levres.

— A quoi bon ? Le but de ce pelerinage nous est deja inaccessible.

Un murmure s’eleva.

— Expliquez-vous, demanda le pere Hoyt.

Le consul jeta le bout de papier dans un coin.

— Pour que le gritche accorde un v?u a des pelerins, leur groupe doit former un nombre premier. Nous etions sept, mais la… disparition de Masteen nous reduit a six. Nous allons a la mort sans le moindre espoir que notre v?u soit exauce.

— Simple superstition, fit Lamia.

Le consul soupira et se massa le front.

— Je sais. Mais c’etait notre dernier espoir.

Le pere Hoyt designa le bebe endormi.

— Est-ce que Rachel ne pourrait pas faire la septieme ?

Sol Weintraub se lissa la barbe.

— Non. Un pelerin doit se presenter devant les Tombeaux de son propre chef.

— Mais c’est bien ce qu’elle a fait dans le passe, dit Hoyt. Est-ce que cela ne suffit pas a la rendre qualifiee ?

— Non, retorqua le consul.

Martin Silenus etait en train d’ecrire quelques mots sur un bloc-notes. Il se leva pour faire les cent pas.

— Bon Dieu ! Dites-moi un peu de quoi nous avons l’air ! Nous ne sommes pas six putains de pelerins, nous sommes toute une armee ! Hoyt avec son cruciforme renfermant le fantome du pere Dure. Notre erg « semi- sentient » dans sa caisse la-bas. Le colonel Kassad avec sa Moneta qui lui hante le souvenir. H. Brawne ici presente, qui, a en croire son recit, porterait non seulement un enfant mais un poete romantique mort depuis une eternite. Notre erudit, avec son bebe qui rajeunit chaque jour. Le consul avec ses mysterieux foutus bagages. Et meme moi avec ma muse. Tout ca pour accomplir un pelerinage insense. Et nous n’avons meme pas eu droit a un tarif de groupe !

— Asseyez-vous et taisez-vous, fit Lamia d’une voix depourvue de toute intonation.

— Non, il a raison, declara le pere Hoyt. Meme la presence du pere Dure dans le cruciforme doit affecter d’une maniere ou d’une autre cette superstition du nombre premier. A mon avis, si nous prenons la route demain matin avec la conviction que…

— Regardez ! s’ecria Brawne Lamia en designant la porte-fenetre du balcon ou le crepuscule etait troue par de puissants eclairs.

Le groupe s’avanca dans la brise fraiche du soir. Il fallait se proteger les yeux devant les successions d’explosions silencieuses qui ebranlaient le ciel. Les eclairs de fusion d’un blanc bleute formaient des ondes visibles comme sur une mare de lapis-lazuli. Des implosions de plasma, plus petites et plus intenses, dans le bleu, le jaune et le rouge vif, se retractaient comme des corolles de fleurs en train de se replier pour affronter la nuit. Les claps formaient un ballet de lumieres geantes. Des faisceaux du diametre d’une petite planete decoupaient leurs rubans sur des annees-lumiere, deformes au passage par les vagues de fond des singularites defensives. Les aurores boreales des champs de defense se dechiraient et mouraient sous l’assaut d’energies terribles pour se reconstituer quelques nanosecondes plus tard. Et parmi tout cela, les traines de fusion bleu et blanc des vaisseaux-torches et des grands batiments de guerre tracaient leurs trajectoires parfaitement rectilignes comme des rayures de diamant sur du verre bleute.

— Les Extros ! fit Brawne Lamia.

— La guerre a commence, murmura Kassad.

Il n’y avait dans sa voix ni excitation ni emotion d’aucune sorte.

Le consul s’apercut, confus, que des larmes etaient en train de rouler sur sa joue. Il detourna son visage.

— Sommes-nous en danger ici ? demanda Martin Silenus.

Il s’etait mis a l’abri de la voute de pierre de la porte-fenetre, et plissait les yeux en direction du spectacle de lumieres.

— Pas a cette distance, fit Kassad.

Il porta a ses yeux ses jumelles de combat, fit un reglage et consulta son persoc.

— La plupart des engagements ont lieu a trois UA de nous au moins, dit-il. Je pense que les Extros veulent tester les defenses spatiales de la Force. Mais ce n’est qu’un commencement, ajouta-t-il en abaissant les jumelles.

— Est-ce que le systeme distrans fonctionne ? demanda Brawne Lamia. L’evacuation de Keats et des autres villes a-t-elle commence ?

Kassad secoua la tete.

— Je ne le pense pas. C’est encore trop tot. La flotte se cantonnera dans une action defensive jusqu’a ce que la sphere cislunaire soit occupee. Les portails d’evacuation seront alors ouverts sur le Retz tandis que les unites de la Force penetreront par centaines. Ce sera un sacre spectacle, conclut-il en levant de nouveau ses jumelles.

— Regardez !

C’etait le pere Hoyt qui pointait l’index, cette fois-ci, non pas en direction des feux d’artifice qui illuminaient le ciel mais vers les dunes basses des marais situes au nord. A plusieurs kilometres dans la direction des Tombeaux invisibles, une silhouette a peine visible projetait des ombres multiples sous le ciel fracture.

Kassad ajusta ses jumelles pour l’observer.

— Le gritche ? demanda Lamia.

— Je ne crois pas. J’ai l’impression, d’apres ses vetements, qu’il s’agit plutot… d’un Templier.

— Het Masteen ! s’exclama le pere Hoyt.

Kassad haussa les epaules et passa les jumelles aux autres. Le consul se rapprocha du groupe et s’accouda sur la balustrade du balcon. Il n’y avait aucun bruit a l’exception du vent, mais cela rendait les formidables explosions dans le ciel encore plus inquietantes.

Le consul porta les jumelles a ses yeux lorsque ce fut son tour. La silhouette etait de haute taille, et vetue, en effet, d’une robe de Templier. Elle tournait le dos a la forteresse, et semblait traverser les sables vermillon d’un pas decide.

— Est-ce qu’il vient vers nous, ou se dirige-t-il vers les Tombeaux ? demanda Lamia.

— Vers les Tombeaux, repondit le consul.

Penche sur la balustrade, le pere Hoyt leva son visage hagard vers les cieux qui explosaient.

— Si c’est bien Masteen, cela signifie que nous sommes de nouveau sept, dit-il.

— Il y sera plusieurs heures avant nous, fit remarquer le consul. Il aura meme une demi-journee d’avance si nous passons la nuit ici comme prevu.

Hoyt haussa les epaules.

— Cela n’a pas beaucoup d’importance. Nous sommes partis a sept, nous arriverons a sept. C’est la seule chose qui compte pour le gritche.

— Si toutefois il s’agit bien de Masteen, souligna le colonel Kassad. A quoi rimait alors toute cette mise en scene a bord du chariot a vent ? Et comment a-t-il fait pour arriver ici avant nous ? Il n’y avait aucune autre cabine de telepherique en marche, et il n’a pas pu franchir la chaine Bridee par les cols.

— Nous lui poserons la question demain, en arrivant aux Tombeaux, fit le pere Hoyt d’une voix lasse.

Brawne Lamia essayait depuis un bon moment d’accrocher quelqu’un sur les frequences generales de son persoc. Mais elle n’obtenait rien d’autre que de la friture et les echos assourdis d’impulsions EM lointaines. Elle se tourna vers le colonel Kassad.

— Quand vont-ils commencer a bombarder ?

— Je ne sais pas. Cela depend essentiellement des defenses mises en place par la Force et de la puissance de sa flotte.

— Ces defenses n’ont pas ete tres efficaces, l’autre jour, quand les Extros ont detruit l’Yggdrasill, fit observer Lamia.

Kassad hocha la tete.

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