Aujourd’hui, l’on ne sait plus meme

Qui monta le plus de degres

Des Zoroastres au front bleme

Ou des Abrahams effares.

Et, quand nos yeux, qui les admirent,

Veulent mesurer leur chemin,

Et savoir quels sont ceux qui mirent

Le plus de jour dans l’?il humain,

Du noir passe percant les voiles,

Notre esprit flotte sans repos

Entre tous ces compteurs d’etoiles

Et tous ces compteurs de troupeaux.

*

Dans nos temps, ou l’aube enfin dore

Les bords du terrestre ravin,

Le reve humain s’approche encore

Plus pres de l’ideal divin.

L’homme que la brume enveloppe,

Dans le ciel que Jesus ouvrit,

Comme a travers un telescope

Regarde a travers son esprit.

L’ame humaine, apres le Calvaire,

A plus d’ampleur et de rayon;

Le grossissement de ce verre

Grandit encor la vision.

La solitude venerable

Mene aujourd’hui l’homme sacre

Plus avant dans l’impenetrable,

Plus loin dans le demesure.

Oui, si dans l’homme, que le nombre

Et le temps trompent tour a tour,

La foule degorge de l’ombre,

La solitude fait le jour.

Le desert au ciel nous convie.

O seuil de l’azur! l’homme seul,

Vivant qui voit hors de la vie,

Leve d’avance son linceul.

Il parle aux voix que Dieu fit taire,

Melant sur son front pastoral

Aux lueurs troubles de la terre

Le serein rayon sepulcral.

Dans le desert, l’esprit qui pense

Subit par degres sous les cieux

La dilatation immense

De l’infini mysterieux.

Il plonge au fond. Calme, il savoure

Le reel, le vrai, l’element.

Toute la grandeur qui l’entoure

Le penetre confusement.

Sans qu’il s’en doute, il va, se dompte,

Marche, et, grandissant en raison,

Croit comme l’herbe aux champs, et monte

Comme l’aurore a l’horizon.

Il voit, il adore, il s’effare;

Il entend le clairon du ciel,

Et l’universelle fanfare

Dans le silence universel.

Avec ses fleurs au pur calice,

Avec sa mer pleine de deuil,

Qui donne un baiser de complice

A l’apre bouche de l’ecueil,

Avec sa plaine, vaste bible,

Son mont noir, son brouillard fuyant,

Regards du visage invisible,

Syllabes du mot flamboyant;

Avec sa paix, avec son trouble,

Son bois voile, son rocher nu,

Avec son echo qui redouble

Toutes les voix de l’inconnu,

La solitude eclaire, enflamme,

Attire l’homme aux grands aimants,

Et lentement compose une ame

De tous les eblouissements!

L’homme en son sein palpite et vibre,

Ouvrant son aile, ouvrant ses yeux,

Etrange oiseau d’autant plus libre

Que le mystere le tient mieux.

Il sent croitre en lui, d’heure en heure,

L’humble foi, l’amour recueilli,

Et la memoire anterieure

Qui le remplit d’un vaste oubli.

Il a des soifs inassouvies;

Dans son passe vertigineux,

Il sent revivre d’autres vies;

De son ame il compte les n?uds.

Il cherche au fond des sombres domes

Sous quelles formes il a lui;

Il entend ses propres fantomes

Qui lui parlent derriere lui.

Il sent que l’humaine aventure

N’est rien qu’une apparition;

Il se dit: – Chaque creature

Est toute la creation.

Il se dit: – Mourir, c’est connaitre;

Nous cherchons l’issue a tatons.

J’etais, je suis, et je dois etre.

L’ombre est une echelle. Montons. -

Вы читаете Les Contemplations
Добавить отзыв
ВСЕ ОТЗЫВЫ О КНИГЕ В ИЗБРАННОЕ

0

Вы можете отметить интересные вам фрагменты текста, которые будут доступны по уникальной ссылке в адресной строке браузера.

Отметить Добавить цитату