contre, moi aussi. J’estime que… enfin, bon ce n’est pas le probleme. Mais considere ceci : elle ne te demande pas de blesser quiconque, ou d’agir de facon deshonorante. Elle t’a simplement suggere de commencer un circuit de la couronne. C’est ce que nous nous proposons de faire.

— Absolument. J’ai un certain nombre de choses a voir, dit Cirocco.

— Exact. Il se fait que nous allons dans la meme direction et Gaia nous a prevenues de votre arrivee, a tous deux. Rocky et moi l’avons deja fait, avec d’autres pelerins, ensemble ou separement. On essaie de leur eviter les ennuis en attendant qu’ils sachent se debrouiller.

« Ce que je veux te dire, c’est que vous pourriez venir avec nous. Tu pourrais apprendre des choses qui te seront utiles si tu es toujours decidee a grimper. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de danger. Sorti d’Hyperion, tout a Gaia peut etre dangereux. Eh ! bon sang, meme une bonne partie d’Hyperion peut vous tuer ! Mais c’est la beaute de la chose. Il se pourrait qu’en chemin tu accomplisses quelque chose que Gaia considere comme heroique. Et sans pour cela que tu en aies honte, je peux te le promettre. Je dois lui conceder ceci : elle sait comment trouver ses heros. Tu comprends, ce n’est que si l’occasion se presente. Tu n’auras pas a y songer comme a une compromission dans son jeu ; tu n’auras rien a chercher en particulier. Viens simplement avec nous. Et a ton retour, tu auras un voyage gratuit pour le sommet. Ce que tu en feras, c’est ton affaire. » Elle se rassit. Elle aimait bien Robin, mais merde, elle ne pouvait guere faire plus pour la proteger. En un sens, Gaby se sentait comme Fredo-le-Gros, l’ange ; il y avait des gens qui auraient donne un bras ou une jambe en echange de l’aide qu’elle et Rocky lui proposaient et elle etait la, a essayer de fourguer son idee a cette petite gamine orgueilleuse et butee.

Robin se rassit. Elle lui fit la grace de paraitre legerement decontenancee.

« Je suis desolee, repondit-elle. Je vous remercie pour cette offre et c’est avec plaisir que je vous accompagnerai. Cela me parait logique. » Gaby se demanda si Robin avait imagine la meme chose qu’elle : a deux ou trois cents kilometres d’altitude a l’interieur du rayon vertical, se voir brusquement prise de paralysie. Aucun de ceux qui avaient fait le Grand Plongeon n’etait presse de repeter l’experience.

« Chris ?

— Moi ? Bien entendu. Je serais idiot de refuser.

— Voila ce que j’aime, constata Cirocco : une approbation realiste. » Elle se leva, ota sa robe de chambre et passa son vieux poncho. « Faites comme chez vous. C’est la maison qui regale. Le Carnaval se termine dans a peu pres quatre-vingts revs, alors, prenez du bon temps. Je vous retrouve dans cent revs a La Chatte Enchantee. »

14. Ameroso

« Eh, mon chou, si tu ne sors pas bientot, c’est moi qui vais te rejoindre. »

Chris regardait l’eau degoutter de son corps en eclaboussant ses pieds nus. Il avait un morceau de savon a la main. Il leva la tete et prit le jet en pleine figure.

Curieux, ces deux trous de memoire successifs.

« Laisse-moi un peu d’eau, veux-tu ? » C’etait une voix feminine, la voix d’une inconnue. Bon, ou etait-il alle ? Quel etait son dernier souvenir net ?… Il coupa l’eau et sortit de la minuscule cabine de douche. Les cloisons et le plancher etaient de simples planches en bois. Par une fenetre ouverte il distinguait le sol, trente metres plus bas. Il etait dans un arbre, probablement a l’Hotel de Titanville.

Il jeta un ?il prudent par l’entrebaillement de la porte : la petite piece contigue contenait un mobilier leger et un lit bien rembourre ; et sur le lit il y avait une femme nue, rembourree egalement. Elle etait etendue sur le dos dans une pose qui aurait pu etre aguichante si elle n’avait pas ete aussi totalement detendue. Etait-ce avant, ou apres ? Il se posa la question mais son corps connaissait la reponse : c’etait apres.

« Ah, quand meme, dit-elle en levant la tete lorsqu’il sortit. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir encore dans cette chaleur. » Elle se leva et, debout devant la fenetre de la chambre, souleva la masse de cheveux bruns qui lui retombaient sur les epaules et les attacha avec une epingle. Chris la trouva adorable et regretta d’avoir manque ca. La plupart des choses qu’il manquait etaient aussi vite oubliees mais elle semblait etre l’exception. Elle avait les jambes longues et le teint parfait. Les seins peut-etre un poil trop gros mais il aurait aime avoir l’occasion d’en juger sur pieces.

Elle lui jeta un coup d’?il. « Oh non, oh, que non ! Pas encore, pas maintenant, frangin. Tu n’en as pas eu assez ? » Et elle se rua dans la douche.

Il n’arrivait pas a retrouver son short. En furetant, il remarqua quelques accessoires bizarres et tout un tas de pots de creme et d’onguent. Il fronca les sourcils, regarda mieux autour de lui, et decouvrit enfin ce qu’il cherchait, accroche au mur. Elle etait jaunissante et dechiree mais c’etait une licence de prostitution, delivree cinq ans plus tot par le comte de Jefferson, Texas.

« Qu’est-ce qui ne va pas, a present ? » lui demanda-t-elle lorsqu’elle sortit, en se sechant les epaules et le cou. « Tu sais que tu es lunatique, toi ?

— Ouais. Ca, je le sais. Combien je te dois ?

— On en a deja discute, tu te rappelles ?

— Non, je ne me rappelle pas ; parce qu’il vaudrait mieux que tu saches que je ne me rappelle plus rien depuis… depuis je ne sais plus combien de temps. Depuis avant que je te rencontre. Et c’est comme ca et je n’ai pas envie d’en discuter mais je ne me souviens meme plus de ton nom, je ne retrouve pas mes vetements, et est-ce que tu voudrais bien me dire, oui ou non, combien je te dois, que je puisse me tirer et te laisser tranquille ? »

Elle s’assit pres de lui au bord du lit, sans le toucher puis elle avanca le bras et lui prit la main.

« C’est donc ca, hein ? dit-elle calmement. Tu m’en as parle mais tu as raconte tellement de choses que je ne savais plus que croire.

— Cette partie-la etait vraie. Tout le reste etait sans doute des mensonges. Si je t’ai dit que j’avais plein d’argent dans un coin, c’etait un mensonge. J’en avais a mon arrivee mais depuis ma derniere absence, tout ce qu’il me reste, c’est une paire de shorts. »

Elle noua la serviette autour de sa taille et se dirigea vers un bureau de bois pour prendre dessus quelque chose. « Tu as balance ton short juste apres m’avoir embarquee : tu retournais a la nature. » Elle lui sourit, sans taquinerie, et lui lanca un objet.

C’etait une petite piece d’or. Sur une face etaient graves les mots : « CHEQUE EN BLANC » avec quelques symboles en titanide. Sur l’autre, il y avait une signature : « C. Jones ». Quelque chose lui revenait en memoire et il ferma les yeux pour se concentrer.

« Tu disais que ca te permettait de tout faire a Titanville : “Exactement comme de l’argent.” Je n’en avais jamais vu jusque-la mais tu etais parti dans une frenesie de depense et tout le monde semblait l’honorer.

— Je t’ai trompee, dit-il, sachant que c’etait vrai. Seules les Titanides sont tenues de l’honorer. J’etais cense m’en servir pour… m’en servir pour… pour m’equiper en vue d’un voyage que je suis cense faire. » Il se redressa, soudain panique. « J’ai achete tout un tas de choses, je m’en souviens maintenant. J’etais suppose… je veux dire, ou sont…

— Du calme, du calme. Tout est arrange. Je les ai fait transporter a La Gata, selon tes instructions. Tout est en surete. »

Il se rassit lentement. « La Gata…

— C’est l’endroit ou tu es suppose retrouver tes amis », lui souffla-t-elle. Elle consulta l’horloge gaienne gyroscopique posee sur le bureau. « D’ici une quinzaine de minutes.

— C’est vrai ! Il faut que je…» Il se rua vers la porte puis s’immobilisa, avec la sensation d’avoir oublie quelque chose.

« Tu aurais un peignoir a me preter ? »

Sans un mot, elle lui tendit le sien.

« Je… euh, je suis desole de ne rien avoir a te donner. Je ne sais pas quelle promesse j’ai pu te faire, mais je suis quand meme surpris que tu n’aies pas demande…

— L’argent d’abord ? Je ne suis pas nee d’hier. Je savais dans quoi je me fourrais. » Elle alla vers la fenetre et, les mains posees sur l’appui, considera la ville en dessous d’elle. « Je suis ici depuis un sacre bout de temps.

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