salle d’examens pour subir un lavement ou Dieu sait quelle idiotie du meme ordre et elle ne voulut rien entendre lorsque Chris lui expliqua que les tubes, ils en avaient plein le cul. Ca l’ennuyait franchement, il se releva donc et fit un pas – la femme emit un drole de gargouillis lorsque Chris lui marcha sur la poitrine – pour decocher un direct a l’uniforme qui avait deja recule, degaine son arme et prenant son temps pour viser lui tira dessus.

Il s’eveilla dans une mare de vomissures striees de sang. « Alors quoi de neuf ? » se demanda-t-il sans vraiment desirer le savoir. Il avait au menton une barbe de trois jours incrustee de sang seche. Il ne se rappelait plus grand-chose et comprit que cela valait mieux.

On voulait savoir s’il etait pret dorenavant a se comporter comme un gentil garcon et il les assura que oui.

La femme qui lui avait tire dessus l’aida a se nettoyer. Elle semblait avide de lui donner tous les details de son sejour en prison et des evenements qui l’y avaient conduit mais il referma son esprit. On lui restitua ses effets personnels et on le conduisit vers une sorte d’ascenseur. Lorsque les portes se refermerent dans son dos, il decouvrit que la capsule flottait dans un fluide jaunatre qui coulait dans un tuyau gargantuesque. Une fois qu’il eut note ces elements, toutefois, il cessa d’y penser.

Le trajet prit presque une heure et durant tout ce temps il ne pensa a rien. Il emergea sous l’etonnant ciel courbe de Gaia et, debout sur son terrifiant sol incurve oublia totalement d’etre terrifie ou etonne. Il avait franchi les limites de l’etonnement. Au-dessus de lui passait une saucisse longue de 1000 metres. Il la considera d’un regard vide en songeant a des pigeons. Il attendait.

6. Village de toile

Nasu etait d’une humeur epouvantable. Robin avait sur l’avant-bras deux marques toutes fraiches qui attestaient du caractere de son demon. Les anacondas n’appreciaient guere le lavage et les manipulations ; le serpent etait terrifie, affole par les evenements de ces deux derniers jours et la seule facon pour lui de l’exprimer etait de s’attaquer a la cible la plus proche, Robin en l’occurrence. Depuis le temps qu’elles etaient ensemble, Nasu n’avait mordu Robin que trois fois jusqu’a present.

Robin ne se sentait guere plus a l’aise, elle non plus. La plupart des dangers contre lesquels on l’avait mise en garde s’etaient reveles chimeriques. La chaleur en revanche etait terrible.

La temperature atteignait trente-cinq degres. Elle avait pu verifier ce fait etonnant – annonce par le guide qui avait accueilli son groupe a la surface – en decouvrant un thermometre qu’elle avait consulte avec incredulite. Il etait inconcevable de controler un environnement de cette facon, pourtant les gens se contentaient de hausser les epaules ; ils se plaignaient mais ne montraient aucune velleite de faire quelque chose.

Elle n’avait qu’un seul desir : arracher ses vetements. Elle le combattit aussi longtemps qu’il lui fut possible mais sa mere s’etait trompee sur tellement d’autres points qu’elle jugea sans danger de lui desobeir sur celui-ci. Un grand nombre de gens qui parcouraient les rues poussiereuses de Titanville etaient nus. Pourquoi pas elle ? Elle opta pour un compromis, gardant les reins couverts – comme un signal avertissant qu’elle lutterait contre toute tentative de viol. Quoique desormais elle ne craignit pas vraiment cette eventualite.

Le premier penis qu’elle avait eu l’occasion de voir – durant les douches collectives de la quarantaine – l’avait fait eclater de rire, ce qui lui valut les regards courrouces de son digne proprietaire. Le reste avait ete tout aussi drole. Elle etait incapable d’imaginer que la chose puisse enfler suffisamment pour devenir dangereuse mais elle reservait son jugement en ce domaine en attendant le moment ou elle aurait l’occasion d’observer un homme en train de violer une de ses semblables.

Mais il n’y eut pas de viol la premiere nuit bien qu’elle fut restee eveillee un bon moment pour repousser d’eventuels assaillants. La seconde nuit, deux hommes pratiquerent un viol dans un coin du dortoir. Les couchettes autour des couples etant vides, Robin s’assit sur l’une d’elles afin d’observer plus a l’aise. Les machins rigolos et ballottants avaient certes gonfle plus qu’elle ne l’aurait cru mais quand meme pas tant que ca. Les femmes n’avaient pas l’air de souffrir. Elles n’avaient pas non plus ete assommees ni jetees face contre terre. L’une des deux etait meme sur le dessus.

Une de ces femmes dit a Robin de s’en aller mais cette derniere en savait assez : si quelqu’un parvenait a l’assommer, l’experience serait certes degoutante mais guere douloureuse. Elle se dilatait elle-meme bien plus que cela pour ses examens vaginaux.

Elle observa la femme a l’issue du viol, guettant d’eventuels signes de honte : il n’y en avait, semblait-il, aucun. Ainsi donc, cela au moins etait vrai : les femmes sauteuses avaient appris a traiter ces epreuves degradantes par-dessus la jambe. Elle se souvint que les esclaves faisaient de meme – en apparence du moins. Et elle se demanda quelles rebellions couvaient en elles.

Aucune femme ne fit l’amour pendant toute la duree de ses observations. Robin supposa qu’elles devaient sans doute se cacher des hommes.

* * *

Titanville etait nee sous l’abri d’un arbre enorme mais avec la fin – depuis de nombreuses annees – du conflit entre les Titans et les Anges, elle s’etait etendue vers l’est. La plupart des Titanides vivaient encore sous l’arbre ou dans ses branches. Quelques-unes avaient emmenage sous des tentes de toile multicolore situees dans cette zone centrale qui, sur Gaia, etait ce qui pouvait s’approcher le plus d’un piege a touristes : un quartier surencombre de saloons et de salons, d’hippodromes et de maneges, de jeux, d’attractions et d’attrape-nigauds, de buvettes et de bordels, de cabarets et de casinos. Les pieds foulaient la sciure et le crottin de Titanide, et le nez respirait une poussiere lourde impregnee d’une odeur epaisse de barbe a papa, de parfum, de maquillage corporel, de marihuana et de sueur. Ce quartier avait ete concu avec l’habituel dedain des Titanides pour l’urbanisme et le cadastre : un casino faisait face a l’eglise baptiste primitive intergalactique, laquelle voisinait avec un bordel interespeces, ces trois structures aussi fragiles que des promesses : les douces voix d’une chorale de Titanides en repetition se melaient donc aux cliquetis de la roulette ou aux gemissements de passion qui traversaient les minces cloisons de toile.

Par grand vent, tout cet incroyable bric-a-brac pouvait etre balaye en un instant avant de reapparaitre quelques heures plus tard selon une nouvelle disposition.

L’ascenseur d’acces au moyeu fonctionnait une fois par hectorev – ce qui, avait-elle appris, correspondait a cinq jours du Covent ou encore a quatre journees et demie terrestres –, aussi Robin se retrouvait-elle avec trente-six heures a tuer. Titanville lui semblait un lieu educatif, meme si elle ne savait pas au juste en quoi. Les notions professees au Covent vis-a-vis des loisirs ne l’avaient guere preparee a considerer ce genre de carnaval comme un lieu de distraction. Chez les sorcieres, passer un bon moment etait plutot synonyme de competitions d’athletisme, de fetes et de festivals meme si, par ailleurs, elles savaient apprecier les canulars et la galejade.

Sa mere lui avait donne plusieurs centaines de marks-onu. Debout sur le balcon de bois de sa chambre d’hotel arboricole, Robin embrassa du regard tout ce bruit, cette poussiere, ces couleurs bariolees et sentit une exaltation croissante l’envahir. Si elle ne trouvait pas la-dessous l’occasion de faire la bringue, elle n’avait plus qu’a rendre son troisieme ?il.

* * *

Le jeu fut un fiasco : elle gagna un peu, perdit un peu, perdit un peu plus sans pour autant se sentir concernee. L’argent etait un jeu dingue de sauteurs qu’elle ne pretendait pas comprendre. Sa mere lui avait explique que c’etait un moyen de compter les points dans le grand jeu du pouvoir propre a la culture phallique. Voila tout ce que Robin avait besoin de savoir.

Elle decida de garder l’esprit ouvert meme si bien des choses lui semblaient peu engageantes, question distraction. Au debut, elle suivait les gens qui avaient l’air de s’amuser le plus et les imitait ensuite. Pour un demi-mark elle se paya ainsi le droit de lancer trois couteaux sur un homme qui paradait avec de grands gestes

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