regard pensif et tendre de la jeune fille. Ils se taisaient tous les quatre, comme on fait en general a fia veille d’une longue separation.
— C’est dur de se faire des amis pareils et de les quitter aussitot ! s’ecria soudain Dar Veter.
— Ne pourriez-vous ... commenca Erg Noor.
— Mes vacances sont terminees. Il est temps de monter au ciel ! Grom Orm m’attend.
— Moi aussi, je dois travailler, ajouta Veda. Je vais retourner a mon « enfer », dans une caverne recemment decouverte qui garde des vestiges du Monde Desuni.
— Le
— Junius Ante, mais il ne veut pas quitter ses machines mnemotechniques et le Conseil n’a pas encore valide la candidature d’Emb Ong, ingenieur physicien de la centrale F du Labrador.
— Je ne le connais pas.
— Il n’est guere connu, car il s’occupe de mecanique me-gaondique a l’Academie des Limites du Savoir.
— Qu’est-ce que c’est ?
— De grands rythmes du Cosmos, des ondes geantes qui se propagent a travers l’espace. Elles expriment notamment les contradictions des vitesses de lumiere contraires, qui donnent des valeurs relatives superieures au zero absolu. Mais tout cela n’est pas encore au point ...
— Et Mven Mas ?
— Il ecrit un livre sur les emotions. Son programme aussi est tres charge : l’Academie des Predictions l’a nomme consultant pour le vol de votre
— Dommage. Le sujet est si actuel ! Il est temps de reconnaitre la realite et la force des emotions, intervint Erg Noor.
— Je crains que Mven Mas ne soit incapable d’analyse a froid ! dit Veda.
— C’est ce qu’il faut, sinon il n’ecrira rien de bon, repliqua Dar Veter en se levant pour prendre conge.
Niza et Erg tendirent leurs mains :
— A un de ces jours ! Depechez-vous de terminer votre besogne, ou on ne se reverra plus !
— On se reverra, promit Dar Veter avec assurance. A la rigueur, rendez-vous dans le desert d’El Homra, au depart ...
— Soit ! acquiescerent les astronautes.
— Venez, ange du ciel.
Veda prit le bras de Dar Veter en affectant de ne pas remarquer la ride qui s’etait creusee entre ses sourcils.
— Vous devez en avoir assez de la Terre !
Dar Veter se tenait, les jambes ecartees, sur la base branlante d’une carcasse a peine fixee et regardait le gouffre qui beait dans l’intervalle des nuages. La planete, dont l’enormite se sentait malgre la distance de cinq diametres qui la separait du chantier, presentait les taches grises et violettes de ses continents et de ses mers.
Dar Veter reconnaissait ces contours qu’il avait vus des son enfance sur les cliches pris des satellites. Voici la ligne de la cote, a laquelle aboutissent les raies perpendiculaires des montagnes ... A droite, c’est la mer, et tout en bas s’allonge une etroite vallee. Il a de la chance aujourd’hui : les nuages se sont dissipes au-dessus de la region ou habite Veda. La, au pied des ressauts a pic de ces montagnes gris de fonte, se trouve la caverne ancienne qui descend en larges gradins dans le sein de la Terre. Veda y recueille, parmi les debris muets et poussiereux du passe, les miettes de verite historque sans lesquelles on ne peut comprendre le present ni prevoir l’avenir ...
Dar Veter, penche du haut de la plate-forme en bronze de zirconium gaufre, envoya un salut au point presume, qui s’etait cache sous les cirrus eblouissants survenus de l’ouest. L’obscurite nocturne s’y dressait ainsi qu’une muraille formidable, semee d’etoiles. Les nuages s’avancaient en couches superposees, tels des radeaux immenses. Au-dessous, dans le gouffre crepusculaire, la surface de la Terre roulait vers le mur de tenebres, comme si elle s’en allait a jamais dans le neant. La douce lumiere zodiacale qui aureolait la planete du cote ombreux luisait dans le noir de l’espace cosmique.
Le cote eclaire du globe s’enveloppait d’une nappe de nuages qui reverberait la lumiere intense du soleil gris-bleu. Quiconque les eut regardes sans filtres obscurcissants serait devenu aveugle, de meme que s’il s’etait tourne vers l’astre terrible en se trouvant hors de l’atmosphere terrestre de 800 kilometres d’epaisseur. Les rayons durs, a ondes courtes — ultraviolets et X — se deversaient en un flux meurtrier, aggrave par une averse continue de particules cosmiques. Les etoiles qui s’etaient rallumees ou heurtees dans les lointains inimaginables de la Galaxie envoyaient dans l’espace leurs radiations nocives. Seule, la protection du scaphandre sauvait les travailleurs d’une mort imminente.
Dar Veter lanca de l’autre cote le cable de securite et se dirigea par la poutre d’appui vers le chariot scintillant de la Grande Ourse, On avait assemble un tuyau geant qui tenait toute la longueur du futur satellite. Aux deux extremites, s’elevaient des triangles aigus qui soutenaient d’enormes disques magnetiques. Apres avoir installe les piles qui transformaient en courant electrique les radiations bleues du soleil, on pourrait se debarrasser de l’attache et se deplacer le long des lignes de force magnetiques, avec des plaques de guidage sur la poitrine et dans le dos ...
— Nous voulons travailler la nuit fit soudain la voix du jeune ingenieur Kad Lait. Le commandant de L’Altai a promis de nous eclairer !
Dar Veter regarda en bas a gauche, ou plusieurs fusees de marchandises, reliees en grappe, flottaient comme des poissons endormis. Plus haut, sous Une hotte aplatie qui l’abritait des meteorites et du soleil, planait la