Vetu de flamboiements!

Il ne se doute pas de cette grandeur sombre:

Assis pres de son feu que la broussaille encombre,

Devant l’etre beant,

Humble, il pense; et, chetif, sans orgueil, sans envie,

Il se courbe, et sent mieux, pres du gouffre de vie,

Son gouffre de neant.

Quand il sort de son reve, il revoit la nature.

Il parle a la nuee, errant a l’aventure,

Dans l’azur emigrant;

Il dit: «Que ton encens est chaste, o clematite!»

Il dit au doux oiseau: «Que ton aile est petite,

«Mais que ton vol est grand!»

Le soir, quand il voit l’homme aller vers les villages,

Glaneuses, bucherons qui trainent des feuillages,

Et les pauvres chevaux

Que le laboureur bat et fouette avec colere,

Sans songer que le vent va le rendre a son frere

Le marin sur les flots;

Quand il voit les forcats passer, portant leur charge,

Les soldats, les pecheurs pris par la nuit, au large,

Et hatant leur retour,

Il leur envoie a tous, du haut du mont nocturne,

La benediction qu’il a puisee a l’urne

De l’insondable amour!

Et, tandis qu’il est la, vivant sur sa colline,

Content, se prosternant dans tout ce qui s’incline,

Doux reveur bienfaisant,

Emplissant le vallon, le champ, le toit de mousse,

Et l’herbe et le rocher de la majeste douce

De son c?ur innocent,

S’il passe par hasard, pres de sa paix feconde,

Un de ces grands esprits en butte aux flots du monde

Revolte devant eux,

Qui craignent a la fois, sur ces vagues funebres,

La terre de granit et le ciel de tenebres,

L’homme ingrat, Dieu douteux;

Peut-etre, a son insu, que ce pasteur paisible,

Et dont l’obscurite rend la lueur visible,

Homme heureux sans effort,

Entrevu par cette ame en proie au choc de l’onde,

Va lui jeter soudain quelque clarte profonde

Qui lui montre le port!

Ainsi ce feu peut-etre, aux flancs du rocher sombre,

La-bas est apercu par quelque nef qui sombre

Entre le ciel et l’eau;

Humble, il la guide au loin de son reflet rougeatre,

Et du meme rayon dont il rechauffe un patre,

Il sauve un grand vaisseau!

IV

Et je repris, montrant a l’enfant adoree

L’obscur feu du pasteur et l’etoile sacree:

De ces deux feux, percant le soir qui s’assombrit,

L’un revele un soleil, l’autre annonce un esprit.

C’est l’infini que notre ?il sonde;

Mesurons tout a Dieu, qui seul cree et concoit!

C’est l’astre qui le prouve et l’esprit qui le voit;

Une ame est plus grande qu’un monde.

Enfant, ce feu de patre a cette ame mele,

Et cet astre, splendeur du plafond constelle

Que l’eclair et la foudre gardent,

Ces deux phares du gouffre ou l’etre flotte et fuit,

Ces deux clartes du deuil, ces deux yeux de la nuit,

Dans l’immensite se regardent.

Ils se connaissent; l’astre envoie au feu des bois

Toute l’enormite de l’abime a la fois,

Les baisers de l’azur superbe,

Et l’eblouissement des visions d’Endor;

Et le doux feu de patre envoie a l’astre d’or

Le fremissement du brin d’herbe.

Le feu de patre dit: – La mere pleure, helas!

L’enfant a froid, le pere a faim, l’aieul est las;

Tout est noir; la montee est rude;

Le pas tremble, eclaire par un tremblant flambeau;

L’homme au berceau chancelle et trebuche au tombeau.

L’etoile repond: – Certitude!

De chacun d’eux s’envole un rayon fraternel,

L’un plein d’humanite, l’autre rempli de ciel;

Dieu les prend, et joint leur lumiere,

Et sa main, sous qui l’ame, aigle de flamme, eclot,

Fait du rayon d’en bas et du rayon d’en haut

Les deux ailes de la priere.

Ingouville, aout 1839.

TOME II. AUJOURD’HUI 1843-1856

LIVRE QUATRIEME. PAUCA ME?

I .

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