Vous etes l’harmonie et la musique meme!

Vous etes les soupirs qui font le chant supreme!

Pour notre ame, les jours, la vie et les saisons,

Les songes de nos c?urs, les plis des horizons,

L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,

Flottent dans un reseau de vagues melodies;

Une voix dans les champs nous parle, une autre voix

Dit a l’homme autre chose et chante dans les bois.

Par moment, un troupeau bele, une cloche tinte.

Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,

De toutes parts on voit danser et resplendir,

Dans le ciel etoile du zenith au nadir,

Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,

Le groupe eblouissant des notes inegales.

Toujours avec notre ame un doux bruit s’accoupla;

La nature nous dit: Chante! et c’est pour cela

Qu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierre

Un patre sur sa flute abaissant sa paupiere.

Juin 1833.

XXII .

La clarte du dehors ne distrait pas mon ame.

La plaine chante et rit comme une jeune femme;

Le nid palpite dans les houx;

Partout la gaite luit dans les bouches ouvertes;

Mai, couche dans la mousse au fond des grottes vertes,

Fait aux amoureux les yeux doux.

Dans les champs de luzerne et dans les champs de feves,

Les vagues papillons errent pareils aux reves;

Le ble vert sort des sillons bruns;

Et les abeilles d’or courent a la pervenche,

Au thym, au liseron, qui tend son urne blanche

A ces buveuses de parfums.

La nue etale au ciel ses pourpres et ses cuivres;

Les arbres, tout gonfles de printemps, semblent ivres;

Les branches, dans leurs doux ebats,

Se jettent les oiseaux du bout de leurs raquettes;

Le bourdon galonne fait aux roses coquettes

Des propositions tout bas.

Moi, je laisse voler les senteurs et les baumes,

Je laisse chuchoter les fleurs, ces doux fantomes,

Et l’aube dire: Vous vivrez!

Je regarde en moi-meme, et, seul, oubliant l’heure,

L’?il plein des visions de l’ombre interieure,

Je songe aux morts, ces delivres!

Encore un peu de temps, encore, o mer superbe,

Quelques reflux; j’aurai ma tombe aussi dans l’herbe,

Blanche au milieu du frais gazon,

A l’ombre de quelque arbre ou le lierre s’attache;

On y lira: – Passant, cette pierre te cache

La ruine d’une prison.

Ingouville, mai 1843.

XXIII. Le revenant

Meres en deuil, vos cris la-haut sont entendus.

Dieu, qui tient dans sa main tous les oiseaux perdus,

Parfois au meme nid rend la meme colombe.

O meres, le berceau communique a la tombe.

L’eternite contient plus d’un divin secret.

La mere dont je vais vous parler demeurait

A Blois; je l’ai connue en un temps plus prospere;

Et sa maison touchait a celle de mon pere.

Elle avait tous les biens que Dieu donne ou permet.

On l’avait mariee a l’homme qu’elle aimait.

Elle eut un fils; ce fut une ineffable joie.

Ce premier-ne couchait dans un berceau de soie;

Sa mere l’allaitait; il faisait un doux bruit

A cote du chevet nuptial; et, la nuit,

La mere ouvrait son ame aux chimeres sans nombre,

Pauvre mere, et ses yeux resplendissaient dans l’ombre,

Quand, sans souffle, sans voix, renoncant au sommeil,

Penchee, elle ecoutait dormir l’enfant vermeil.

Des l’aube, elle chantait, ravie et toute fiere.

Elle se renversait sur sa chaise en arriere,

Son fichu laissant voir son sein gonfle de lait,

Et souriait au faible enfant, et l’appelait

Ange, tresor, amour; et mille folles choses.

Oh! comme elle baisait ces beaux petits pieds roses!

Comme elle leur parlait! l’enfant, charmant et nu,

Riait, et, par ses mains sous les bras soutenu,

Joyeux, de ses genoux montait jusqu’a sa bouche.

Tremblant comme le daim qu’une feuille effarouche,

Il grandit. Pour l’enfant, grandir, c’est chanceler.

Il se mit a marcher, il se mit a parler,

Il eut trois ans; doux age, ou deja la parole,

Comme le jeune oiseau, bat de l’aile et s’envole.

Et la mere disait: «Mon fils!» et reprenait:

«Voyez comme il est grand! il apprend; il connait

Ses lettres. C’est un diable! Il veut que je l’habille

En homme; il ne veut plus de ses robes de fille;

C’est deja tres mechant, ces petits hommes-la!

C’est egal, il lit bien; il ira loin; il a

De l’esprit; je lui fais epeler l’Evangile.» -

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