— Rob, dit-il. Regarde les choses en face. Au-dessus de la Vague il y a une barriere de plasma de cent kilometres. Tu ne pourras pas sauter pardessus.

Robert le regarda, ebahi.

— Ca fait longtemps qu’il est mort, dit Patrick. La premiere fois, tu as pu te tromper, mais maintenant la Vague est passee par la.

— De quoi parles-tu ? demanda Robert. Je ne pense pas sauter par-dessus la Vague, maudite soit-elle. J’ai une affaire plus importante a regler. Adieu. Dis a Malaiev que je ne reviendrai pas. Adieu, Patrick.

— Adieu.

— Tu ne m’as toujours pas dit si tu t’en sortiras avec le pterocar.

— Je m’en sortirai, dit tristement Patrick. Je connais bien les pterocars. Rob, toi alors !

Robert tira violemment la manette de direction vers lui et quand, cinq minutes plus tard, il se retourna, la station d’energie etait deja cachee derriere l’horizon. Il y avait deux heures de vol jusqu’a L’Enfance. Robert verifia le carburant, ecouta le moteur, le regla a son regime le plus economique et brancha le cyberpilote. Puis, de nouveau il tenta d’appeler L’Enfance. L’Enfance se taisait. Robert faillit debrancher la radio, mais reflechit et la mit sur la modulation de frequence.

—  … de sa dix-septieme annee, Asmodei Barro a trouve pendant l’excursion des organismes fossiles rappelant des oursins. Le lieu de la trouvaille est assez eloigne de la cote  …

—  … conference chez le directeur. De droles de rumeurs circulent ici. On dit que la Vague a atteint Greenfield. Ne ferais pas mieux de regagner la base ? Je crois que pour l’instant on n’en est pas aux ulmotrons.

—  … ne reussirons pas a la monter nous-memes. Nous n’avons pas d’Othello. A parler franc, l’idee de monter Shakespeare me parait absurde. Je ne pense pas que nous soyons capables d’une interpretation nouvelle, et attendre que  …

—  …Vitia, tum’entends bien ? Vitia, une nouvellefantastique !Boullita decode ce gene.Prends du papier et inscrit. Six  … Onze  … Je dis onze  …

— Arc-en-ciel, Arc-en-ciel, votre attention s’il vous plait ! A tous les responsables des groupes de prospection. Commencez l’evacuation. Veillez surtout a ce que tous les appareils de transport aeriens de classe superieure a la « meduse » regagnent la Capitale.

—  …un petitcottagebleu, juste sur lerivage.

L’airiciest tresfrais, lesoleil magnifique.Je n’ai jamais aime la Capitale et je n’ai jamais compris pourquoi on l’a construite sur l’equateur. Comment ? Mais bien sur que c’est terriblement etouffant  …

—  … Sawyer ! Sawyer ! Ici Kaneko. Change immediatement de cap. On a deja retrouve les peintres. Va au sud. Cherche le troisieme helicoptere. Le troisieme helicoptere n’est pas rentre  …

— Experimentateurs, votre attention, s’il vous plait ! Aujourd’hui a quatorze heures, sera effectue, hors programme, le lancement-zero d’un homme vers la Terre. Vous demandons d’etre a l’Institut pas plus tard qu’a treize heures  …

—  … Je ne comprends rien. Je n’arrive pas a joindre le directeur. Tous les canaux sont pris. Tu ne sais pas ce qui se passe ?

— Adolphe ! Adolphe ! Reponds-moi, je t’en supplie ! Je t’en supplie, reviens immediatement ! Il y a encore une chance de monter dans le vaisseau ! (La voix commenca a disparaitre, mais Robert immobilisa le curseur.) Une catastrophe epouvantable ! Je ne sais pas pourquoi on n’annonce rien, mais on m’a dit que l’Arc-en-ciel etait condamne ! Reviens immediatement ! Je veux etre avec toi maintenant  …

Robert relacha le curseur.

—  … comme toujours. Chez Vesselovski. Non, Sinitza lit de nouveaux poemes. A mon avis, interessants. Je crois qu’ils devraient te plaire. Non, bien sur, ce n’est pas un chef-d’?uvre, cependant  …

—  … Mais pourquoi, je comprends parfaitement. Seulement, juge toi-meme : le Tariel 2 est un vaisseau de commando. Tu as essaye de voir approximativement combien de personnes il peut prendre ? Non, moi, je reste ici. Vera aussi a decide de rester. Quelle importance ou  …

— Trappeurs ! Trappeurs ! Lieu de rassemblement, la Capitale. Tous a la Capitale ! Prenez les « taupes », on va creuser des abris. Qui sait, on aura peut-etre le temps  …

—  … Vous dites le Tariel ? Je connais, bien entendu, c’est Gorbovski. Oui, malheureusement sa capacite de chargement n’est pas grande. Eh bien  … voila en gros la liste que je propose. Pour les discontinuistes, Pagava ; pour les vaguistes, Aristote, peut-etre Malaiev ; pour les barrieristes, j’aurais conseille Forster  … Qu’est-ce que ca fait qu’il soit vieux ? C’est un grand homme ! Vous, mon cher, vous avez quarante ans, et je vois que vous vous imaginez mal la psychologie d’un vieillard. Il ne lui reste en tout et pour tout que cinq ou dix ans a vivre et meme de ca, on le prive  …

— Gaba ! Gaba ! Tu es au courant pour le lancement-zero ? Comment ? Occupe ? Quel homme etrange  … Je pars pour l’Institut. Mais pourquoi je suis fou ? Mais je le sais tout ca, je le sais. Maintenant justement ! Et si jamais ca marchait ? Bon, adieu.

— De nouveau les physiciens ont fait exploser quelque chose au pole nord. U faudrait y faire un saut, mais il vient d’arriver je ne sais quel helicoptere et on est tous invites a la Capitale. Ah ! vous aussi ? Bizarre !.. Bon, on se voit la-bas.

Robert coupa la radio. Le Tariel 2 est un vaisseau de commando  … Debranchant le cyberpilote, il reprit les commandes et poussa le moteur. En bas, il n’y avait plus de ble ; la zone de forets tropicales commencait. Dans les broussailles jaunes et vertes, on ne pouvait rien distinguer, mais Robert savait que la, dans l’ombre des arbres gigantesques, passaient des routes droites, et que, probablement, sur ces routes filaient deja vers l’ouest des vehicules charges de refugies. Quelques lourds helicopteres-cargos se profilerent au sud-ouest, tout pres de l’horizon. Us disparurent de son champ de vision et Robert resta de nouveau seul. Il sortit le radiophone et composa le numero de Patrick. Patrick mit du temps a repondre. Enfin, sa voix retentit :

— Oui ?

— Patrick, c’est moi, Skliarov. Patrick, quoi de neuf sur la Vague ?

— Toujours la meme chose, Rob. La cote Pouchkine est inondee. Aodzora a brule. Maintenant, c’est le village des Pecheurs qui brule. Quelques « charybdes » en ont rechappe, on est en train de les faire remorquer vers la Capitale. Ou est-tu ?

— Ca n’a pas d’importance, dit Robert. A quelle distance de L’Enfance se trouve la Vague ?

— De L’Enfance ? Pourquoi de L’Enfance ? Elle en est loin. Ecoute, Rob, si tu t’en sors, va immediatement a la Capitale. Nous y serons tous dans une demi-heure. (Soudain, il emit un petit rire.) On a essaye de faire monter Malaiev dans le vaisseau. C’est dommage que tu n’aies pas vu ca. Il a casse le nez de Hassan. Pagava, lui, s’est planque quelque part.

— Et toi, on n’a pas essaye de te faire monter a bord ?

— Pourquoi me dire cela, Rob ?

— Bon, pardonne-moi. Donc, la Vague est loin de L’Enfance ?

— Dire qu’elle est tres loin  … Une heure ou une heure et demie  …

— Merci, Patrick. Au revoir.

De nouveau, Robert essaya de joindre Tania, cette fois-ci par radiophone. U attendit cinq minutes. Tania ne repondait pas  …

L’Enfance etait vide. Le silence pesait sur les chambres de verre, les jardins, les cottages barioles. Ici, il n’y avait pas ce desordre effroyable que laisserent a Greenfield les zeroistes apres leur depart. Les sentiers de sable etaient soigneusement balayes, les pupitres dans le parc alignes comme d’habitude, les lits impeccablement faits. Seule, sur le sentier devant le petit cottage de Tania, trainait une poupee oubliee. A cote de la poupee etait assis un kaliam apprivoise, aux yeux immenses et au pelage soyeux. Il reniflait la poupee avec application, lancant sur Robert des regards emplis d’une curiosite bienveillante.

Robert entra chez Tania. Comme toujours, la piece etait propre, claire et fleurait bon. Sur la table il y avait un cahier ouvert ; une grande serviette en eponge pendait sur le dossier de la chaise. Robert la toucha, elle etait encore humide.

Robert resta quelque temps pres de la table, puis jeta un regard distrait sur le cahier. Il lut a deux reprises son prenom avant que cela atteigne sa conscience. Son prenom etait ecrit en grosses lettres d’imprimerie.

ROBY ! Nous avons ete precipitamment evacues vers la Capitale. Cherche-moi la-bas. Trouve-moi sans faute ! On ne nous a encore rien dit, mais il me semble que quelque chose d’epouvantable se prepare. J’ai besoin de

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