particulierement encombres, mais il y aurait eu une veritable hecatombe parmi la foule si les goondas et les tueurs nous avaient attendus.

Il nous fallut un peu plus de trois heures pour grimper jusqu’a l’avenue. Il n’y avait pas d’escalier direct, mais une serie interminable de galeries d’entretien et de puits d’acces abandonnes depuis les emeutes de Luddite, qui remontaient a quatre-vingts ans au moins. Les marches finales etaient rouillees a un point tel que nous redoutions de passer au travers si nous ne faisions pas attention. Nous ressortimes dans un passage reserve aux livraisons, a moins de cinq cents metres du Temple.

— Je n’arrive pas a croire que ce soit si facile, chuchotai-je dans le communicateur de mon casque.

— Ils doivent surtout nous attendre au port spatial et aux abords des complexes distrans prives.

Nous empruntames le couloir pour pietons le moins expose de l’avenue, a trente metres au-dessous du premier niveau marchand et a quatre cents metres au-dessous des verrieres du toit. Le Temple gritchteque etait un edifice isole, de style complexe, qui dominait tout le reste du quartier. Quelques passants attardes nous regarderent a la derobee et presserent le pas pour nous eviter. Je ne doutais pas que quelqu’un fut deja en train d’appeler la police, mais j’estimais que nous avions encore largement le temps avant qu’ils n’arrivent.

Un groupe de voyous des rues peinturlures fit soudain irruption d’une cage d’ascenseur en poussant des cris et des glapissements aigus. Ils avaient des lames pulsantes, des chaines et des gants de force. Pris au depourvu, Johnny leur fit face avec son clap et leur envoya une dizaine de rayons de visee laser. Mon canon miniature vrombit sur son pivot, automatiquement braque sur une succession de cibles a mesure que mon regard allait de l’une a l’autre.

La bande de gamins s’arreta net sur sa lancee, leva les mains et recula comme un seul homme, les yeux agrandis, dans la cage d’ascenseur ou elle disparut comme elle etait venue.

Je regardai Johnny. Un miroir noir me renvoya mon regard. Aucun de nous deux n’avait envie de rire.

Nous traversames l’espace decouvert qui nous separait de l’allee marchande menant au nord. Les quelques pietons presents coururent s’abriter sous les devantures des magasins. Nous etions a moins de cent metres de l’escalier du Temple. J’entendais litteralement battre mon propre c?ur dans les ecouteurs de mon casque. Plus que cinquante metres. Comme s’il nous attendait, un acolyte ou un pretre quelconque apparut au pied de la porte du Temple, haute de dix metres, et nous regarda courir. Trente metres. Si quelqu’un avait du nous intercepter, il l’aurait fait avant.

Je me tournai vers Johnny pour lui dire quelque chose de comique. Au meme moment, une vingtaine de rayons et moitie autant de projectiles nous atteignirent. La couche exterieure de nos armures en polytitane explosa vers l’exterieur, deviant la plus grande partie de l’energie. La surface miroir qui se trouvait derriere reflechit une grande quantite de lumiere letale. Mais une grande quantite seulement.

Johnny fut desequilibre par l’impact. Je mis un genou a terre et laissai le canon miniature trouver la source laser.

Dixieme etage de la ruche residentielle qui nous faisait face. Ma visiere s’opacifia. Mon armure laissa echapper un nuage de gaz reflechissant. Le canon miniature emit exactement le bruit que font les tronconneuses dans les holofilms historiques. Dix etages plus haut, tout un pan de mur et de balcon se desintegra dans un nuage de flechettes explosives et de balles antiblindage.

Trois gros projectiles me frapperent dans le dos.

J’atterris sur les paumes des mains, fis taire le canon miniature et pivotai. Il y en avait au moins une douzaine a chaque niveau. Ils se deplacaient silencieusement, rapidement, avec une precision choregraphique de combat. John etait a genoux et actionnait son clap par salves de lumiere parfaitement orchestrees a travers l’arc- en-ciel adverse pour percer les defenses reflechissantes.

L’une des silhouettes en train de courir prit feu tandis que la devanture du magasin derriere elle se transformait en verre et en plastique fondus qui giclaient a quinze metres de la sur l’avenue marchande en contrebas. Deux autres passerent la tete au-dessus de la rampe, et je les fis reculer precipitamment a l’aide d’une rafale de mon canon miniature.

Un glisseur descendit soudain du toit, ses repulseurs peinant tandis qu’il faisait du slalom entre les pylones. Des roquettes s’ecraserent sur le beton entre Johnny et moi. Les devantures des magasins vomirent sur nous un milliard d’echardes de verre. Je tournai les yeux, clignai deux fois, ajustai et tirai. Le glisseur fit une embardee sur la gauche et heurta un escalier mecanique charge d’une dizaine de passants epouvantes. Puis il s’ecrasa en une masse de metal tordu et de munitions qui exploserent. Je vis l’un des passants, entoure de flammes, sauter vers le rez-de-chaussee de la niche, quatre-vingts metres plus bas.

— Sur ta gauche ! s’ecria Johnny dans le communicateur a faisceau etroit.

Quatre hommes en armure de combat venaient de sauter d’un etage superieur a l’aide de paquetages de levitation personnels. L’armure cameleon polymerisee avait du mal a s’accorder a l’arriere-plan continuellement changeant, et ne reussissait qu’a transformer chaque chuteur en un brillant kaleidoscope de reflets irises. L’un d’eux penetra dans le champ de mon canon miniature afin de me neutraliser tandis que les trois autres s’occupaient de Johnny.

Il s’approcha avec une lame pulsante, style ghetto. Je le laissai erafler mon armure, sachant qu’il atteindrait la chair de l’avant-bras, mais j’avais besoin de cette seconde supplementaire. Il me la donna amplement. Je le liquidai d’un revers de mon gantelet et braquai mon canon sur les trois autres.

Leur armure se rigidifia aussitot. Je me servis du canon pour les repousser comme quelqu’un qui arrose un trottoir encombre de detritus. Seul l’un d’eux reussit a retrouver son equilibre avant que je les fasse basculer derriere la corniche ou ils s’etaient poses.

Johnny etait a terre. Une partie de son armure avait fondu. Je sentis une odeur de chair grillee, mais ne decelai aucune blessure mortelle. Je me baissai pour le soulever.

— Laisse-moi, Brawne. Cours. Prends l’escalier.

La communication ne passait presque plus.

— Va te faire foutre, lui dis-je en passant mon bras gauche autour de lui pour le soutenir tout en laissant au canon la place d’evoluer. Je suis toujours payee pour te servir de garde du corps.

Ils nous mitraillaient de partout. Des deux facades de la ruche, des verrieres et des galeries marchandes a chaque niveau. Je denombrai au moins vingt cadavres dans les passages pour pietons. La moitie etaient des civils aux costumes voyants. Les servomoteurs de la jambe gauche de mon armure tournaient a vide. La jambe raide, laborieusement, je nous fis gagner encore une dizaine de metres en direction de l’escalier du Temple. Plusieurs pretres gritchteques nous regardaient du haut des marches, apparemment insouciants de la fusillade qui les entourait.

— Attention ! La-haut !

Je pivotai, visai et fis feu en un meme mouvement. Je compris, au bruit qu’il fit apres la premiere giclee, que le canon etait vide, et vis le deuxieme glisseur lacher ses missiles un instant avant de se transformer en un millier de fragments epars de ferraille et de chairs dechirees qui volaient de tous les cotes. Je laissai tomber lourdement Johnny sur la chaussee et me couchai sur lui dans l’espoir d’abriter de mon propre corps sa chair exposee.

Les missiles exploserent en meme temps, plusieurs dans l’air et deux au moins apres s’etre enfonces dans le sol. Johnny et moi fumes souleves et projetes dans les airs a une quinzaine de metres au moins au-dessus du passage incline. Ce fut une bonne chose, au demeurant, car la bande de composites et de ferrobeton ou nous nous trouvions l’instant d’avant prit feu, se cloqua, s’affaissa et se detacha pour se fracasser sur la chaussee en flammes en contrebas. Il se forma ainsi un fosse qui nous separait de la plus grande partie des hommes a pied qui en avaient apres nous.

Je me relevai, me debarrassai du mini-canon devenu inutile, extirpai de mon armure quelques echardes plutot genantes et soulevai Johnny dans mes bras. Son casque lui avait ete arrache. Son visage etait mal en point. Le sang coulait a travers une vingtaine de trous de son armure. Son bras droit et son pied gauche etaient en bouillie. Je commencai a gravir avec lui les marches du Temple.

Des sirenes retentissaient de toutes parts. Des glisseurs de la police tournaient dans tout l’espace aerien de l’avenue marchande. Les goondas postes dans les galeries hautes et aux extremites du passage effondre coururent se mettre a couvert. Deux des commandos qui etaient descendus avec leurs paquetages de levitation se lancerent a ma poursuite sur les marches. Je ne me retournai pas. Il fallait que je souleve ma jambe raide et inutile a chaque marche. Je savais que j’avais une brulure serieuse dans le dos et au cote, et des eclats loges un peu partout.

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