. Un reveur du monde astral, qui a pourtant su concilier les etoiles avec l’amour de la terre de l’ancien agriculteur. Un homme de science aux grandes mains d’ouvrier.

Erg Noor jeta involontairement un coup d’oeil sur sa main etroite aux longs doigts de mathematicien et de musicien.

— Si vous saviez, Veda, comme j’aime la Terre aujourd’hui !

— Apres le monde des tenebres et le long voyage avec Niza paralysee ? Evidemment ! Mais ...

— Cet amour n’est pas l’essence de ma vie ?

— Non, car vous etes avide d’exploits, comme tout heros. Et cet amour, vous le porterez comme une coupe pleine, dont on craint de repandre une goutte ... sur la Terre, pour l’offrir au Cosmos ... au profit de la Terre !

— Veda, on vous aurait brulee vive aux Siecles Sombres !

— Nous en avons deja parle ... Voici la bifurcation. Ou sont vos chaussures, Erg ?

— Je les ai laissees dans le jardin, en allant au-devant de vous. Il me faut revenir.

— Au revoir, Erg. Ma tache ici est terminee et la votre commence. Ou nous reverrons-nous ? Seulement au depart du nouvel astronef ?

— Non, non ! Niza et moi irons passer trois mois dans une maison de cure polaire. Venez nous y rejoindre avec Dar Veter.

— Quelle maison de cure ? Le C?ur de Pierre de la cote nord de la Siberie ou les Feuilles d’automne de l’Islande ?

— La saison est trop avancee pour sejourner dans le cercle polaire. On nous enverra dans l’hemisphere sud, ou.ce sera bientot l’ete ... L’Aube blanche de la Terre de Graham.

— C’est entendu, Erg. Nous viendrons, si Dar Veter ne s’en va pas tout de suite reconstruire ie satellite 57. Je pense qu’on preparera d’abord les materiaux ...

— Pas mal, votre homme terrestre : c’est presque le maitre du ciel !

— Ne jouez pas au malin ! Ce ciel est bien proche en comparaison des espaces infinis ... qui nous ont separes.

— Vous le regrettez, Veda ?

— A quoi bon le demander ? Chacun de nous est fait de deux moities, dont l’une aspire a la nouveaute, tandis que l’autre regrette le passe et serait heureuse d’y revenir. Vous le savez bien et vous savez aussi que le retour n’est jamais heureux.

— Helas ! le regret demeure ... comme une couronne sur une chere tombe. Veda, mon amie, embrassez- moi !

Elle obeit, repoussa legerement l’astronaute et partit aussitot par la grande route ou circulaient les electrobus. Erg Noor la suivit des yeux jusqu’a ce que le robot conducteur arretat la voiture et la rdbe rouge disparut derriere la portiere translucide.

Veda regardait a travers la glace la silhouette immobile de Noor. Le refrain d’une poesie de l’Ere du Monde Desuni, traduite et recemment mise en musique par Ark Guir, resonnait en elle comme une obsession. Dar Veter lui avait dit un jour, en reponse a un doux reproche :

Ni les anges du ciel ni les esprits de l’abime

Ne seraient capables

De separer mon ame de l’ame seduisante

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