De la vertu, du destin?

Helas! et, sans ton sourire,

Que ferai-je du matin?

Que ferai-je, seul, farouche,

Sans toi, du jour et des cieux,

De mes baisers sans ta bouche,

Et de mes pleurs sans tes yeux!

Aout 18…

XXVI. Crepuscule

L’etang mysterieux, suaire aux blanches moires,

Frissonne; au fond du bois, la clairiere apparait;

Les arbres sont profonds et les branches sont noires;

Avez-vous vu Venus a travers la foret?

Avez-vous vu Venus au sommet des collines?

Vous qui passez dans l’ombre, etes-vous des amants?

Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines;

L’herbe s’eveille et parle aux sepulcres dormants.

Que dit-il, le brin d’herbe? et que repond la tombe?

Aimez, vous qui vivez! on a froid sous les ifs.

Levre, cherche la bouche! aimez-vous! la nuit tombe;

Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.

Dieu veut qu’on ait aime. Vivez! faites envie,

O couples qui passez sous le vert coudrier.

Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,

On emporta d’amour, on l’emploie a prier.

Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.

Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.

Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,

Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.

La forme d’un toit noir dessine une chaumiere;

On entend dans les pres le pas lourd du faucheur;

L’etoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumiere,

Ouvre et fait rayonner sa splendide fraicheur.

Aimez-vous! c’est le mois ou les fraises sont mures.

L’ange du soir reveur, qui flotte dans les vents,

Mele, en les emportant sur ses ailes obscures,

Les prieres des morts aux baisers des vivants.

Chelles, aout 18…

XXVII. La nichee sous le portail

Oui, va prier a l’eglise,

Va; mais regarde en passant,

Sous la vieille voute grise,

Ce petit nid innocent.

Aux grands temples ou l’on prie,

Le martinet, frais et pur,

Suspend la maconnerie

Qui contient le plus d’azur.

La couvee est dans la mousse

Du portail qui s’attendrit;

Elle sent la chaleur douce

Des ailes de Jesus-Christ.

L’eglise, ou l’ombre flamboie,

Vibre, emue a ce doux bruit;

Les oiseaux sont pleins de joie,

La pierre est pleine de nuit.

Les saints, graves personnages

Sous les porches palpitants,

Aiment ces doux voisinages

Du baiser et du printemps.

Les vierges et les prophetes

Se penchent dans l’apre tour,

Sur ces ruches d’oiseaux faites

Pour le divin miel amour.

L’oiseau se perche sur l’ange;

L’apotre rit sous l’arceau.

«Bonjour, saint!» dit la mesange.

Le saint dit: «Bonjour, oiseau!»

Les cathedrales sont belles

Et hautes sous le ciel bleu;

Mais le nid des hirondelles

Est l’edifice de Dieu.

Lagny, juin 18…

XXVIII. Un soir que je regardais le ciel

Elle me dit, un soir, en souriant:

– Ami, pourquoi contemplez-vous sans cesse

Le jour qui fuit, ou l’ombre qui s’abaisse,

Ou l’astre d’or qui monte a l’orient?

Que font vos yeux la-haut? je les reclame.

Quittez le ciel; regardez dans mon ame!

Dans ce ciel vaste, ombre ou vous vous plaisez,

Ou vos regards demesures vont lire,

Qu’apprendrez-vous qui vaille mon sourire?

Qu’apprendras-tu qui vaille nos baisers?

Oh! de mon c?ur leve les chastes voiles.

Si tu savais comme il est plein d’etoiles!

Que de soleils! vois-tu, quand nous aimons,

Tout est en nous un radieux spectacle.

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