Vos lois portent la nuit sur leurs ailes funebres.

Je suis fils du soleil, soyez fils des tenebres.

Allez-vous-en! laissez l’arbre dans ses deserts.

A vos plaisirs, aux jeux, aux festins, aux concerts,

Accouplez l’echafaud et le supplice: faites.

Soit. Vivez et tuez. Tuez, entre deux fetes,

Le malheureux, charge de fautes et de maux;

Moi, je ne mele pas de spectre a mes rameaux!

Janvier 1843.

XXX. Magnitudo parvi

I

Le jour mourait; j’etais pres des mers, sur la greve.

Je tenais par la main ma fille, enfant qui reve,

Jeune esprit qui se tait!

La terre, s’inclinant comme un vaisseau qui sombre,

En tournant dans l’espace allait plongeant dans l’ombre;

La pale nuit montait.

La pale nuit levait son front dans les nuees;

Les choses s’effacaient, blemes, diminuees,

Sans forme et sans couleur;

Quand il monte de l’ombre, il tombe de la cendre;

On sentait a la fois la tristesse descendre

Et monter la douleur.

Ceux dont les yeux pensifs contemplent la nature

Voyaient l’urne d’en haut, vague rondeur obscure,

Se pencher dans les cieux,

Et verser sur les monts, sur les campagnes blondes,

Et sur les flots confus pleins de rumeurs profondes,

Le soir silencieux!

Les nuages rampaient le long des promontoires;

Mon ame, ou se melaient ces ombres et ces gloires,

Sentait confusement

De tout cet ocean, de toute cette terre,

Sortir sous l’?il de Dieu je ne sais quoi d’austere,

D’auguste et de charmant!

J’avais a mes cotes ma fille bien-aimee.

La nuit se repandait ainsi qu’une fumee.

Reveur, o Jehovah,

Je regardais en moi, les paupieres baissees,

Cette ombre qui se fait aussi dans nos pensees

Quand ton soleil s’en va!

Soudain l’enfant benie, ange au regard de femme,

Dont je tenais la main et qui tenait mon ame,

Me parla, douce voix!

Et, me montrant l’eau sombre et la rive apre et brune,

Et deux points lumineux qui tremblaient sur la dune:

– Pere, dit-elle, vois,

Vois donc, la-bas, ou l’ombre aux flancs des coteaux rampe,

Ces feux jumeaux briller comme une double lampe

Qui remuerait au vent!

Quels sont ces deux foyers qu’au loin la brume voile?

– L’un est un feu de patre et l’autre est une etoile;

Deux mondes, mon enfant!

II

Deux mondes! – l’un est dans l’espace,

Dans les tenebres de l’azur,

Dans l’etendue ou tout s’efface,

Radieux gouffre! abime obscur!

Enfant, comme deux hirondelles,

Oh! si tous deux, ames fideles,

Nous pouvions fuir a tire-d’ailes,

Et plonger dans cette epaisseur

D’ou la creation decoule,

Ou flotte, vit, meurt, brille et roule

L’astre imperceptible a la foule,

Incommensurable au penseur;

Si nous pouvions franchir ces solitudes mornes,

Si nous pouvions passer les bleus septentrions,

Si nous pouvions atteindre au fond des cieux sans bornes

Jusqu’a ce qu’a la fin, eperdus, nous voyions,

Comme un navire en mer croit, monte, et semble eclore,

Cette petite etoile, atome de phosphore,

Devenir par degres un monstre de rayons;

S’il nous etait donne de faire

Ce voyage demesure,

Et de voler, de sphere en sphere,

A ce grand soleil ignore;

Si, par un archange qui l’aime,

L’homme aveugle, fremissant, bleme,

Dans les profondeurs du probleme,

Vivant, pouvait etre introduit;

Si nous pouvions fuir notre centre,

Et, forcant l’ombre ou Dieu seul entre,

Aller voir de pres dans leur antre

Ces enormites de la nuit;

Ce qui t’apparaitrait te ferait trembler, ange!

Rien, pas de vision, pas de songe insense,

Qui ne fut depasse par ce spectacle etrange,

Monde informe, et d’un tel mystere compose,

Que son rayon fondrait nos chairs, cire vivante,

Et qu’il ne resterait de nous dans l’epouvante

Qu’un regard ebloui sous un front herisse!

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