maternelle mais comme mon ventre est souille, je…» Il avait fronce les sourcils avec incomprehension. « Le… comment Gaby dit-elle, deja ? Le nombril. » Et elle rit a ce souvenir. « Quel nom idiot ! Nous l’appelons la premiere porte de l’ame parce qu’il marque le plus sacre des liens : celui de la mere a la fille. Les fenetres de la tete sont les fenetres de l’esprit. On m’a accusee d’heterodoxie pour avoir place mon esprit plutot que mon ame sous la protection du Pentasme mais devant le tribunal j’ai pu me defendre avec succes a cause de ma souillure. Les fenetres de l’ame conduisent au ventre. La et la. » Et elle posa la main sur son ventre et son pubis avant de les retirer en hate en se rappelant sa difference avec l’homme.

« J’ai peur de ne pas saisir la souillure.

— Je ne peux pas avoir d’enfant. Mes filles auraient la meme chose que moi. C’est du moins ce que disent les docteurs.

— Je suis desole. »

Robin fronca les sourcils. « Je ne comprends pas cette manie de s’excuser pour des actes qu’on n’a pas commis. Tu n’as jamais travaille a la banque du sperme, La Seminale a Atlanta – Ga, n’est-ce pas ?

— Georgie, precisa-t-il avec un sourire. G-A c’est pour Georgie. Non, je n’y ai jamais travaille.

— Un jour, je trouverai l’homme qui y a travaille. Il risque d’avoir une fin peu ordinaire.

— Je ne m’excusais pas vraiment. Pas dans ce sens. Il arrive bien souvent qu’on dise “je suis desole” simplement pour offrir notre sympathie.

— On ne veut pas de sympathie.

— Dans ce cas, je retire mon offre. »

Sa bonne humeur etait contagieuse. Elle ne tarda pas a sourire comme lui.

« Dieu sait que moi-meme je n’en recois que trop. Mais en general, je laisse courir, sauf quand je suis mechant. »

Robin s’etonna qu’on puisse en parler avec un tel flegme. Les sauteurs etaient vraiment d’une etonnante diversite : certains comprenaient tout juste le sens du mot honneur ; d’autres faisaient montre d’une susceptibilite extreme. Depuis son arrivee, elle s’etait pliee a des indignites qu’elle n’aurait jamais acceptees de la part de ses congeneres, pour la simple raison qu’elle estimait ces gens incapables d’un autre comportement. Elle avait d’abord cru que ce manque de decence etait generalise mais pensait que Chris en avait tout de meme un minimum : s’il etait pret a recevoir de la sympathie sans protester, c’etait a condition qu’elle n’empiete pas sur son sens de l’independance.

« Moi, on m’a reproche d’etre trop mechante, reconnut-elle. Mes s?urs du moins. Mais il est des moments ou l’on peut accepter la sympathie d’autrui sans perdre son honneur. Tant qu’elle est offerte sans condescendance.

— Alors, tu as ma sympathie. Entre compagnons d’infortune.

— Acceptee.

— Que signifie “sauteur” ?

— Cela vient de notre terme pour votre facon de… j’aimerais autant ne pas en parler.

— Bien. Alors, pourquoi veux-tu tuer cet homme en Georgie ? »

Elle se trouva embarquee dans une explication du comment et du pourquoi de son etat, ce qui la conduisit a lui expliquer la structure et le fonctionnement du pouvoir sauteur. Elle se rendit alors compte qu’elle etait justement en train de parler a l’un des pretendus membres de cette structure. Curieusement, elle en fut embarrassee. Elle avait emis quelques jugements plutot durs et apres tout, il ne lui avait rien fait, personnellement. Etait-ce si important, maintenant ? Elle n’en etait plus certaine.

« Au moins, maintenant, je sais ce que sauteur veut dire.

— C’etait sans intention de t’accuser. Je suis persuadee que tu vois les choses autrement, ne serait-ce qu’a cause de ton education, aussi…

— N’en sois pas si sure. Comprends-moi : je ne fais partie d’aucune conspiration a grande echelle. Si jamais elle existe, on ne m’a pas mis dans le secret. Et je crois vraiment que… que ton Covent se fonde sur une image du monde demodee. Si je t’ai bien compris, toi-meme devrais l’admettre, du moins en partie. »

Elle haussa les epaules, sans se mouiller : il avait raison, du moins en partie.

« A l’epoque ou ton groupe s’est coupe du reste de l’humanite, peut-etre la situation etait-elle aussi difficile que tu l’as dit. Je n’y etais pas et si j’avais vecu en ce temps-la, je suppose que j’aurais fait partie de la classe des oppresseurs et considere les choses comme normales. Mais je me suis laisse dire que la situation s’etait nettement amelioree. Je ne dis pas que tout est parfait. La perfection n’est pas de ce monde. Mais la plupart des femmes de ma connaissance sont heureuses. Elles ne voient plus beaucoup de batailles a gagner.

— Tu ferais mieux de ne pas poursuivre, l’avertit Robin. La majorite des femmes se sont toujours montrees heureuses de leur sort tel qu’il etait – c’est du moins ce qu’elles affirmaient. Et cela remonte a l’epoque ou la societe des sauteurs ne leur avait pas encore donne le droit de vote. Sous pretexte qu’au Covent on croit des choses que je sais maintenant etre exagerees, voire incorrectes, ne va pas en tirer la conclusion que nous sommes toutes completement idiotes. Nous savons que la majorite prefere toujours le statu quo, tant qu’on ne lui a pas montre mieux. Les esclaves ne sont peut-etre pas ravis de leur sort mais la plupart ne feront rien pour l’ameliorer : la plupart ne croient meme pas qu’on puisse l’ameliorer. »

Il ouvrit les mains, haussa les epaules :

« La, tu m’as coince. Et je ne pourrais pas voir cette oppression, puisque j’en profite. Qu’en dis-tu ? La situation te parait-elle a ce point deplorable, toi qui es en quelque sorte un temoin venu d’une autre planete ?

— Franchement, je la trouve bien meilleure que je ne l’escomptais. En surface, tout au moins. J’ai du me debarrasser de tout un tas de prejuges.

— Un bon point pour toi ! En general, les gens aimeraient mieux mourir que de se debarrasser d’un prejuge. Lorsque j’ai su par Gaby d’ou tu venais, la derniere chose a laquelle je m’attendais de ta part etait un esprit ouvert. Mais, que pensent les… euh, sauteuses ? »

Robin eprouvait un melange d’emotions bizarre. Le plus demontant etait d’etre ravie qu’il lui trouve un esprit ouvert. Et cela, malgre sa facon de l’exprimer, qu’on aurait pu juger insultante pour le Covent. Le groupe isole, referme que lui avait probablement decrit Gaby, ne pouvait que s’en tenir avec fanatisme a ses propres concepts. Le Covent n’etait pas ainsi, mais il ne serait pas facile de le lui expliquer. On avait appris a Robin a admettre l’univers tel qu’il existait, tel qu’elle pouvait l’observer, sans y introduire de facteur correctif pour le rendre conforme a l’equation, voire a la doctrine.

Elle n’avait donc pas eu de mal a se defaire de l’idee que les males etaient pourvus d’un penis long d’un metre et qu’ils passaient leur temps a violer les femmes ou bien a les acheter et a les vendre (ce dernier point n’avait pas encore ete dementi mais si la chose se produisait, c’etait sous une forme subtile de relations sociales qu’elle n’avait pas eu l’occasion d’observer). Mais elle se trouvait confrontee a une notion troublante : le male en tant que personne. Un etre humain pas entierement a la merci de sa testosterone, qui n’etait pas uniquement un penis belliqueux mais un individu avec lequel on pouvait discuter et qui etait meme capable de comprendre votre point de vue. Menee jusqu’a son terme logique, cette idee la conduisait a cette eventualite proprement inconcevable : le male en tant que s?ur.

Elle se rendit compte qu’elle etait restee trop longtemps silencieuse.

« Les sauteuses ? Euh, franchement, je n’en sais encore rien. J’ai bien rencontre une femme qui vendait son corps – bien qu’elle ne considere pas la chose sous ce point de vue. Mais comme je ne comprends rien a l’argent, je serais incapable de dire si elle a raison. Dans ce domaine, Gaby et Cirocco ne me sont d’aucune aide : elles ont encore moins de rapport que moi avec la societe humaine telle que tu l’entends. Je dois admettre ne pas en savoir assez sur ta culture pour comprendre le role qu’y joue la femme. »

Il opina de nouveau.

« Qu’y a-t-il dans ton sac ?

— Mon demon.

— Puis-je le voir ?

— Je ne crois pas que…» Mais il l’avait deja ouvert. Eh bien, qu’il fasse comme il veut, apres tout. La morsure de Nasu etait douloureuse, mais pas grave.

« Un serpent », s’exclama-t-il. Il semblait ravi et plongea la main dans le sac. « Un pyt… non, un anaconda. Et l’un des plus beaux que j’aie vus. Comment s’appelle-t-il… s’appelle-t-elle ?

— Nasu. » Maintenant elle regrettait de rester muette. Elle aurait voulu que Nasu saute et le morde et que

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