astronomiques. Mais les passagers de la Tantra, qui etaient eux-memes des explorateurs, ne pouvaient abandonner un seul instant cette precieuse trouvaille.

A demi morts de fatigue, ils rejoignirent dans la bibliotheque de la Tantra leurs camarades qui brulaient d’impatience. La, dans le decor familier, autour de la table accueillante, vivement eclairee, l’obscurite funebre et l’astronef abandonne semblaient une fantasmagorie de cauchemar. Seule, la gravitation de la planete continuait a les accabler, et a chaque geste les astronautes grimacaient de douleur : faute d’habitude, il etait tres difficile de s’adapter aux mouvements du squelette d’acier. Ce desaccord provoquait des heurts et de violentes secousses. Aussi etaient-ils tous fourbus, quoique la marche n’eut guere ete longue. Bina Led, la geologue, avait sans doute une legere commotion cerebrale ; elle s’appuyait a la table, les mains aux tempes, mais refusait de s’en aller avant d’avoir ecoute la derniere bobine du journal de bord. Niza s’attendait a des choses poignantes. Elle imaginait des appels rauques, des cris de detresse, des adieux tragiques. La voix sonore et froide qui s’echappa de l’appareil, la fit tressaillir. Meme Erg Noor, ce grand specialiste des vols interstellaires, ne connaissait personne de l’equipage de la Voile. Compose uniquement de jeunes, le groupe etait parti pour son voyage temeraire a destination de Vega, sans avoir remis au Conseil d’Astronautique les cliches de ses membres.

La voix inconnue exposait des evenements posterieurs de sept mois au dernier message envoye sur la Terre. L’astronef avait ete endommage un quart de siecle auparavant, en franchissant la ceinture de glace cosmique ia la limite du systeme de Vega. On avait repare la breche de l’arriere et continue l’avance, mais l’accident avait detraque le reglage superflu du champ de protection des moteurs. Apres vingt ans de lutte, on avait du les arreter. La Voile avait poursuivi son chemin par inertie pendant cinq ans, jusqu’a ce que l’inexactitude naturelle du trajet l’eut deviee. C’est alors que fut emis le premier message. Comme l’astronef s’appretait a en lancer un autre, il penetra dans le systeme de l’etoile de fer. La suite etait analogue a l’histoire de la Tantra, sauf que la Voile, privee de l’usage de ses moteurs principaux, ne pouvait opposer aucune resistance. Elle ne pouvait devenir un satellite de la planete, car les moteurs planetaires d’acceleration, situes a l’arriere, etaient egalement hors d’etat. La Voile reussit a atterrir sur le plateau cotier. L’equipage assuma les trois taches qui lui incombaient : reparer si possible les moteurs, envoyer l’appel a la Terre, etudier la planete inconnue. Avant qu’on eut termine le montage de la tourelle pour la fusee, les gens commencerent a disparaitre. Ceux qui partaient a leur recherche ne revenaient pas. On avait cesse l’exploration, on quittait ensemble l’astronef pour aller sur le chantier et on s’enfermait dans le vaisseau durant les longues pauses qui coupaient le travail, rendu extenuant par la force de pesanteur. Dans leur hate a lancer la fusee, ils n’avaient pas commence l’etude d’un autre astronef, voisin de la Voile, qui devait etre la depuis longtemps ...

— Le disque ! songea Niza. Son regard rencontra celui du chef qui, ayant compris sa pensee, fit un signe affirmatif. Sur les quatorze membres de l’equipage de la Voile, il n’en restait que huit, mais depuis qu’on avait pris les mesures de precaution, plus personne ne disparaissait. La chronique presentait ensuite une interruption de trojs jours, apres quoi elle fut reprise par une voix claire de jeune femme.

— Aujourd’hui, le 12 du septieme mois, an 723 de l’Anneau, nous,, les survivants, avons acheve les preparatifs pour le lancement de la fusee de transmission. Demain a cette heure.

Key Baer jeta un coup d’?il instinctif sur la graduation horaire du ruban : cinq heures du matin a l’heure de la Voile, et on ne savait combien a l’heure de cette planete ...

— Nous enverrons suivant une trajectoire bien calculee ... La voix s’arreta net, puis reprit, assourdie, comme si la femme s’etait detournee du recepteur :

— Je branche ! Encore ! ...

L’appareil se tut, mais le ruban continuait a tourner. Les auditeurs echangerent des regards anxieux.

— Il est arrive quelque chose ! ... intervint Ingrid Ditra.

Des paroles precipitees, etranglees, jaillirent du magnetophone : « Deux ont echappe ... Laik n’a pas saute assez haut ... l’ascenseur ... n’ont pu fermer que la seconde porte ! Sack Kton rampe vers les moteurs ... On frappera avec les planetaires ... ils ne sont rien que rage et terreur ! Rien de plus ... » Le ruban tourna un moment sans bruit, et la voix continua ;

« Kton n’a pas reussi, je crois. Me voila seule, mais je sais ce que j’ai a faire. Avant de commencer, la voix raffermie avait un ton convaincant. Freres, si vous retrouvez la Voile, je vous previens qu’il ne faut jamais quitter l’astronef. »

L’inconnue poussa un grand soupir et dit, comme se parlant a elle-meme : « Je vais voir ce qu’est devenu Kton, a mon retour je raconterai tout en detail ... »

Un claquement sec, et le ruban s’enroula pendant une vingtaine de minutes, jusqu’a la fin de la bobine. C’est en vain que les oreilles se tendaient, attentives : la femme ne s’expliqua pas, n’etant sans doute plus revenue.

Erg Noor debrancha l’appareil et s’adressa a ses camarades :

— Nos s?urs et freres disparus nous sauvent la vie ! Ne sentez-vous pas la main puissante de l’homme de la Terre ! Il y a de l’anameson a bord de l’astronef, et nous voici prevenus d’un danger mortel qui guette dans ce monde les hotes des autres planetes. J’ignore ce que c’est, mais ce doit etre une vie etrangere. Des forces cosmiques inanimees auraient non seulement tue les hommes, mais deteriore le vaisseau ! Prevenus comme nous le sommes, il serait honteux de ne pas nous tirer d’affaire. Notre devoir est de rapporter sur la Terre les decouvertes de la Voile et les notres, afin que les exploits des morts et leur longue lutte avec le Cosmos n’aient pas ete inutiles !

— Comment voulez-vous prendre le carburant sans sortir de l’astronef ? s’informa Key Baer.

— Pourquoi sans sortir ? Vous savez bien que c’est impossible et qu’il nous faudra travailler dehors. Mais nous sommes avertis et nous prendrons nos precautions ...

— Je devine, dit le biologiste Eon Tal. Un barrage autour de l’endroit ou se fera le travail.

— Et tout le long du trajet entre les deux astronefs ! ajouta Pour Hiss.

— Bien sur ! Comme nous ne savons pas ce qui nous menace, nous ferons un barrage double, radio-actif et electrique. On tendra des fils, on fera un corridor de lumiere. Derriere la Voile, il y a une fusee abandonnee, dont l’energie suffira pour toute la duree des travaux.

La tete de Bina Led heurta la table. Malgre la pesanteur extenuante le medecin et le second astronome s’approcherent de leur compagne evanouie.

— Ce n’est rien ! declara Louma Lasvi, une commotion et de la surtension. Aidez-moi a la mettre au lit.

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