7
— Tu veux une cigarette, Frank ? demanda Lisa.
Il accepta d’un hochement de tete et allongea ses pieds sur le bureau.
— Ou font-ils basculer la voiture ? questionna-t-il.
— T’inquiete pas, s’empressa Paulo, ca se passe dans un endroit etudie pour. Ca fait huit jours qu’on l’avait repere. D’ici qu’on la repeche, de l’eau aura coule sous le pont !
Il rit. Mais sa joie etait factice et ne trouva pas d’echo. Lisa alluma une cigarette et la glissa entre les levres de Frank. Gessler lisait l’amour de la jeune femme pour l’evade dans ses moindres gestes.
— Ils s’y sont pris comment ? poursuivit Frank. Dans mon carrosse, je ne me suis rendu compte de rien.
Ce fut Gessler qui donna les explications. Il avait besoin de sortir de sa louche torpeur. Il devait reagir, lutter…
— Le fourgon cellulaire devait emprunter l’Elbtunnel. Un ascenseur descend les vehicules.
— En effet, j’ai senti.
— Deux faux motards sont entres en meme temps que le fourgon dans l’ascenseur.
— Dont Freddy, precisa Paulo avec orgueil, comme si l’exploit de son ami l’aureolait d’un prestige delicat.
— Pendant la remontee, continua Gessler, ils ont neutralise le chauffeur et le garde qui l’escortait.
— Ni vu ni connu, exulta Paulo. Si ca se trouve, il s’ecoulera plusieurs heures avant que l’alarme soit donnee.
Frank appreciait la simplicite et l’efficacite du plan. C’etait du beau travail.
— Et la suite du programme ? demanda-t-il.
Il s’etait adresse a Gessler.
— A sept heures et demie, un cargo va remonter le fleuve a destination du Danemark ; vous embarquerez tous.
Lisa ouvrit la valise.
— Il y a la un uniforme a ta taille et de faux papiers.
Frank regarda les hardes d’un ?il pensif.
— Et s’il y avait du petard dans le secteur au moment de l’embarquement ? demanda-t-il.
— Prevu aussi ! assura fierement Paulo.
— Oui, dit Lisa ; nous nous entasserions dans une immense caisse qui nous attend sur le quai d’embarquement de cet entrepot.
Paulo montra Walter d’un hochement de tete.
— Lui et son copain, ils nous chargeront tous les quatre a bord du barlu avec une grue ; c’est plaisant, non ?
Jusque-la, Frank n’avait accorde que peu d’attention a Walter.
— Qui sont ces types ? questionna-t-il.
— Des specialistes. Et crois-moi, ils en connaissent un brin sur la question. Avec eux on ne bavarde pas : on agit ; d’ailleurs tu as pu t’en rendre compte.
— Et ou les avez-vous deniches, ces specialistes ? insista Frank.
— C’est M. Gessler qui nous les a procures, expliqua Lisa.
Frank adressa une petite courbette a son avocat.
— Eh bien, maitre, plaisanta le garcon, vous avez de curieuses relations.
— C’est mon metier qui le veut, riposta Gessler. J’ai defendu un roi de la pegre dernierement. C’est a lui que j’ai adresse Lisa.
Frank tressaillit en entendant Gessler employer le prenom de Lisa. Il les regarda alternativement en sifflotant entre ses dents, puis lacha tout de go :
— Merci, maitre.
Il ajouta avec un sourire tout en dents :
— Vous cachez bien votre jeu !
— C’est son metier de donner le change, fit Paulo.
— Vous paraissiez plus severe encore que mes geoliers, affirma Frank sans lacher Gessler des yeux. J’etais loin de me douter que vous me feriez evader.
— J’etais loin de m’en douter aussi, riposta durement l’avocat.