conserves. Une flamme eblouissante, irisee, jaillit du trou, suivant la tangente a la spirale. Cette deviation, ainsi que la fonte du metal bleu qui reboucha aussitot le trou, sauverent les explorateurs. Il ne restait du puissant robot qu’une masse informe d’ou sortaient piteusement deux jambes courtes. Erg Noor et Key Baer devaient leur salut aux scaphandres. L’explosion avait rejete les deux hommes loin de l’engin, disperse les autres, culbute le « canon » et rompu les cables electriques.

Revenus de la commotion, les astronautes se virent sans defense. Heureusement, ils se trouvaient dans la clarte du projecteur. Personne n’avait souffert, mais Erg Noor jugea que c’en etait assez. Abandonnant les instruments desormais inutiles, les cables et le projecteur, ils monterent sur le chariot intact et revinrent en hate vers la Tantra.

 ... L’heureux concours de circonstances lors du forage imprudent du disque n’etait pas du a la prevoyance du chef. Une autre tentative aurait donne des resultats beaucoup plus funestes ... et Niza, la chere astronavigatrice, qu’avait-elle ? ... Erg Noor esperait que le scaphandre avait affaibli le pouvoir meurtrier de la croix noire. Le contact de la meduse n’avait pourtant pas tue le biologiste ... Mais pourrait-on combattre ici, loin des instituts medicaux de la Terre, l’effet de l’arme inconnue ? ...

Dans la cabine intermediaire, Key Baer s’approcha du chef et montra la partie posterieure de son epauliere gauche. Erg Noor se tourna vers les miroirs, attributs indispensables des cabines, qui permettaient aux gens de s’inspecter au retour de l’exploration d’un monde etranger. La mince feuille de l’epauliere en alliage de zirconium et de titane etait fendue. Un morceau de metal bleu ciel avait penetre dans la doublure isolante, sans avoir perce la couche interieure du scaphandre. On eut bien de la peine a l’extraire. C’etait donc au prix d’un danger serieux et tout a fait par hasard, en somme, qu’on rapporterait sur la Terre un echantillon de l’astronef discoide.

Erg Noor, debarrasse du scaphandre mais toujours accable par l’attraction de la terrible planete, put enfin rentrer cahin-caha dans son astronef.

Tous les membres de l’equipage l’accueillirent avec joie. Ils avaient observe la catastrophe aux stereovisotelephones et jugeaient superflu de poser des questions.

CHAPITRE IV LE FLEUVE DU TEMPS

Veda Kong et Dar Veter se tenaient sur la plate-forme d’un vissoptere qui survolait lentement la steppe infinie. La brise faisait courir de grandes ondes sur l’herbe drue, emaillee de fleurs. Au loin, a gauche, on apercevait un troupeau de bestiaux noirs et blancs, descendants de metis obtenus en croisant des yacks, des vaches et des buffles.

Les collines basses, les rivieres calmes aux larges vallees, tout respirait la paix et la liberte dans ce secteur du globe terrestre qui s’appelait jadis la region de Khanty-Mansiisk.

Dar Veter contemplait d’un air songeur ces terrains autrefois couverts de mornes marecages et de bois chetifs du Nord siberien. Il revoyait en pensee un tableau de peintre ancien, qui lui avait laisse depuis l’enfance une impression ineffacable. Sur un promontoire contourne par la boucle d’un grand fleuve se dresse une chapelle solitaire en bois, toute grise et croulante de vieillesse, qui semble regarder avec melancolie l’immensite des champs et des pres. La croix mince de la coupole se profile sous les nuages bas. Dans le petit cimetiere, un bouquet de bouleaux et de saules ploie sous le vent ses cimes echevelees. Les branches touchent presque les croix vermoulues, renversees par le temps et les rafales dans l’herbe humide. Au-dela du fleuve, se chevauchent des nuees gris violet, compactes comme des roches. Le cours d’eau brille d’un eclat froid. Le sol est detrempe par une de ces pluies tenaces, propres aux automnes moroses des latitudes septentrionales. Et toute la gamme de tons neutres du tableau evoque l’etendue de terres inhospitalieres, ou l’homme souffre du froid et de la faim, ou s’accentue la sensation d’isolement, si caracteristique en ces temps de deraison.

Cette piece de musee, renovee et eclairee par des rayons invisibles, derriere une plaque de protection transparente, lui semblait une fenetre ouverte sur un passe immemorial ...

Dar Veter se tourna vers sa compagne sans mot dire. La jeune femme avait pose la main sur le garde-fou. Elle meditait, la tete penchee, en observant les hautes herbes inclinees par le vent. Les stipas argentes ondoyaient lentement, au-dessous du vissoptere qui voguait sans hate. De petits tourbillons chauds assaillaient parfois les voyageurs, tiraillaient les cheveux et la robe de Veda, soufflaient espieglement dans les yeux de Veter. Mais le regulateur d’altitude fonctionnait plus vite que la pensee humaine, et la plate-forme volante ne faisait que tressaillir ou osciller legerement.

Dar Veter se pencha sur l’indicateur itineraire. La carte geographique s’y deplacait rapidement, refletant leur route : peut-etre avaient-ils trop oblique vers le Nord. Ils avaient franchi depuis longtemps le soixantieme parallele, depasse le confluent de l’Irtych et de l’Obi et s’approchaient des hauteurs appelees Remparts de Siberie.

Le paysage de steppe etait devenu familier aux deux voyageurs qui avaient travaille quatre mois a d,es fouilles de tumu-lus dans les steppes torrides des contreforts de l’Altai. Leurs recherches archeologiques les avaient reportes aux ages ou ce pays n’etait traverse que par de rares detachements de cavaliers en arme.

Veda, silencieuse, indiqua de la main un ilot sombre qui flottait a l’horizon dans les vibrations d’air surchauffe et paraissait detache du sol. Quelques minutes apres, le vissoptere s’approcha d’une butte qui devait etre le deblai d’une mine abandonnee. Ni batiments, ni puits : ce monticule couvert de merisiers etait tout ce qui restait de l’ancienne exploitation.

La plate-forme volante pencha soudain.

Dar Veter saisit machinalement Veda par la taille et se jeta vers le bord releve de la plate-forme. Le vissoptere se redressa pour un instant et s’abattit au pied de la butte. Les amortisseurs agirent, et le coup en retour projeta Veda et Dar Veter a flanc de coteau, en pleines broussailles. Apres un bref silence, le rire melodieux de Veda s’eleva dans la steppe muette. Dar Veter imagina sa propre face, ahurie, ecorchee. Revenu de son etourdissement, il rit a son tour, heureux de voir sa compagne saine et sauve et de s’en etre tire lui-meme a si bon compte.

— Ce n’est pas sans raison qu’il est interdit de voler en vissoptere a plus de huit metres du haut, articula Veda Kong un peu essoufflee. A present je realise ...

— Des qu’il y a une panne, l’engin tombe et il n’y a plus d’espoir que dans les amortisseurs. On n’y peut rien, c’est un tribut paye en echange de la legerete et des dimensions reduites. Je crains que nous n’ayons a payer encore pour tous nos vols reussis, dit Dar Veter avec une indifference un peu affectee.

— A savoir ? fit Veda redevenue serieuse.

— Le fonctionnement impeccable des appareils de stabilite implique une grande complexite des mecanismes ... Je crains de mettre beaucoup de temps a m’y retrouver. Il faudra se debrouiller a la maniere de nos ancetres les plus primitifs.

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