Il sauta a pieds joints dans une tranchee. Plusieurs soldats commencerent a se retourner. Le temps etait toujours desarticule. L’ennemi se deplacait un instant au grand ralenti, puis aux quatre cinquiemes de la normale l’instant d’apres. Mais jamais aussi vite que Kassad. Envoles, ses scrupules a propos du Nouveau Bushido ! Il avait devant lui des barbares qui avaient essaye de le tuer ! Il brisa la nuque d’un fantassin, s’ecarta, fit entrer ses doigts de chrome rigides dans le corps d’un deuxieme, broya le larynx d’un troisieme, esquiva sans difficulte une lame de poignard plongeant sur lui au ralenti et disloqua d’un coup de pied l’epine dorsale de celui qui l’attaquait. Puis il bondit hors de la tranchee.

Kassad !

Il baissa la tete pour eviter le rayon laser qui balayait l’air au niveau de son epaule dans un gresillement de lumiere rubis. L’odeur d’ozone demeura.

Impossible ! se dit-il. Je viens d’esquiver un rayon laser !

Il ramassa un caillou et le lanca sur l’Extro qui servait le clap monte sur l’un des blindes. Il y eut un bang sonique, puis l’artilleur explosa entierement vers l’arriere. Kassad se baissa pour extraire une grenade au plasma de la cartouchiere d’un cadavre, se rua vers l’ecoutille du blinde et se trouvait deja a trente metres de distance lorsque l’explosion souleva un geyser de flammes aussi haut que le nez d’un vaisseau de descente.

Kassad s’arreta au c?ur de la tempete pour observer Moneta, entouree de son propre cercle de carnage. Elle etait eclaboussee de sang, mais celui-ci n’adherait pas a elle et coulait comme de l’huile a la surface de l’eau sur les courbes irisees de son menton, ses epaules, ses seins et son ventre. Elle le regarda, par-dessus le champ de bataille, et il sentit monter en lui un nouvel elan de desir de sang.

Derriere Moneta, le gritche se deplacait lentement au milieu du chaos, choisissant ses victimes comme s’il cueillait des fruits. Il continuait de disparaitre et d’apparaitre, et Kassad comprit que, pour le Seigneur de la Douleur, Moneta et lui devaient donner l’impression de se deplacer aussi lentement que les Extros par rapport a eux.

Le temps fit un nouveau bond aux quatre cinquiemes. Les Extros survivants etaient pris de panique. Ils se tiraient les uns sur les autres, abandonnant leurs postes, se battant pour monter les premiers dans le vaisseau. Kassad essaya d’imaginer ce que les deux dernieres minutes avaient du representer pour eux. Des fantomes flous penetrant leurs defenses, faisant sauter leurs tetes ou leurs membres dans des gerbes de sang. Il voyait Moneta qui s’en donnait a c?ur joie, tailladant et broyant l’ennemi. A sa grande surprise, il s’apercut qu’il pouvait, dans une certaine mesure, agir sur le temps. Un battement de paupieres, et ses adversaires ralentissaient a un tiers de son propre rythme. Un autre battement, et le flux du temps redevenait presque normal. Son sens de l’honneur et de l’equite lui dictait d’arreter le massacre, mais sa soif de sang, d’une agressivite presque sexuelle, balayait tout scrupule.

Quelqu’un, a l’interieur du vaisseau, avait bloque le sas, et un commando terrorise lanca une charge creuse au plasma pour faire sauter la porte. La foule des Extros s’engouffra a l’interieur, pietinant les blesses dans sa fuite eperdue devant des tueurs invisibles. Kassad entra avec les autres.

L’expression « se defendre comme une panthere acculee » dit bien ce qu’elle veut dire. Dans toute l’histoire des grandes batailles militaires, il y a toujours eu des combattants humains qui se sont defendus avec la derniere energie dans des endroits ou toute fuite leur etait impossible. Que ce soit dans les couloirs de La Haye Sainte et de Hougoumont, a Waterloo, ou bien au plus profond des souterrains de Lusus, quelques-uns des plus feroces corps a corps de l’histoire se sont deroules dans des espaces exigus interdisant toute retraite, et ce fut le cas ce jour-la. Les Extros se battirent comme des pantheres acculees… et perirent jusqu’au dernier.

Le gritche avait demantele le vaisseau. Moneta s’occupa de massacrer la soixantaine de commandos demeures a leurs postes a l’exterieur, et Kassad extermina ceux qui etaient a l’interieur.

Finalement, le deuxieme vaisseau extro tira sur celui qui etait condamne. Mais Kassad l’avait deja quitte, et il contempla les couleurs irisees des rayons de particules et des faisceaux laser a haute energie qui se trainaient vers lui, suivis, une eternite plus tard, de missiles qui avancaient si lentement qu’il aurait pu ecrire son nom sur eux pendant leur vol. Tous les Extros du premier vaisseau etaient deja morts. Le batiment etait couche sur le flanc, mais son champ de confinement etait toujours actif. La dispersion de l’energie et les explosions provoquees par l’impact projeterent des cadavres sur tout le perimetre, mirent le feu au materiel et vitrifierent le sable. Mais Kassad et Moneta etaient a l’abri d’un dome de flammes orange lorsque le deuxieme vaisseau se retira dans l’espace.

Est-ce qu’on ne peut pas les arreter ? haleta Kassad, qui transpirait a grosses gouttes et tremblait litteralement d’excitation.

Ce serait possible, repliqua Moneta, mais nous preferons qu’ils s’enfuient pour transmettre le message a leur essaim.

Le message ? Quel message ?

— Approche, Kassad.

Il se retourna au son de sa voix. Autour d’elle, le champ de force reflechissant avait disparu. La peau de Moneta etait luisante de sueur. Ses cheveux noirs collaient a ses tempes. Les pointes de ses seins avaient durci.

— Viens, dit-elle.

Kassad baissa les yeux pour examiner son propre corps. Le champ de force qui le protegeait avait disparu – il l’avait supprime par sa simple volonte – et il etait sexuellement plus excite que jamais.

— Viens, repeta Moneta a voix basse.

Il s’avanca jusqu’a elle et la souleva, sentant dans ses mains la douceur de ses fesses huilees de sueur. Il la porta sur une elevation de terrain couverte d’un tapis d’herbe, et la posa entre des piles de cadavres extros. Puis il lui ouvrit les cuisses d’un mouvement du genou, en tirant vers le haut ses deux poings serres dans une seule main pour les clouer au sol dans le prolongement de son corps. Il abaissa ensuite son corps mince et glissant entre ses jambes.

— Oui, murmura-t-elle tandis qu’il lui embrassait le lobe de l’oreille gauche, posait les levres sur la pulsation qui faisait battre le creux de son cou, lechait la pellicule de sueur salee sur ses seins.

Tous ces morts gisant autour de nous. Et tant d’autres a venir. Des milliers. Des millions. Tous ces ventres morts qui gargouillent de rire. Ces longues files de soldats sortant des grands vaisseaux portiers pour se jeter directement dans les flammes qui les attendent…

— Oui, fit le souffle chaud de Moneta a son oreille.

Liberant ses mains, elle les glissa le long des epaules trempees de Kassad, creusant de longs sillons avec ses ongles dans son dos puis agrippant ses fesses pour l’attirer plus pres d’elle. Son erection racla la toison pubienne, pulsa contre l’arrondi de son ventre.

Portes distrans s’ouvrant pour laisser passer les fuseaux glaces des gros porteurs de combat. Chaleur des explosions au plasma. Vaisseaux dansant et mourant par centaines, par milliers, comme des grains de poussiere dans la tempete. Rayons geants de lumiere rubis solidifiee traversant d’immenses etendues, baignant leur objectif d’un spasme ultime de chaleur irradiante, corps en ebullition dans la lumiere rougeoyante…

— Oui, fit Moneta en lui ouvrant sa bouche et son corps.

Il sentit sa chaleur en haut et en bas, sa langue explorant sa bouche tandis qu’il la penetrait, accueilli par un doux etau de friction lubrifiee. Il s’enfonca de tout son corps, se retira legerement, se laissa envahir par l’ivresse moite et brulante et replongea tandis qu’elle synchronisait ses mouvements avec lui.

Explosions de soleils sur des centaines de mondes. Continents livres aux flammes de spasmes aveuglants. Mers en ebullition. L’atmosphere elle-meme prend feu. Les oceans d’air superchaud se soulevent comme la peau excitee au contact de la main d’un amant.

— Oui… Oui… Oui…

Le souffle brulant des levres de Moneta effleure les siennes. Sa peau est d’huile et de soie. Il accelere maintenant son rythme, l’univers se contracte et les sensations eclatent. Ses sens se retractent tandis qu’elle le serre dans son fourreau lustre et que ses hanches le cognent sauvagement en reponse a la terrible montee en puissance qui fait trembler, irresistible, la base de son etre. Il grimace, ferme les yeux, et voit…

… des boules de feu qui entrent en expansion, des etoiles qui meurent, des soleils qui explosent en un brasier de pulsations geantes, des systemes solaires qui meurent dans un dechainement de destruction extatique…

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