Desuni qu’on avait appris a utiliser les antibiotiques puissants, sans engendrer des especes dangereuses et resistantes de microbes.
« Si Dis Ken est employe a la surveillance des marais, songeait Dar Veter, c’est qu’il devient un travailleur serieux des son jeune age ... »
Le fils de Grom Orm, comme tous les enfants de l’Ere de l’Anneau, avait ete eduque hors de sa famille, dans une ecole situee au bord de la mer, dans la zone Nord. C’est la qu’il avait subi les premieres epreuves a la station de l’APT. En confiant un travail aux jeunes, on tenait toujours compte des particularites psychologiques de l’adolescence : exaltations, sentiment tres fort de la responsabilite, egocentrisme.
L’immense wagon filait sans bruit ni secousses. Dar Veter monta a l’etage, sous le toit translucide. Tout en bas, de part et d’autre de la Voie, passaient en vitesse des batiments, des canaux, des bois et des montagnes. Les usines automatiques alignees aux confins des zones agricole et forestiere, faisaient etinceler au soleil leurs coupoles diaphanes. Les contours nets et severes des machines geantes se voyaient a travers les murs de cristal.
Au-dela du monument a Ginn Kad qui inventa un moyen avantageux pour la fabrication du sucre synthetique, la Voie s’engagea dans les forets de la zone agricole des tropiques. Les plantations s’etendaient a perte de vue, groupant des arbres de toutes nuances, formes et hauteurs. Dans les allees etroites et aplanies qui separaient les massifs de verdure, rampaient des recolteuses mecaniques, des machines de pollinisation et de controle ; d’innombrables fils s’entrecroisaient en un brillant reseau. Jadis, le symbole de l’abondance etait le champ de ble mur ... Mais des l’Ere de l’Unification on avait compris le desavantage economique des cultures annuelles ; le transfert de toute l’agriculture dans la zone tropicale dispensa l’humanite de semer et de soigner chaque annee, au prix de grands efforts, des herbes et des arbustes delicats. Les arbres, vegetaux vivaces qui epuisent moins le sol et resistent mieux aux intemperies, etaient devenus les principales plantes agricoles, bien avant l’Ere de l’Anneau.
Des arbres a pain, a baies, a noix, portant des milliers de varietes de fruits et donnant jusqu’a un quintal de masse nutritive par pied ... D’immenses vergers dont la superficie mesurait des centaines de millions d’hectares, entouraient la Terre d’une ceinture double, vraie ceinture de Geres, deesse mythologique de la fecondite. A l’interieur se trouvait la zone equatoriale, ocean de forets humides, qui fournissait a la planete le bois blanc, noir, violet, rose, dore, gris a reflets soyeux, dur comme l’ivoire ou tendre comme la pulpe d’une pomme, lourd comme la pierre ou leger comme le liege. On obtenait la quantite de resines diverses, moins cheres que les synthetiques et possedant de precieuses qualites industrielles ou medicinales.
Les cimes des geants sylvestres parvenaient au niveau de la Voie : la mer verte bruissait maintenant de tous cotes. Dans les trefonds ombreux, au milieu de charmantes clairieres, se dissimulaient des maisons sur pilotis metalliques et des machines en forme d’araignees monstrueuses, qui reussissaient a transformer ces fourres de quatre-vingts metres de haut en piles regulieres de troncs et de planches.
Les celebres montagnes de l’Equateur se montrerent a gauche. Sur l’une d’elles, le Kenya, il y avait un poste de transmission du Grand Anneau. La foret refluait devant un plateau rocheux. Des constructions cubiques bleu ciel se dresserent dans le voisinage.
Le train s’arreta et Dar Veter descendit a la gare de l’Equateur, dont le vaste quai etait dalle de verre glauque. Pres de la passerelle qui dominait les cimes plates des cedres bleutes, s’erigeait une pyramide en aplite29 blanche du fleuve Loualaba. Son sommet tronque supportait la statue d’un homme en combinaison de travail de l’Ere de l’Unification. Il levait de sa main gauche vers le ciel pale de l’Equateur un globe etincelant, muni de quatre antennes d’emission. Le corps rejete en arriere, comme pour lancer le globe dans le ciel, exprimait l’effort exalte que semblaient lui communiquer les personnages en costumes etranges, groupes autour du piedestal. C’etait un monument aux constructeurs des premiers satellites de la Terre, qui accomplissaient des miracles d’ingeniosite et de labeur. Le duvet argente des leucodendrons d’Afrique encadrait la pyramide lisse comme la porcelaine, qui reverberait l’eclat aveuglant du soleil. Dar Veter regardait toujours avec emotion les visages de ces statues. Il savait que les hommes qui avaient construit les premiers satellites et atteint le seuil du Cosmos etaient des Russes, ses admirables ancetres qui avaient entrepris l’edification de la societe nouvelle et la conquete du Cosmos ... Cette fois encore, il se dirigea vers le monument, pour examiner les traits des heros d’autrefois en les comparant a ses contemporains et a lui-meme. Deux silhouettes sveltes sortirent de sous les arbres, s’immobiliserent, puis l’un des jeunes gens s’elanca vers le voyageur. Mettant son bras sur l’epaule massive de Dar Veter, il examina a la derobee les traits familiers du visage energique : nez prononce, menton volontaire, levres egayees d’un sourire inattendu qui contrastait avec l’expression grave des yeux d’acier sous les sourcils joints ...
Dar Veter regarda, d’un air approbateur le fils de l’homme illustre qui avait bati des stations dans le systeme planetaire du Centaure et qui presidait depuis plus de quatre triennats le Conseil d’Astronautique. Grom Orm devait avoir au moins cent trente ans, trois fois plus que Dar Veter, tandis que son fils etait presque un enfant.
Dis Ken appela son camarade, un gars aux cheveux noirs.
— Tor An, mon meilleur ami, le fils du compositeur Zig Zor.
— Nous travaillons tous deux dans les marais, poursuivit Dis, nous voulons faire nos exploits ensemble et ne jamais nous separer.
— Tu t’interesses toujours a la cybernetique de l’heredite ? s’enquit Dar Veter.
— Oh, oui ! Tor, qui est musicien comme son pere, a fait de mon gout une passion. Lui et son amie ... ils veulent se consacrer au domaine ou la musique aide a comprendre l’evolution de l’organisme vivant, c’est-a-dire etudier la symphonie de sa structure.
— C’est plutot vague, remarqua Dar Veter, les sourcils fronces.
— Je ne suis pas encore tres fort, avoua Dis, confus. Peut-etre que Tor saura mieux s’expliquer.
L’autre jeune homme rougit, mais soutint le regard scrutateur de Veter.
— Dis parle des rythmes de l’heredite. L’organisme vivant, issu de la cellule maternelle, s’enrichit d’accords moleculaires. La spirale paire initiale se developpe dans un plan analogue au developpement de la symphonie musicale, autrement dit au fonctionnement logique de la machine a calculer electronique ...
— Tiens ! fit Dar Veter avec un etonnement outre. Mais alors, vous reduisez toute l’evolution de la matiere organique et inorganique a une sorte de symphonie colossale ? ...
— Dont le plan et le rythme interieur obeissent aux lois fondamentales de la physique. Il suffit de comprendre le programme et l’origine de ce mecanisme lyrico-cybernetique, affirma Tor An d’un ton peremptoire.
— Qui a trouve ca ?