— J’ai le meme genre de probleme », dit-elle.
Il ouvrit la bouche pour suggerer une solution, se ravisa et referma la bouche. « Quel gachis, songea-t-il. Tu me grattes le dos…»
« C’est toi qui m’avais dit qu’on etait tres semblables, dit-elle. Je pensais que c’etait cela qui te troublait. » Comme il se contentait de grommeler, elle ouvrit son sac de couchage et s’assit. Elle se pencha pour lui poser un doigt sur les levres. « Tu veux bien me montrer ? »
Il la considera, n’osant y croire, mais empli d’un desir comme il n’en avait pas connu depuis l’adolescence.
« Pourquoi ? Tu me trouves attirant ou est-ce par simple curiosite ?
— Je suis curieuse, admit-elle. Pour le reste, je ne suis pas encore sure. Il y a quelque chose. D’apres Cirocco, ce qu’on m’a dit c’est qu’il n’y a pas grande difference entre violer et faire l’amour. Elle m’a dit qu’une femme peut en tirer du plaisir. J’ai des doutes. » Elle haussa un sourcil. Quelques semaines plus tot, Chris aurait ete incapable de discerner sa mimique derriere ce tatouage facial elabore mais a present il se sentait un peu plus sur la meme longueur d’onde. Il rejeta son duvet et la prit dans ses bras.
Elle parut surprise qu’il ne la penetre pas tout de go pour la besogner. Lorsqu’elle comprit qu’ils pouvaient faire l’amour de la meme maniere que deux femmes, elle ne montra plus aucune hesitation. En fait, elle fit meme des choses pour lesquelles Trini aurait exige un supplement. Il n’y avait en elle aucune timidite. Elle lui disait ce qu’elle voulait quand elle le voulait et parlait comme si elle supposait qu’il n’avait jamais fait ca auparavant. En un sens, elle n’avait pas tort. Bien qu’il eut connu son content de femmes, il n’en avait jamais rencontre une qui fut aussi certaine de ses desirs ni aussi assuree dans leur expression.
Elle apprenait rapidement. Au debut, ce n’etait que questions et remarques, elle voulait savoir ce qu’il ressentait lorsqu’elle faisait ceci ou cela et marquait sa surprise devant le gout et la consistance des choses. Aucune de ces surprises ne semblait desagreable et lorsque vint pour lui le moment de passer a l’action, elle manifestait un enthousiasme evident pour le projet.
Son scepticisme revint lorsqu’il la penetra. Elle admettait que ce n’etait pas douloureux, c’etait meme une sensation plaisante mais elle fit remarquer d’un ton sans replique que l’arrangement lui semblait peu naturel puisqu’il ne parvenait pas a satisfaire ses besoins. Il essaya de lui garantir que tout se passerait bien et puis se rendit compte avec desarroi que cela n’allait pas du tout etre le cas car il etait deja pres de conclure et il etait trop tard pour s’arreter.
Il eut le temps d’esperer que Robin voudrait bien attendre qu’il fut pare pour une deuxieme seance avant de se sentir saisi par l’epaule et tire vers l’arriere sans menagement.
« Arrete ca ! Retire-toi donc, espece d’idiot ! » C’etait Cirocco. Chris n’eut pas le temps de comprendre grand-chose d’autre apres cela car trop de choses se produisaient a la fois : il roula sur le sol, tasse sur lui-meme, incapable de s’arreter et terriblement embarrasse. Puis ce fut termine et la colere se mit a bouillir en lui. Il se detendit et decocha a Cirocco un coup de poing en plein menton. Un instant, elle parut aussi surprise que lui. Mais son triomphe ne dura qu’une seconde. Alors que Cirocco s’effondrait comme une marionnette dont on a coupe les fils, il sentit la douleur monter dans sa main tandis que Gaby, jaillie de nulle part, lui coupait la respiration d’un placage a la volee. L’instant d’apres, il se retrouva cloue au sol ; agenouillee sur sa poitrine, elle s’appretait a lui labourer le visage de ses doigts.
Mais au lieu de cela, elle hesita et la flamme quitta ses yeux. Elle donna un coup de poing sur le sol, se degagea et le gratifia d’une tape sur la joue.
« Ne frappe jamais les os a mains nues, lui conseilla-t-elle. Il y a les pierres et les batons pour cela. »
Elle l’aida a se relever et il decouvrit a ses pieds Robin, toujours sur le dos, l’air ahuri. Cornemuse s’etait glisse dans la tente et s’occupait de Cirocco qui faisait jouer sa machoire avec precaution.
Il etait toujours en colere mais c’etait sa confusion totale qui dominait. Il ne parvenait pas a imaginer les raisons de son acte.
« Tu n’avais aucun droit de faire ca, cria-t-il. Bon sang, je n’arrive meme pas a comprendre pourquoi tu aurais fait ca, a moins que tu n’aies perdu ton pouvoir…
— Il est possible que tu aies raison », dit Cirocco en faisant signe a Cornemuse de s’eloigner. Elle s’assit.
« Il y a une petite chance que j’aie fait quelque chose de terrible. Si c’est le cas, je me laisserai battre comme platre par vous deux sans broncher. Mais ecoutez-moi d’abord. Robin, quel genre de methode anticonceptionnelle utilises-tu ?
— J’ignore de quoi tu veux parler.
— Bon. Et toi, Chris ? »
Chris sentit nettement un frisson le parcourir mais il l’ignora. Elle ne pouvait pas ne pas se tromper.
« Je prends des pilules mais ca ne…
— Je me souviens que tu m’en as parle. A quand remonte le…
— … Mais
— Silence. Ecoute-moi jusqu’au bout. » Cirocco leva la main et attendit d’etre certaine que tout le monde l’ecoutait.
« J’ai l’impression que tu l’as mal comprise. Elle t’a dit qu’elle ne “pouvait pas” et tu as cru que cela signifiait qu’elle etait dans l’incapacite d’en avoir. Ce qu’elle voulait dire en fait, c’est qu’elle ne voulait pas etre inseminee parce que ses enfants auraient le meme mal qu’elle. A quoi bon se faire steriliser lorsque l’acte de conception est aussi complique ? » Elle regarda Robin qui hochait la tete avec exasperation.
« Mais on faisait simplement l’amour », dit-elle.
Cirocco s’approcha d’elle, la saisit par les epaules et la secoua. « Et comment crois-tu donc que se
— Mais moi, je lui fais confiance, tu ne peux pas voir ca ? retorqua Robin. On faisait juste l’amour, pas un bebe. Il n’aurait pas…» Elle s’arreta et, pour la premiere fois, regarda Chris avec incertitude. Il dut detourner les yeux.
A mesure que Cirocco lui expliquait la situation reelle, les couleurs quittaient lentement le visage de Robin. Chris ne l’avait jamais vue paraitre effrayee mais a l’evidence, elle etait prise d’une terreur retrospective et elle avait des raisons pour cela. Tout ce bizarre malentendu provenait de l’incapacite pour Robin de comprendre que l’orgasme masculin impliquait l’ejaculation, qu’on ne pouvait controler, et pour Chris, du fait qu’il la croyait sterilisee. Elle ne l’etait pas et lui etait fecond, comme l’avait prouve l’?uf produit avec Valiha. Le fait est qu’il avait perdu ses pilules lors de sa crise durant la quarantaine et qu’il n’avait pas eu la possibilite de les remplacer.
Il etait pris dans un tourbillon d’emotions contradictoires et cherchait ce qu’il aurait bien pu faire pour eviter cette quasi-catastrophe. Franchement, il ne voyait pas : comment aurait-il pu s’imaginer que Robin en sut si peu sur la reproduction humaine ? Et meme s’il l’avait su, il ne faisait pour lui aucun doute qu’elle ne
Robin etait presque au bord des larmes. Assise la tete dans les mains, elle tremblait en repetant : « Je ne savais pas, je ne savais pas, je ne savais vraiment pas. »
Chris ignorait quelles seraient les consequences a long terme entre Robin et lui mais une chose restait claire :
« Je te dois des excuses », dit-il a Cirocco.
Elle rigola. « Oh ! non. J’aurais fait pareil. Ce n’est pas le genre de situation ou l’on a le temps d’attendre des explications. » Elle se massa la machoire.
« En fait, c’est tant pis pour moi si je ne me suis pas ecartee assez vite. Je crois que je suis plus lente.
— Ou c’est moi qui suis plus vif.
— C’est une possibilite. »
Il regnait comme un malaise entre eux lorsque tout le monde se fut retire. Chris avait l’impression d’avoir ete frappe par la foudre. On a beau savoir qu’elle tombe rarement, la possibilite demeure. Robin semblait eprouver plus ou moins la meme chose. Il voyait bien qu’elle repensait a leur precedente conversation et peut-etre